Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2320 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Succession - Placement |
Dossier n° 090006
Mme X...
Séance du 26 juin 2009
Décision lue en séance publique le 24 août 2009
Vu enregistrée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Savoie le 18 août 2008, la requête présentée par Mme A..., M. B... et Mme C... tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Haute-Savoie du 29 avril 2008 de récupération sur succession par les moyens que leur mère a bénéficié dune aide à domicile au titre de laide sociale aux personnes handicapée du 1er décembre 1990 au 31 janvier 1997, puis au titre de laide aux personnes âgées du 1er février 1997 au 30 novembre 2002, puis a perçu lallocation personnalisée dautonomie (APA) ; que leur maman Mme X... était une personne lourdement handicapée dont le cas relevait du handicap et non dune affection due à lâge ; que la différence est grande et quils ne sont pas entendus ; que le jugement ne fait pas cas de la maladie de Parkinson quelle avait depuis plus de 20 ans ; que la commission na pas vue que cétait une maladie dégénérative ; quils comprennent que les frais engagés par le conseil général sont importants, mais quil faut savoir quelle est tombée malade à 46 ans ce qui explique le montant de la somme ; quentre 60 et 65 ans elle est devenue de plus en plus handicapée et dépendante et quils ne comprennent pas pourquoi larticle L. 241-4 du code de laction sociale et des familles nest pas appliqué pour cette période qui la considère comme une personne âgée ; quils ont du mal à laccepter ; que la législation devrait être revue ; que de plus ayant été privés de leur mère jouant son rôle normal de maman pendant plus de vingt ans ils sont encore acculés à restituer une somme énorme quils estiment injustifiée ; quils sont plusieurs fois pénalisés ; quils leur semblent avoir largement contribué au « remboursement » durant toutes ces années, physiquement, moralement et financièrement ; que le seul bien que leur mère ait possédé fut la moitié de la maison familiale après le décès de sa maman en 2004 ; quils ont vendu cette maison en janvier 2006 pour assurer le paiement de la maison de retraite quelle avait intégré fin décembre 2005 ; que cette vente a été opérée non pour leur confort personnel, alors quils auraient aimé conservé ce bien familial, mais bien pour leur maman ; que leur père agriculteur (en fermage) a toujours eu des revenus modestes et que leur mère était femme au foyer laidant dans son exploitation avant sa maladie ; que pour répondre à largument que la succession se compose de deux comptes et que lactif net successoral sélève à 103 164,89 euros ce qui équivaut à 34 388 euros par enfant, ils estiment que cette somme était un moyen de les aider à rembourser la construction de leur maison ; quils se sont assumés seuls pour effectuer leurs études (4 voir 5 ans après le bac) sans le soutien financier de leurs parents en effectuant des prêts et des petits boulots ; quils se sont investis pour assurer une vie professionnelle stable au prix de sacrifices tout en soutenant leur maman lors de lépreuve ; quà largument quils ne sont pas en situation dimpécuniosité ils aimeraient répondre quil ont tous eu des soucis dargent à un moment donné mais que leur éducation leur a permis de les surmonter sans avoir recours à aucune aide ; que sur largument quils seraient apparemment en bonne santé, cela est relatif ; que par exemple pour le prêt CNP que Mme A... a contracté, la CNP lui réclame le double du montant pour son mari pour les assurances ; quainsi la preuve est apportée quelle fait partie dun groupe à risque ; que la conclusion concernant leur état de santé leur parait hâtive ; quils sollicitent au vu de ces éléments et de limportance de la somme réclamée un réexamen de la situation ;
Le président du conseil général de la Haute-Savoie na pas produit de mémoire en défense ;
Vu le nouveau mémoire des consorts Mme A..., M. B... et Mme C... en date du 28 janvier 2009 qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens et les moyens quils pensent que le conseil général a accordé à leur maman une aide inadaptée étant donné quelle bénéficiait dune aide pour personne handicapée au moment de sa retraite ; que par ailleurs, ils ont également invoqué quen ce qui concerne laide aux personnes handicapées larticle L. 241-4 dispose que laide sociale nest pas récupérable sur la part de la succession recueillie par les descendants, le conjoint et les parents qui ont assuré la charge de la personne handicapée ; quils ne remettent pas en cause la loi qui stipule quune aide sociale aux personnes âgées est récupérable, mais le fait que leur maman naurait pas dû recevoir ce type daide à son 60e anniversaire car elle était reconnue handicapée ; quils estiment quils nont pas à subir une erreur faite par le service social du conseil général ; quelle nétait pas une personne retraitée qui manquait de revenus ; que les sommes versées par CAP retraites qui représentaient un capital dheures ont servi intégralement au maintien à domicile dune personne handicapée dépendante ; quils joignent un article du magazine mutualiste de la MGEN en qui ils trouvent écho à leur question ; que leur maman relevait plutôt dun cas sanitaire que social ; que dailleurs la loi du 11 février 2005 sur le handicap prévoyait que les personnes de plus de 60 ans bénéficient des mêmes prestations que les moins de 60 ans ; quen contestant ils espèrent que les intitulés des types daide soient modifiés et que la confusion entre personne âgée et personne handicapée se dissipe ;
Vu enregistré le 23 juin 2009, le mémoire complémentaire présenté pour les consorts A.., B..., C..., par Maître SOLMAZ RANJINEH, avocat, persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que lassistance de lauteur de la décision attaquée au délibéré de la commission départementale daide sociale entache la régularité de la décision du premier juge ; que la décision du président du conseil général de la Haute-Savoie du 14 décembre 2007 est insuffisamment motivée ; que le président du conseil général na pas examiné les circonstances propres aux requérants qui avaient justifié de ce quils avaient effectivement assuré la charge de leur mère par leur présence et leurs débours ; que les aides doivent être déduites de la récupération sagissant dune personne âgée mais également dune personne handicapée ; quil y a lieu de condamner le département à leur verser 1 000 euros en remboursement des frais irrépétibles ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la lettre en date du 3 mars 2009 invitant les parties à se présenter à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 26 juin 2009, Mlle ERDMANN, rapporteure, Maître SOLMAZ RANJINEH, pour les consorts A..., B..., C..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les mentions de la décision attaquée qui font foi en létat portent qua « assisté » au délibéré lauteure même de la décision administrative soumise à la commission départementale daide sociale de la Haute-Savoie ; quelle ait ou non en outre présenté rapport sur laffaire, le principe dindépendance et dimpartialité des juridictions administratives a été méconnu ; quil y a lieu dannuler la décision attaquée et dévoquer la demande ;
Considérant que les décisions entrant en récupération infligent une sanction ; quelles doivent en conséquence être motivées en application des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que, toutefois, même si elle ne mentionnait pas la période au titre de laquelle la récupération est intervenue la décision critiquée du président du conseil général de la Haute-Savoie indique quil sagit de la récupération de laide ménagère accordée au titre de laide aux personnes âgées (et non en conséquence et nécessairement de celle accordée au titre de laide aux personnes handicapées) ; que le recours litigieux est un recours « contre succession » et quainsi la décision entrant en récupération nétait pas juridiquement, comme en fait, tenue de mentionner lidentité des héritiers bénéficiaires de lactif net successoral ; que, de même, la décision attaquée mentionnant le montant des prestations récupérées au titre de laide sociale aux personnes âgées et la récupération sexerçant dans la limite de lactif net successoral, la circonstance quelle nait pas expressément indiqué le montant de celui-ci nest pas davantage de nature à lentacher dune insuffisance de motivation ; que dans ces conditions le moyen tiré de son irrégularité à raison dune telle insuffisance ne peut être quécarté ;
Considérant que par décision du 14 décembre 2007, le président du conseil général de la Haute-Savoie a décidé dopérer un recours contre la succession de Mme X..., en récupération des frais engagés au titre de laide sociale aux personnes âgées dun montant de 28 241,51 euros ; quen sa séance du 29 avril 2008, la commission départementale daide sociale de la Haute-Savoie confirmait cette décision ;
Considérant que Mme X... a bénéficié dune aide à domicile au titre de laide sociale aux personnes handicapées du 1er décembre 1990 au 31 janvier 1997 pour une créance de 21 434,71 euros ; quelle a bénéficié dune aide ménagère à domicile au titre de laide sociale aux personnes âgées du 1er février 1997 au 30 novembre 2002 dun montant de 28 241,51 euros ; quelle a également bénéficié du 1er décembre 2002 au 21 février 2006 de lallocation personnalisée dautonomie ; que Mme X... est décédée le 21 février 2006 ; quelle laisse lui succéder trois enfants, Mme A..., M. B... et Mme C... ; que lactif net successoral sélève à 103 164,89 euros composés de deux comptes Caisse dEpargne en Isère et de biens immobiliers situés sur les communes de la Haute-Savoie ;
Considérant quaux termes de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale aujourdhui repris à larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles « des recours sont exercés (...) par le département : 1o (...) contre la succession du bénéficiaire (...) en ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile (...) », un décret en conseil dEtat prévoit : « Le cas échéant lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale en deçà duquel il nest pas procédé au recouvrement » ; quà la date du décès de lassistée le seuil était de 46 000 euros ;
Considérant que dans la requête susvisée les requérants font valoir que leur mère qui bénéficiait dune aide pour handicapée avant lâge de 60 ans aurait dû conserver après 60 ans le bénéfice des dispositions plus favorables prévues pour les personnes handicapées et non recevoir une aide sociale aux personnes âgées car elle était reconnue handicapée ; que, toutefois, le bénéfice des dispositions de larticle 43 de la loi du 30 juin 1975 ne sétend pas aux prestations daide sociale versées dans les conditions de droit commun notamment dâge et de ressources en vertu des dispositions du code de laction sociale et des familles autres que le titre IV du livre II ; que les dispositions de la loi du 11 février 2005 nont eu ni pour objet ni pour effet dinterdire au département de la Haute-Savoie de rechercher la récupération des frais de prestations daide à domicile aux personnes âgées versées à Mme X... dans les conditions de droit commun au titre de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles ; que le moyen tiré de ce que Mme X... aurait dû à 60 ans le 29 janvier 1997 continuer à bénéficier de laide sociale aux personnes handicapées est dans cette mesure inopérant ; que par ailleurs larticle 18-VI de la loi du 11 février 2005 a limité aux « personnes accueillies au 12 février 2005 » dans un établissement ou service pour personnes âgées, ce qui nest pas le cas de Mme X..., le bénéfice de lextension aux personnes handicapées de plus de 60 ans par larticleL. 344-5-1 du code de laction sociale et des familles des dispositions de larticle L. 344-5 jusqualors réservées aux seules personnes bénéficiant dune aide aux personnes handicapées de moins de 60 ans de la nature de celle prévue par ce dernier article ; que si, dans leur dernier mémoire produit le 22 juin 2009, les requérants entendaient soutenir que les aides quils ont versées devraient être légalement déduites du montant de la récupération recherchée pour le motif que Mme X... nétait pas seulement une personne âgée mais également une personne handicapée, il résulte de ce qui précède quune telle demande est dépourvue de fondement légal, dès lors que laide récupérée a bien été dispensée dans le cadre de laide aux personnes âgées ;
Considérant que le moyen tiré de ce que les requérants nauraient pas à subir les conséquences dune erreur faite par le service social du conseil général ne peut, en toute hypothèse, être accueilli, dès lors quil résulte de ce qui précède que ladministration na pas commis, en lespèce, derreur de droit ;
Considérant que dans le mémoire produit le 22 juin 2009 les requérants doivent également être regardés comme formulant une demande de remise ou à défaut de modération de la créance de laide sociale ; que certes les trois enfants de Mme X... ont aménagé leur temps de façon à se relayer au domicile de leur mère durant chaque fin de semaine les samedi et dimanche de 1997 février 2006 ; que toutefois cet accomplissement de leurs devoirs filiaux nest pas à soi seul de nature à justifier remise ou modération de la créance de laide sociale ; que par contre, il résulte des pièces jointes à ce dernier mémoire que les requérants ont également accordé à leur mère des aides financières qui peuvent être globalement évaluées à 8 580 euros pendant cette période ; qualors même quils ne produisent pas déléments sur leur situation financière en revenus et capital il y a lieu de tenir compte de ces débours effectués en complément des prestations de laide sociale en ramenant la créance de celle-ci à 20 000 euros, dans lexercice des pouvoirs de juridiction de remise du juge de la récupération de la créance de laide sociale ;
Considérant quil y a lieu de faire droit aux conclusions devant être regardées comme présentées au titre des frais irrépétibles sur le fondement de larticle 75-1 de la loi du 10 juillet 1991,
Décide
Art. 1er. - La récupération à lencontre de la succession de Mme X... est limitée à 20 000 euros.
Art. 2. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Haute-Savoie du 29 avril 2008, ensemble la décision du président du conseil général de la Haute-Savoie du 14 décembre 2007 sont réformées en ce quelles ont de contraire à larticle 1er.
Art. 3. - Le département de la Haute-Savoie paiera 1 000 euros à celui des consorts A..., B..., C... quils mandateront pour les percevoir au titre de larticle 75-1 de la loi du 10 juillet 1991.
Art. 4. - Le surplus des conclusions de la requête des consorts A..., B..., C... est rejeté.
Art. 5. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 26 juin 2009 où siégeaient M. LEVY, président, M. JOURDIN, assesseur, et Mlle ERDMANN, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 24 août 2009.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer