Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2340
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Legs - Donation
 

Dossier n° 081098

Mme X...
Séance du 26 juin 2009

Décision lue en séance publique le 24 août 2009

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 21 août 2008, la requête présentée par M. X... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn du 3 juin 2008 de récupération sur legs par les moyens qu’il prie d’accepter la forme simple, car il a dû renoncer à l’aide d’un avocat, trop onéreuse pour lui ; qu’il sollicite que l’on tienne compte du délai de 5 ans intervenu depuis le décès de sa tante étant évident qu’il n’a pas conservé la somme réclamée qu’il ne s’attendait pas à devoir rembourser ; que ses moyens financiers ne lui permettent pas de payer cette récupération ; que le PEP souscrit par sa tante l’a été en décembre 1990 alors qu’elle avait 79 ans et qu’elle vivait seule ; qu’il habitait dans la Haute-Garonne et était le seul membre de la famille à la visiter et à régler tous ses problèmes journaliers ; qu’elle souhaitait par ce geste le rembourser à terme des dépenses qu’il engageait pour elle de manière plus discrète qu’en donnant en espèce ; que c’était sa volonté et que la banque lui avait présenté cette forme de placement comme inattaquable ; que c’est la raison pour laquelle il attaque cette assimilation faite comme un legs particulier ; qu’il conteste également la jurisprudence invoquée dans laquelle le contrat d’assurance vie a été souscrit en 1995 alors que l’intéressée bénéficiait de l’aide sociale depuis 1983 ; que sa tante avait souscrit ce PEP 8 ans avant de bénéficier de l’aide sociale ; que sur les reproches de ne pas avoir répondu aux courriers, il maintient qu’il a changé d’adresse en 2004 et que de nombreux courriers adressés à son ancienne adresse ne lui ont pas été transmis par La Poste ; qu’il demande l’annulation de la décision ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général du Tarn en date du 3 octobre 2008 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que Mme X... a bénéficié de l’aide sociale départementale au titre de l’hébergement pour personnes âgées en maison de retraite du 30 mai 1988 au 5 avril 1989 et du 19 mars 1998 au 8 mai 2003 ; que la créance départementale s’élève à 32 147,49 euros ; que Mme X... est décédée le 8 mai 2003 ; qu’elle avait souscrit le 20 décembre 1990 un contrat d’assurance vie PEP no 006/1017 1329.001 SOCAPI auprès de la Société d’épargne et de retraite à Paris pour un capital libéré de 21 385,86 euros en faveur de son neveu M. X... de la Haute-Garonne et sa nièce Mme Y... de l’Hérault à répartir pour moitié chacun ; que M. X... et Mme Y... ont donc reçu chacun la somme de 10 692,93 euros ; que l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que : « Des recours sont exercés par le Département...contre le bénéficiaire revenu à meilleur fortune ou contre la succession du bénéficiaire, contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les 10 ans qui ont précédé cette demande, contre le légataire » ; qu’il est incontestable que le contrat d’assurance vie est assimilé à un legs particulier, quelle que soit la date de souscription puisqu’il est réglé au moment du décès de la personne qui l’a souscrit ; que le légataire particulier reçoit du défunt quelque chose de précis, en l’occurrence, une somme d’argent ; qu’il s’inscrit donc bien dans le cadre d’exercice du recours contre le légataire prévu à l’article L. 132-8 susmentionné ; que la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale en date du 14 mai 2004 stipulant que Mme P... a bénéficié de services ménagers au titre de l’aide sociale de 1983 jusqu’au 24 juillet 1999 ; que le 3 février 1995, elle a souscrit un contrat d’assurance vie en faveur de ses deux filles Mmes A... et B... P... d’une valeur de 2 286,74 euros pour chacun, appréciée à 2 864,82 euros lors de son décès ; que par ce contrat d’assurance vie Mme P... a consenti à chacune de ses filles un legs particulier, acte par lequel son auteur dispose d’une partie de l’hérédité non exprimée sous la forme d’une quote-part ou d’une fraction ; que les legs particuliers ne sont pas des éléments d’une succession ; qu’ainsi le département du Territoire de Belfort était fondé à récupérer cette somme en vertu de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que M. X... n’a jamais répondu aux divers courriers qui lui ont été envoyés sur les renseignements nécessaires à l’instruction du dossier de succession ; que la somme de 21 385,86 euros a été communiquée au département par le service des impôts de Z... ; qu’elle représente le capital libéré par le contrat d’assurance vie souscrit par Mme X... le 20 décembre 1990 pour un premier versement de 17 000 francs (2 591,64 euros) sous le PEP no 1.10171329 avec 2 bénéficiaires, son neveu et sa nièce ; que la part revenue à M. X... suite au capital libéré du contrat d’assurance vie s’élève à 10 692,93 euros ainsi que la part revenue à Mme Y... ; qu’il est incontestable que ce legs s’inscrit bien dans le cadre d’exercice du recours contre légataire prévu à l’article L. 132-8 susmentionné ; que le recours contre légataire particulier s’exerce à concurrence de la valeur du legs et de la créance départementale et qu’en l’espèce, le total de la somme de 10 692,93 euros à récupérer sur M. X... et de celle de 10 692,93 euros à récupérer sur Mme Y... est égal au montant du capital libéré par le contrat d’assurance vie ; que Mme Y... a déjà réglé la part de 10 692,93 euros lui incombant en trois fois, le 19 février 2008, le 20 mars 2008 et le 22 avril 2008 pour un montant de 3 564,31 euros à chaque échéance ;
    Vu le nouveau mémoire en réplique de M. X... en date du 27 novembre 2008, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que l’assurance vie contractée par sa tante ne peut être qualifiée juridiquement comme le fait le département de donation, plus particulièrement de legs à titre particulier mais de stipulation pour autrui ; qu’il en est de la jurisprudence constante que l’assurance vie doit juridiquement recevoir la qualification de stipulation pour autrui ; que l’assurance vie n’exige pas l’acceptation du bénéficiaire alors que cette acceptation est impérative en matière de donation ; que le souscripteur prévoit de récupérer les sommes accumulées ou de modifier à tout instant le nom du bénéficiaire, ce qui est impossible en matière de donation ; que par conséquent cette assurance vie ne peut être analysée en donation soit en legs particulier, mais en une simple stipulation pour autrui ne pouvant pas donner lieu à récupération ;
    Vu le nouveau mémoire complémentaire du président du conseil général du Tarn en date du 15 décembre 2008 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que sur le motif invoqué par M. X... quant au délai relativemente important entre le décès de sa tante et la décision de récupération, il découle du défaut de M. X... à la demande de renseignements qui lui a été envoyée par plusieurs courriers ; que le changement d’adresse invoqué par M. X... est confirmé à compter de novembre 2004, il est rappelé que les divers courriers restés sans réponse de sa part, datent du 6 août 1998, 26 octobre 1998, 25 juin 2003 et 15 décembre 2003 ; que de ce fait, le changement d’adresse ne concernerait éventuellement que les courriers des 21 décembre 2006 et 23 mars 2007 qui ont été suivis d’un entretien téléphonique du service contentieux et récupération du conseil général avec M. X... en date du 1er juin 2007 ; que le fait invoqué par M. X... à savoir les visites faites à sa tante et le règlement de tous ses problèmes journaliers, il est à noter que Mme X... a souscrit le contrat d’assurance vie PEP le 20 décembre 1990 alors qu’elle résidait déjà à l’hôpital et ce depuis le 30 mai 1988 avec prise en charge des frais d’hébergement par l’aide sociale jusqu’au 5 avril 1989, puis sans prise en charge jusqu’au 19 mars 1998 puisqu’elle avait été transférée dans un autre service moins coûteux et pouvait subvenir au paiement de sa pension avec ses propres ressources et enfin avec prise en charge par l’aide sociale du 19 mars 1998 jusqu’à son décès le 8 mai 2003 ; que de plus, lors de l’entretien téléphonique du 1er juin 2007 de M. X... avec le service contentieux et récupérations du conseil général, celui-ci a indiqué l’existence de sa sœur Mme Y... pour le bénéfice du contrat d’assurance vie ; qu’il a aussi indiqué ne plus avoir de contact avec sa tante depuis une « dizaine d’années précédant le décès » ; que ce fait a été vérifié par les courriers adressés à Mme X... à l’hôpital en date du 16 décembre 1999, 31 mars 2000 et 14 novembre 2001 et restés sans réponse puisque c’est le docteur GRANIER de l’hôpital qui a répondu au service du contentieux et récupérations du conseil général en date du 7 décembre 2001, invoquant l’incapacité totale de sa patiente ; qu’en ce qui concerne le fait invoqué par M. X... à savoir la souscription d’assurance vie PEP par sa tante en sa faveur pour compenser les services rendus, il est à noter que le contrat d’assurance vie PEP a été souscrit pour moitié également en faveur de sa sœur Mme Y... ; qu’enfin concernant le fait invoqué par M. X... à savoir son ignorance sur les conséquences de l’aide sociale en matière de contrat d’assurance vie, la demande de prise en charge des frais d’hébergement par l’aide sociale a bien été signée par lui lors de l’entrée de sa tante à l’hôpital ; que cette demande a été acceptée par le conseil général, Mme X... n’ayant pas assez de ressources pour régler ses frais d’hébergement, sous réserve de récupérer le contrat d’assurance vie à son décès, dans la limite de la créance départementale ; qu’enfin il invoque des moyens financiers actuels insuffisants, alors qu’il a la possibilité de demander un échelonnement de paiement auprès du payeur départemental comme l’a fait sa sœur, Mme Y... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 2 mars 2009 invitant les parties à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 juin 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 1002 du code civil : « Les dispositions testamentaires sont à titre universel ou à titre particulier (...) chacune de ces dispositions (est) faite sous la dénomination d’institution d’héritier (ou) sous la dénomination du legs » ; que si c’est à la disposition même et non la dénomination employée par le testateur qu’il faut s’attacher pour déterminer la nature d’un legs, la souscription d’un contrat d’assurance-vie décès, qui a la nature d’une stipulation pour autrui, acte neutre, susceptible néanmoins d’être requalifié en donation indirecte ne présente pas, par contre, le caractère d’une disposition testamentaire pouvant donner lieu à l’exercice de l’action prévue au 3o de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles non plus d’ailleurs qu’à celle prévue au 1o dudit article qui s’applique aux legs universels ou à titre universel, mais seulement à celle, contre le donataire, prévue au 2o du même article ; qu’après avoir à l’origine elle-même, notamment dans sa lettre du 2 juin 2007, qualifié l’action en récupération intentée d’action contre le donataire, l’administration ne se fonde plus devant le juge de l’aide sociale que sur les dispositions du 3o de l’article L. 132-8 relatives au recours contre le légataire (particulier) ; que si le président du conseil général du Tarn considère « qu’il est incontestable que le contrat d’assurance-vie est assimilé à un legs particulier quelle que soit sa date de souscription puisqu’il est réglé au moment du décès de la personne qui l’a souscrit, les légataires particuliers (recevant) du défunt quelque chose de précis en l’occurrence une somme d’argent », il résulte de ce qui précède qu’une telle analyse ne peut être qu’écartée, dès lors que la stipulation pour autrui litigieuse ne peut être qualifiée ni même requalifiée comme une disposition testamentaire mais seulement requalifiée le cas échéant comme une donation indirecte ;
    Considérant qu’en admettant qu’il appartienne même d’office au juge de l’aide sociale de substituer le cas échéant la base légale du 2o de l’article L. 132-8 à celle de son 3o , il n’est pas établi et ne ressort pas des pièces du dossier soumises à la commission centrale d’aide sociale qu’en souscrivant à 79 ans un contrat d’assurance-vie décès pour une prime de 17 000 euros (montant qu’il y a lieu de prendre en compte et non les capitaux versés aux deux bénéficiaires après le décès de la stipulante) Mme X..., compte tenu notamment de son état de santé dont il n’est nullement allégué qu’il comportât des risques de décès plus élevés que ceux normalement existants à l’âge de la souscription et des modalités d’ensemble de gestion de son patrimoine, ait souscrit le contrat litigieux dans une intention libérale à l’égard de M. X... et dans des conditions telles qu’il ne présentât plus le caractère aléatoire qui lui est normalement inhérent ; que dans ces conditions il n’y a pas lieu à substituer la base légale du 2o de l’article L. 132-8 à celle de son 3o et il convient de faire droit à la demande de M. X..., seul requérant, sa sœur Mme Y... n’ayant pas contesté la récupération litigieuse,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn du 19 juin 2008, ensemble la décision du président du conseil général du Tarn du 8 octobre 2007 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à l’encontre de M. X..., à hauteur du montant perçu comme bénéficiaire du contrat d’assurance-vie décès souscrit à son bénéfice par Mme X..., à récupération des prestations avancées par l’aide sociale.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 juin 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 24 août 2009.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer