Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3420 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH) | ||
Mots clés : ASPH - Placement - Hypothèque |
Dossier no 080823
Mlle P...
Séance du 3 avril 2009
Décision lue en séance publique le 14 mai 2009
Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 20 mars 2008, la requête présentée pour Mlle P... et lassociation tutélaire des inadaptés de Paris, en qualité de curateur renforcé de Mlle P..., dont le siège est 20, rue de lEure 75014 Paris, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat au Conseil dEtat et à la Cour de cassation, Mlle P... et lATI de Paris demandent à la commission centrale daide sociale dannuler la décision de la commission départementale daide sociale de Paris en date du 15 juin 2007 rejetant leur demande tendant à la restitution à Mlle P... de la somme de 39 531,23 euros avec intérêts de droit à dater de lenregistrement de la demande et à la condamnation du département de Paris à leur payer 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ; Mlle P... et lATI de Paris soutiennent quil résulte des dispositions de la loi du 4 mars 2002 que les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées accueillies en foyer à charge de laide sociale ne font pas lobjet dun recouvrement à lencontre du bénéficiaire revenu à meilleure fortune ; quainsi aucun droit à la récupération nétait ouvert au département ; quen outre la réalisation dun immeuble dont le bénéficiaire était déjà propriétaire au moment de ladmission à laide sociale ne constitue pas un retour à meilleure fortune non plus que de manière plus générale le produit de la vente de biens appartenant déjà à une personne handicapée ; que la commission départementale daide sociale a rendu une décision ambiguë sinon totalement absconse en la forme et quil parait seulement possible de déduire de sa motivation quelle a entendu considérer que les textes cités ont pour effet de constituer Mlle P... débitrice des sommes versées à son profit par laide sociale ; que dans cette mesure sa décision est entachée dune erreur de droit ; quil semble que la commission départementale daide sociale ait considéré que dès lors que la mainlevée de linscription dhypothèque nétait pas intervenue conformément aux prévisions de larticle L. 132-16 du code de laction sociale et des familles, le département était en droit non seulement dobtenir du notaire, comme il la fait, le paiement de la somme litigieuse mais encore de la conserver ; que cest méconnaitre que lhypothèque ne constitue que la garantie dune créance éventuelle et que si cette créance nexiste pas le créancier ne peut pas conserver la somme quil a perçue par le jeu de cette garantie de paiement ; que laccessoire ne peut être confondu avec le principal ; que dès lors que le département de Paris navait aucun droit à récupérer les sommes versées, Mlle P... nétait pas débitrice de ces sommes ; que larticle R. 132-16 ne saurait fonder la position de ladministration alors que dune part lhypothèque ayant produit son effet une demande de mainlevée aurait été sans objet et que dautre part la décision de prescrire la mainlevée de lhypothèque ne peut intervenir que dans le cadre de la procédure de récupération des prestations daide sociale en cas de retour à meilleure fortune alors que larticle L. 344-5 exclut en lespèce toute récupération ;
Vu la décision attaquée ;
Vu enregistré le 20 mars 2008 le mémoire du président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général tendant au rejet de la requête par les motifs que larticle L. 132-9 du code de laction sociale et des familles prévoit bien la garantie des recours prévus à larticle L. 132-8 au moyen dune hypothèque légale sur les immeubles du bénéficiaire de laide sociale ; que linscription ainsi mentionnée est prise au profit de la collectivité supportant directement les prestations daide sociale en application des dispositions de larticle R. 132-13 ; quen lespèce la sureté inscrite sur le bien immobilier appartenant pour un tiers à Mlle P... correspond au total des dépenses daide sociale engagées par le département pour le compte de lintéressée occasionnées par lhébergement en foyer du 14 juillet 2003 au 31 décembre 2005 ; que les conditions dexercice de la mainlevée des inscriptions hypothécaires sont encadrées par larticle R. 132-16 précité et que la restitution de la somme de 39 531,23 euros représente la contrepartie de la mainlevée de lhypothèque demandée par lassociation tutélaire, curatrice de Mlle P... ; que tant la décision dhypothèque que la demande de restitution ne contreviennent pas aux dispositions légales ou réglementaires applicables ; quen outre la réclamation du département ne constitue pas une mise en uvre du retour à meilleure fortune prévu par larticle L. 132-8 ; quà ce titre le moyen selon lequel la réclamation résulterait dune qualification juridiquement inexacte des faits doit être écarté ; que la demande puisse reposée sur une base légale obsolète constitue également un argument inopérant, le département nignorant pas les dispositions de la loi du 4 mars 2002 ; que létat des frais justifiant la sureté de créance sur lequel sappuie le département pour justifier son hypothèque a été établi à partie des états justificatifs des dépenses daide sociale et des contributions de Mlle P... à ses frais dhébergement ; quil est clairement énoncé que celle-ci détient un tiers du bien grevé dhypothèque et que la demande de remboursement sexerce à due concurrence ; quelle est bien débitrice du département de Paris et que sa demande de restitution se heurte aux dispositions de larticle R. 132-16 du code de laction sociale et des familles ; que « le considérant »... de la décision de la commission départementale daide sociale constitue la synthèse de ces éléments ; que le département reconnait que les requérants nont pas eu connaissance de ces informations avant leur exposé à laudience du premier juge ; que la mainlevée de lhypothèque sur le bien immobilier supposait que Mlle P... désintéresse préalablement le département de Paris de sa créance ; quil napparait pas que le recouvrement de la somme réclamée soit de nature à mettre en péril la situation matérielle de Mlle P... ;
Vu enregistré le 5 novembre 2008 le mémoire en réplique présenté pour Mlle P... et lATI de Paris, les requérants persistent dans les conclusions et les moyens de leur requête et concluent en outre à la capitalisation des intérêts ; ils reprennent les mêmes moyens et soutiennent en outre que le département ne conteste pas que larticle L. 344-5 dans sa version postérieure à la loi du 4 mars 2002 soit bien applicable ; que lénumération des hypothèses de récupération à larticle L. 132-8 est limitative ; quoutre labsence de possibilité de récupération contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune depuis lentrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, depuis la loi du 11 février 2005 la récupération ne peut non plus être dirigée contre la succession du bénéficiaire lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé de façon effective et constante sa charge, non plus que contre le légataire ou contre le donataire ; que la loi du 4 mars 2002 était bien applicable en lespèce ; quaucun recours ne peut donc être exercé contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ; quainsi le département ne pouvait se prévaloir daucune créance de restitution à légard de Mlle P... que garantit lhypothèque légale ; quen tout état de cause le département navait pas non plus de droit au remboursement des dépenses avancées sur le fondement de larticle L. 132-8 dès lors quaucun retour à meilleure fortune ne pouvait être retenu en lespèce ce que le département a reconnu lui-même en faisant valoir conformément aux prétentions de Mlle P... que sa réclamation « ne constituait pas une mise en uvre du retour à meilleure fortune prévu à larticle L. 132-8 » ; que cest donc curieusement que le défendeur énonce que les règles jurisprudentielles dont elle se prévalait ne seraient pas applicables à sa situation ; que cest inexactement que le département déduit lexistence de sa créance à légard de Mlle P... de lexposition des dépenses daide sociale à lhébergement pour le compte de celle-ci ; quen effet la créance se définit comme le droit dexiger de quelquun lexécution dune obligation alors quen lespèce aucun recours en récupération nétait ouvert au département à lencontre du bénéficiaire des prestations daide sociale dès lors que celui-ci nétait pas revenu à meilleure fortune ; quainsi le département ne pouvait se prévaloir daucune créance de restitution à légard de lintéressée, bien quil ait engagé des dépenses daide sociale à son profit ; que largumentation déduisant lexistence de la créance de récupération de la seule exposition des dépenses daide sociale sans justifier dun recours en récupération est sans fondement ; que linvocation de larticle R. 132-16 par le défendeur est inopérante ; que la mainlevée de lhypothèque ne peut intervenir que dans le cadre de la procédure en récupération des prestations daide sociale ; que les articles R. 132-13 et suivants, et notamment larticle R. 132-16 nauront vocation à sappliquer que si un recours peut être exercé par la collectivité pour récupérer le montant des prestations versées et quen lespèce aucun recours en récupération nétait ouvert faute de retour de Mlle P... à meilleure fortune ; quil ny avait donc pas lieu dappliquer les dispositions ayant pour objet de garantir un tel recours figurant aux articles R. 132-13 et suivants ; quainsi linvocation de larticle R. 132-16 na aucune incidence sur la solution du litige ; quà tous égard Mlle P... était en droit de demander la restitution de la somme détenue par le département de Paris ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la lettre en date du 21 janvier 2009 invitant les parties à se présenter à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 3 avril 2009, Mlle Erdmann, rapporteure, Me Ivoa Alavoine, pour Mlle P... et lATI de Paris, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant dune part, quaux termes de larticle L. 132-9 du code de laction sociale et des familles « pour la garantie des recours prévus à larticle L. 132-8 les immeubles appartenant aux bénéficiaires de laide sociale sont grevés dune hypothèque légale » ; quil résulte de ces dispositions que la collectivité qui fait lavance des prestations daide sociale ne peut percevoir le montant des sommes correspondant à une hypothèque inscrite pour en garantir le recouvrement que pour autant quun recours entrant dans le champ de ceux prévus à larticle L. 132-8 est prévu par la loi et quelle ne peut obtenir restitution des prestations avancées que lorsque le recours légalement prévu est effectivement susceptible dêtre exercé ;
Considérant dautre part, quaucune disposition législative ne permet aux collectivités daide sociale de solliciter le remboursement des prestations avancées indépendamment des hypothèses où le paiement est indu (ce qui nest pas le cas dans lesquels) ou il y a lieu à récupération sur le fondement de larticle L. 132-8 ;
Considérant que le 7 avril 2006, le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général a inscrit une hypothèque sur un bien immeuble à hauteur de la quote-part de Mlle P... admise en foyer dhébergement à charge de laide sociale depuis le 2 juillet 2003 ; que le 20 juin 2006 il a demandé à lATI de Paris, curateur renforcé de Mlle P..., de lui faire parvenir au moment de la vente le montant de la part lui revenant indiquant que « le paiement sollicité (...) nest pas assimilable à un recours en récupération mais doit être considéré comme la somme dont (la) débitrice représentée par son tuteur doit sacquitter en vue de désintéresser le département de Paris, son créancier, et obtenir la mainlevée de lhypothèque » ; que ladministration a effectivement obtenu du notaire chargé de la vente le versement dune somme de 39 531,23 euros correspondant au tiers du prix de vente de limmeuble revenant à Mlle P... ; que celle-ci a demandé, par demande du 24 janvier 2007, à la commission départementale daide sociale de Paris dordonner restitution de cette somme ;
Considérant quen toute hypothèse ladministration noppose pas labsence de décision préalable et défend au fond ; quà supposer même que lexigence dune décision préalable soit invocable en lespèce devant le juge de laide sociale, il ny a lieu pour celui-ci en cet état de largumentation des parties dopposer aucune fin de non recevoir tirée de labsence dune telle décision ;
Considérant comme il a été dit ci-dessus quune hypothèque ne peut être inscrite sur le fondement de larticle L. 132-9 que pour la garantie de lexercice ultérieur dun recours en récupération par la collectivité daide sociale sur le fondement de larticle L. 132-8 et un recouvrement de la somme correspondant à linscription prise ne peut intervenir que lors de lexercice du recours pour la garantie duquel lhypothèque a été inscrite ; quaucune disposition ne permet à ladministration que lhypothèque ait été ou non levée de pourvoir au recouvrement de sa créance avant que le fait générateur dune récupération légalement susceptible dêtre exercé par la collectivité daide sociale ne se soit produit ;
Considérant en premier lieu, quà la date de ladmission de lassistée à laide sociale la récupération au titre du retour à meilleure fortune avait été supprimée par larticle 2 de la loi du 4 mars 2002 ; que dans cette mesure ladministration ne pouvait ni requérir, ni en toute hypothèse obtenir lors de la vente du bien la récupération de ses créances à cette date ;
Considérant en deuxième lieu, quà la date de linscription de lhypothèque, la loi du 11 février 2005 avait supprimé la récupération contre le légataire et le donataire ; quaucune hypothèque ne pouvait donc être prise pour la garantie déventuels recours à ces titres ;
Considérant en troisième lieu, que subsistait donc à cette même date le seul droit à récupération contre la succession sauf pour les personnes exonérées en dernier lieu par larticle 18 de la loi du 11 février 2005 ; que dans cette mesure une hypothèque pouvait être inscrite et la garantie ainsi prise utilisée à loccasion du recours maintenu ; que, toutefois, le fait générateur de la récupération contre la succession est le décès de lassisté et en aucun cas les sommes avancées ne peuvent être réclamées à lassisté avant son décès ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède quaucune « restitution » nétait légalement sollicitable par ladministration à la date où elle a obtenu le versement de la somme de 39 531,23 euros du notaire instrumentaire de la vente du bien partiellement propriété de Mlle P... ;
Considérant, il est vrai, en quatrième lieu, que ladministration soutient (pour autant que la commission ait réussi à comprendre sa position juridique) que la restitution dans la présente instance nest pas liée à lexercice dun recours en récupération mais procède de lapplication de larticle R. 132-16 du code de laction sociale et des familles qui subordonne la mainlevée de lhypothèque préalablement inscrite à la production des pièces justificatives du remboursement de la créance ou dune remise prononcée par la commission dadmission ;
Considérant que cet article dispose que la décision de mainlevée « intervient au vu des pièces justificatives (...) du remboursement de la créance » ;
Mais considérant que ces dispositions réglementaires nont pas pour objet et nauraient pu avoir légalement pour effet dautoriser ladministration à recouvrer les dépenses daide sociale avancées indépendamment de lexercice des recours en récupération pour la garantie desquels lhypothèque est instituée et ne permettent, comme il a été dit, la récupération des sommes garanties quaprès la survenance du fait générateur de la récupération ; que, comme il a été dit, à la date dadmission à laide sociale comme à la date de la demande de remboursement aucune récupération nétait plus légalement possible contre lassisté lui-même au titre du retour à meilleure fortune non plus que contre le légataire ou le donataire et dans la mesure où une récupération demeurait possible contre la succession le fait générateur de cette récupération nétait pas survenu ; quainsi la mainlevée de lhypothèque ne pouvait être subordonnée au remboursement par Mlle P... des frais dhébergement déjà avancés ; quil résulte de ce qui précède que le seul fondement légal invoqué par le département de Paris pour solliciter le remboursement des prestations avancées est inopérant pour justifier le remboursement obtenu et que sil appartenait à ladministration de statuer sur une demande de mainlevée, dont laurait saisi le curateur, elle ne pouvait en toute hypothèse pourvoir auprès du notaire au recouvrement des sommes avancées en labsence de tout fondement légal permettant une récupération soit que celle-ci ne soit plus possible, soit quelle ne puisse intervenir que contre la succession de lassisté et non contre celui-ci antérieurement à son décès ; quil suit de là que les requérants sont fondés à solliciter du juge de plein contentieux de laide sociale quil ordonne la restitution des sommes dont sest rendue attributaire la collectivité daide sociale ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède quil y a lieu dannuler la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de Paris et de condamner le département de Paris à verser à Mlle P..., assistée par lATI de Paris, la somme de 39 531,23 euros ;
Considérant quen sollicitant les intérêts de la somme à compter de la date de lenregistrement de sa demande de restitution à la commission départementale daide sociale de Paris la requérante na pas fait une inexacte appréciation de la situation en labsence de demande préalable à ladministration dune telle restitution ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 5 novembre 2008 ; quà cette date il était dû au moins une année dintérêts ; quil y a lieu en application de larticle 1154 du Code civil de faire droit à cette demande ;
Considérant que dans les circonstances de lespèce il y a lieu sur le fondement de larticle 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 de condamner le département de Paris à verser à Mlle P... la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens quelle a exposés tant en première instance quen appel ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de Paris du 15 juin 2007 est annulée.
Le département de Paris versera à Mlle P... la somme de 39 531,23 euros.
Art. 3. - Cette somme portera intérêts à compter du 24 janvier 2007.
Art. 4. - Les intérêts prévus à larticle 3 sont capitalisés au 5 novembre 2008.
Art. 5. - Le département de Paris paiera à Mlle P... 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.
Art. 6. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 3 avril 2009 où siégeaient M. Levy, président, Mlle Balsera, assesseure, et Mlle Erdmann, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 14 mai 2009.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au ministre du logement, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer