Procédure dans le contentieux de laide sociale générale |
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PRINCIPES PROCÉDURAUX | ||
Mots clés : Juridictions de laide sociale - Composition de la formation de jugement |
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 316881
Mme X...
Séance du 1er octobre 2009
Lecture du mercredi 21 octobre 2009
Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 juin et 8 septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Z..., qui demande au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision du 14 février 2008 par laquelle la commission centrale daide sociale na que partiellement réformé la décision du 12 septembre 2005 de la commission départementale daide sociale de la Seine-Saint-Denis confirmant la décision de la commission cantonale daide sociale de Seine-Saint-Denis du 14 février 2005 procédant à la récupération des frais daide sociale exposés par ce département au profit de sa tante, Mme X... ;
2o Réglant laffaire au fond, de faire droit à sa requête dappel ;
3o De mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis le versement de la somme de 3 000 euros au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, maître des requêtes ;
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Z... et de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;
- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;
- la parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Z...et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;
Considérant que la commission centrale daide sociale a omis de répondre au moyen de M. Z... tiré de linsuffisante motivation de la décision du 12 septembre 2005 de la commission départementale daide sociale de la Seine-Saint-Denis ; que, par suite, et sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens du pourvoi, le requérant est fondé à soutenir que la décision attaquée de la commission centrale daide sociale est entachée dirrégularité et doit, dès lors, être annulée ;
Considérant quil y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de régler laffaire au fond en application des dispositions de larticle L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la régularité de la décision du 12 septembre 2005 de la commission départementale daide sociale de la Seine-Saint-Denis ;
Considérant que selon larticle L. 134-6 du code de laction sociale et des familles, la commission départementale daide sociale, présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer, comprend en outre trois conseillers généraux élus par le conseil général et trois fonctionnaires de lEtat en activité ou à la retraite désignés par le représentant de lEtat dans le département ; que ces dispositions régissant la composition des commissions départementales daide sociale doivent être mises en uvre dans le respect du principe dimpartialité qui sapplique à toute juridiction, et que rappellent les stipulations de larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ; quil peut être porté atteinte à ce principe lorsque des membres de lassemblée délibérante dune collectivité territoriale qui est partie à linstance siègent dans ces juridictions ; que, par suite, lorsquelles statuent sur un litige dans lequel un département est partie, ces juridictions ne peuvent comprendre de conseillers généraux, sans méconnaître ce principe ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier que la commission départementale daide sociale de la Seine-Saint-Denis, qui a statué sur la requête dappel formée par M. Z..., comprenait au moins un conseiller général de ce département ; que sa décision a ainsi été rendue en méconnaissance du principe dimpartialité rappelé à larticle 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ; que cette décision doit ainsi être annulée ; quil y a lieu dévoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. Z... ;
Sur le bien-fondé de la récupération, par le département de la Seine-Saint-Denis, de la somme de 41 099,44 euros ;
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, dans leur rédaction applicable à la date de louverture des droits à laide sociale de Mme X..., une action en récupération est ouverte au département, notamment b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; que, dautre part, aux termes de larticle 894 du code civil : La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ;
Considérant quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ; que, toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour ladministration de laide sociale de rétablir, sil y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de laide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, dune question préjudicielle ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme sétant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X... a bénéficié de prestations daide sociale, versées par le département de la Seine-Saint-Denis, pour un montant total de 76 906,67 euros, à raison de son hébergement à la maison de retraite de lhôpital R..., entre 1999 et 2003, année de son décès ; quen 1994 et 1995, alors âgée, respectivement, de 81 et de 82 ans, elle avait souscrit deux contrats dassurance vie dune durée de huit ans prorogeable par tacite reconduction, en désignant finalement comme bénéficiaire, en 1997, son neveu, M. Z... ; que ce dernier a perçu, après le décès de sa tante, une somme, nette dimposition, égale à 41 099,44 euros ; que, compte tenu de lâge de Mme X... au moment de la souscription des contrats dassurance vie litigieux ainsi que de limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, la souscription de ces contrats doit être regardée comme procédant dune intention libérale ; que, par suite, cest à bon droit que le département de la Seine-Saint-Denis a estimé que M. Z... avait bénéficié dune donation de la part de sa tante ;
Considérant, toutefois, que le montant de la récupération doit être fixé à celui des seules primes versées par Mme X..., soit à la somme de 38 249,46 euros ;
Sur les conclusions tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant quil ny a pas lieu, dans les circonstances de lespèce, de faire droit aux conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis en application de ces dispositions ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce quil soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. Z...,
Décide
Art. 1er. - La décision du 14 février 2008 de la commission centrale daide sociale et la décision du 12 septembre 2005 de la commission départementale daide sociale de la Seine-Saint-Denis sont annulées.
Atr. 2. - Le montant de la créance du département de la Seine-Saint-Denis à légard de M. X... est fixé à 38 249,46 euros.
Art. 3. - La décision de la commission cantonale daide sociale de Seine-Saint-Denis du 14 février 2005 est réformée en ce quelle a de contraire à la présente décision.
Art. 4. - Le surplus des conclusions de M. Z... est rejeté.
Art. 5. - Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Art. 6. - La présente décision sera notifiée à M. Z... et au département de la Seine-Saint-Denis.