Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie |
Dossier n° 061284
Mme D...
Séance du 24 octobre 2008
Décision lue en séance publique le 27 novembre 2008
Vu enregistré à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône le 28 septembre 2005, la requête présentée par le président du conseil général du Rhône tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale du Rhône en date du 7 décembre 2004 de récupération sur donation par les moyens que Mme D... décédée le 6 janvier 2003 a bénéficié de la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite « Les A... » du 27 juillet 2001 au 6 janvier 2003 ; que les avances consenties par le département du Rhône au titre de cette prestation sélèvent à 16 213,62 euros ; que la défunte laisse trois enfants pour lui succéder Mlle D..., Mme P... et Mlle M... D... ; que la succession fait apparaître un actif successoral de 2 109,78 euros (compte courant Caisse dEpargne 1 653,01 euros et 456,77 euros de dépôt sur un livret A Caisse dEpargne) ; que sur le montant de cet actif, le département a récupéré la somme de 1 780,24 euros auprès des héritiers au titre du recours contre succession après déduction des frais payés par Mlle M... D... après le décès de sa mère (trop perçu et dette auprès de la maison de retraite soit 329,54 euros) ; que Mme D... a souscrit au profit de sa fille Mlle M... D..., à défaut les héritiers de Mme D..., un contrat assurance vie le 7 août 1998 (3 ans avant la demande daide sociale) pour un capital de 1 777,70 euros ; quau décès les trois filles ont partagé à parts égales le montant du capital de lassurance vie (592,57 euros chacune) ; quen sa séance du 16 janvier 2004, la commission dadmission à laide sociale de Vénissieux a prononcé la récupération à lencontre de Mlle D..., de Mme P... et de Mlle M... D... de la somme de 592,57 euros chacune, correspondant au montant versé sur un contrat dassurance vie par Mme D... ; quen sa séance du 7 décembre 2004, la commission départementale daide sociale du Rhône a prononcé la non récupération des sommes versées par le département ; quen ce qui concerne le bien fondé de la récupération, larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles dispose quun recours peut être exercé par le département contre les donataires lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que par un arrêté du 19 novembre 2004 (CE, sect., 19 nov. 2004, no 254797 M. Roche), le conseil dEtat se réfère au droit de ladministration de laide sociale de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération et affirme que ce même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation sil révèle une intention libérale du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et compte tenu de son espérance de vie et de limportance des primes versées par rapport à son patrimoine ; quen lespèce, Mme D... a souscrit un contrat assurance vie le 7 août 1998, soit 3 ans avant la demande daide sociale à lâge de 75 ans et pour un montant de 1 777,70 euros ; que les sommes versées sur le contrat assurance vie étant hors succession une telle souscription diminue le montant de lactif net successoral arrêté à 1 780,24 euros ; que le cumul de lactif net successoral et du montant souscrit au titre de lassurance vie aurait permis une récupération à hauteur de 3 557,94 euros ; que le département du Rhône a été directement lésé par cette souscription ; quun recours contre donataire est fondé en droit ; que deux enquêtes diligentées le 14 septembre 2004 auprès de Mlle D... révèle quelle est célibataire sans enfant ; quelle perçoit lallocation aux adultes handicapés et le complément AAH dun total mensuel de 681,78 euros ; que son loyer mensuel de 219,89 euros est couvert par une APL de 232,39 euros ; quil ressort également que Mlle M... D... est divorcée ; quelle disposait en 2001 : 433,17 euros de ressources mensuelles ; en 2002 de 715,91 euros ; en 2003 de 755,83 euros et de 886,50 euros de ressources en 2004 ; que son loyer APL déduite sélevait en 2004 à 122,38 euros ; quelle devait en outre sacquitter dune taxe dhabitation de 117,00 euros en 2004 ; que juridiquement la situation financière des donataires est sans incidence sur la validité dun recours en récupération exercé par le département ; que le département demande le maintien de la récupération à lencontre des donataires à raison de 592,57 euros chacune correspondant à leur part du montant versé sur le contrat dassurance vie compte tenu de la dépense assumée par la collectivité et arrêtée à 16 213,62 euros ;
Vu le mémoire en défense de Mme M... D... en date du 2 novembre 2006 qui conclut au rejet de la requête par les moyens quelle ne comprend pas cette décision alors quelle est malade et ne dispose que de 793,23 euros de pension dinvalidité par mois et dune rente accident du travail dun montant de 121,31 euros ; quelle précise que si sa situation financière lui avait permis dassumer les besoins et les soins médicaux de sa mère elle concevrait le sentiment quil a été abusé ; mais quà lévidence, à défaut de loger sa mère chez elle vu son état de démence, et sa propre invalidité reconnue à 100 % par la Sécurité Sociale, elle a été logée dans la maison A... durant deux ans, puis suite à la fermeture de cet établissement par le conseil général, elle a été placée à X... où ses ressources étant insuffisantes, elles ont demandé laide sociale, la PSD nétant pas suffisante pour couvrir les frais ; que la commission dadmission a bien reconnu ces faits et la exonérée de la somme réclamée ; que sa situation financière est toujours aussi précaire quen 2004 ;
Vu le mémoire en défense en date du 20 novembre 2006 de Mme D..., curatrice de Mlle D..., qui conclut au rejet de la requête par les moyens quelle sollicite la confirmation de la décision rendue par la commission départementale daide sociale du Rhône ;
Vu le nouveau courrier de la curatrice spéciale de Mlle D... en date du 14 août 2008 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que le contrat dassurance vie souscrit par Mme D... la été en transformant un plan épargne logement ; quil sagissait avant tout dun placement financier ; que ce contrat ne peut pas constituer une donation déguisée ou indirecte dès lors que Mme D... pouvait récupérer le capital cumulé si elle le souhaitait avec sa curatrice ou modifier à tout moment le nom du bénéficiaire du contrat ; que si toutefois cette souscription devait être requalifiée en donation elle requiert pour sa protégée quon lui accorde de conserver cet héritage qui représente une somme modique, mais bien importante pour cette personne aux ressources très limitées ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu la lettre en date du 10 juillet 2008 invitant les parties à se présenter à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 24 octobre 2008, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que par sa décision en date du 16 janvier 2004 la commission dadmission à laide sociale de Vénissieux a décidé de la récupération à lencontre de Mlle D..., Mme P... et Mme M... D... de la somme de 592,57 euros pour chacune delle correspondant au montant versé sur un contrat dassurance vie souscrit par Mme D..., bénéficiaire de laide sociale, le 7 août 1998 (soit 3 ans avant la demande daide sociale) compte tenu de la dépense assumée par la collectivité arrêtée à 16 213,62 euros ; que par sa décision du 7 décembre 2004 la commission départementale daide sociale du Rhône a décidé quaucune récupération ne serait effectuée à lencontre de Mlle D... et de Mlle M... D... ;
Considérant que Mme D... décédée le 6 janvier 2003 a bénéficié au titre de laide sociale aux personnes âgées de la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite « Les A... » du 27 juillet 2001 au 6 janvier 2003 pour un montant de 16 231,62 euros ; que Mme D... a souscrit le 7 août 1998 au profit de sa fille M... D... un contrat dassurance vie pour un capital de 1 777,70 euros ; quau décès de Mme D... ses trois filles Mme P..., Mlle D... et Mlle M... D... se sont partagées à parts égales le montant de lactif successoral (soit 703,26 euros chacune) et le montant du capital de lassurance vie (soit 592,57 euros chacune) ;
Considérant quen vertu des dispositions alors en vigueur, lors du fait générateur de la créance, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles une action en récupération est ouverte au département notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ;
Considérant dune part, que la souscription dun contrat dassurance vie est susceptible le cas échéant dêtre requalifié en donation indirecte ;
Considérant dautre part quaux termes de larticle 894 du code civil « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas par lui-même le caractère dune donation au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu de circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant en lespèce que Mme D... a souscrit à 75 ans, soit 3 ans avant son admission en maison de retraite une assurance vie et ce sans quil soit établi quelle fut alors atteinte dune affection de nature à inférer un pronostic fatal à brève échéance ; quen outre la prime versée était de 1 777,70 euros et lactif successoral de 2 109,78 euros ; que dans ces conditions le président du conseil général du Rhône qui nétait pas fondé à récupérer la somme de 1 780,24 euros auprès des héritiers de lassistée au titre du recours contre succession, nétablit pas lintention libérale de la stipulante à légard des bénéficiaires ; quau surplus et en toute hypothèse en eut-il été autrement la demande de remise aurait dû être admise ; quen effet les revenus des requérantes sont très modestes ; que Mlle D... ne perçoit que lallocation aux adultes handicapés et son complément ainsi quune allocation logement lui permettant de couvrir son loyer ; que Mme M... D... ne percevait que 886,50 euros par mois en 2004 et quil napparait pas que sa situation ait évolué à la date de présente décision ; que dans ces circonstances, il y aurait eu lieu, en tout état de cause, comme lavait dailleurs admis le premier juge, à remise au bénéfice des deux requérantes étant enfin observé que cest juridiquement à tort et de manière surprenante que le département du Rhône croit devoir soutenir par un mémoire du 18 septembre 2005 contraire à la jurisprudence en la matière des juridictions daide sociale « que juridiquement la situation financière des deux donataires est sans incidence sur la validité dun recours en récupération exercé par les services du département » lambiguïté du terme « validité » ne pouvant celer que le juge de laide sociale statue en matière de récupération dabord sur la légalité de la décision administrative comme il a été fait ici à titre principal ensuite sur lopportunité de la maintenir eu égard à la situation des intéressés justifiant le cas échéant une remise ou modération dune récupération légalement prise, comme il vient dêtre fait à titre subsidiaire compte tenu de largumentation juridiquement infondée qua cru devoir énoncer lappelant,
Décide
Art. 1er. - La requête du président du conseil général du Rhône est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 24 octobre 2008 où siégeaient M. Lévy, président, M. Jourdin, assesseur, et Mlle Erdmann, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 27 novembre 2008.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer