Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Répétition de l’indu - Fraude
 

Dossier n° 071715

Mme E...
Séance du 7 mai 2008

Décision lue en séance publique le 15 mai 2008

    Vu la requête introductive en date du 22 décembre 2006, présentée par Mme E..., qui demande d’annuler la décision du 26 septembre 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions en date du 14 novembre 2005 par lesquelles le président du conseil général a rejeté les demandes formulées par Mme E... de remise gracieuse de deux indus d’un montant de 3 320,76 euros et de 240 euros, au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion perçue respectivement entre octobre 2003 et mars 2005 et juillet 2005 et septembre 2005 ;
    La requérante, si elle reconnaît que les sommes reçues au titre des mois concernés, n’avaient pas été mentionnées sur les déclarations de ressources trimestrielles, rappelle que ces sommes étaient des revenus épisodiques, précaires et modestes, ce qui impliquait qu’elle n’avait pas toujours connaissance du montant des salaires perçus au moment du remplissage des déclarations ; qu’elle déclarait au surplus l’ensemble des revenus sur les déclarations annuelles de la caisse d’allocations familiales, ce qui démontre sa bonne foi ; qu’elle a toujours fourni l’ensemble des explications et documents demandés par la caisse d’allocations familiales ; que la commission départementale d’aide sociale ne pouvait pas elle-même qualifier ces omissions de déclaration de fraude et qu’elle aurait dû saisir le juge pénal pour établir une telle qualification ; qu’elle demande une remise gracieuse de la dette compte tenu de sa situation de précarité, dès lors que le revenu minimum d’insertion est sa seule ressource, que la pension alimentaire n’est versée par le père de sa fille qu’irrégulièrement et qu’il lui reste, une fois les dépenses élémentaires payées, un reste-à-vivre d’environ 170 euros par mois pour elle et sa fille ;
    Vu le mémoire en défense en date du 20 novembre 2007, présenté par le président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que si Mme E... a déclaré tous ses revenus dans ses déclarations annuelles, elle a omis de le faire régulièrement dans ses déclarations trimestrielles ; que l’intéressée a déjà présenté une remise de dette au président du conseil général que celui-ci a refusée le 30 juin 2006 compte tenu de la négligence dont a fait preuve l’intéressée ;
    Vu les mémoires en réplique, en date du 5 et du 12 février 2008, présentés pour Mme E... par Me T..., tendant aux mêmes fins que sa requête et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu’elle a subi de nombreuses difficultés personnelles durant cette période ; que le cumul entre allocation de revenu minimum d’insertion et revenus tirés d’une activité professionnelle est possible sous certaines conditions, sans que l’on puisse savoir si cet élément a été pris en compte dans le calcul de l’indu ; qu’elle est dans une situation financière particulièrement difficile ;
    Vu le nouveau mémoire en défense, en date du 12 mars 2008, présenté par le président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les déclarations annuelles de ressources de l’intéressée n’était pas non plus correctement renseignées ; que l’intéressée avait déjà par le passé omis volontairement de déclarer des indemnités qu’elle percevait en plus de l’allocation de revenu minimum d’insertion ;
    Vu le nouveau mémoire, en date du 14 avril 2008, présenté pour Mme E... par Me T..., tendant aux mêmes fins que ses précédents mémoires et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que le montant des salaires retenus par la caisse d’allocations familiales entre janvier 2004 et mars 2004 est erroné, de même que celui retenu pour les second, troisième et quatrième trimestre 2004 ;
    Vu le nouveau mémoire en défense, en date du 28 avril 2008, présenté par le président du conseil général d’Ille-et-Vilaine, tendant aux mêmes fins que son précédent mémoire et par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les légères divergences sur les montants de ressources retenus s’expliquent par le fait que les salaires pris en compte étaient les salaires nets imposables et non le salaire net à payer réellement perçu, divergence justifiée par les conditions du contrôle ; que la seule incidence de ces divergences est une différence de l’indu de 9,44 euros par mois pendant un trimestre et que ce rappel sera immédiatement effectué en faveur de Mme E... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988, et les décrets subséquents ;
    Vu la lettre en date du 16 janvier 2008 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 7 mai 2008 M. Jérôme Marchand-Arvier, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes des dispositions alors en vigueur de l’article L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles : « Un recours contentieux contre les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum peut être formé par toute personne qui y a intérêt devant la commission départementale d’aide sociale, mentionnée à l’article L. 134-6, dans le ressort de laquelle a été prise la décision. La décision de la commission départementale est susceptible d’appel devant la commission centrale d’aide sociale instituée par l’article L. 134-2 » ; qu’aux termes de l’article L. 262-11 du même code : « Les rémunérations tirées d’activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l’allocation peuvent, selon des modalités fixées par voie réglementaire, être exclues, en tout ou partie, du montant des ressources servant au calcul de l’allocation » ; qu’aux termes des dispositions alors en vigueur de l’article R. 262-8 du même code : « Lorsqu’en cours de versement de l’allocation, l’allocataire, son conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ou l’une des personnes à charge définies à l’article R. 262-2 commence à exercer une activité salariée ou non salariée ou à suivre une formation rémunérée, les revenus ainsi procurés à l’intéressé sont intégralement cumulables avec l’allocation jusqu’à la première révision trimestrielle, telle que prévue au premier alinéa de l’article R. 262-12, qui suit ce changement de situation. Lors de la première révision trimestrielle, un abattement de 100 % est appliqué sur la moyenne mensuelle des revenus du trimestre précédent. Ces revenus sont ensuite affectés d’un abattement de 50 % pour la liquidation de l’allocation des trois trimestres de droit suivant la deuxième révision » ; qu’aux termes de l’article R. 262-44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262-1 (...) » ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur depuis l’intervention de la loi no 2006-339 du 23 mars 2006 : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262-39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;
    Considérant que Mme E... est bénéficiaire du revenu minimum d’insertion ; qu’à la suite d’éléments établissant que Mme E... n’avait pas déclaré, sur les déclarations trimestrielles de ressources, les revenus qu’elle percevait, le président du conseil général de l’Ille-et-Vilaine a, par une décision du 31 août 2005, demandé à Mme E... la récupération de deux indus d’un montant de 3 320,76 euros et de 240 euros, au titre de l’allocation de revenu minimum d’insertion perçue respectivement entre octobre 2003 et mars 2005 et juillet 2005 et septembre 2005 ; que, saisi par l’intéressée de demandes de remise de dette, le président du conseil général a, par deux décisions du 14 novembre 2005, rejeté ces demandes ; que, saisie par l’intéressée, la commission départementale d’aide sociale d’Ille-et-Vilaine a, par une décision du 26 septembre 2006, confirmé les décisions du président du conseil général ; que Mme E... demande l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale ;
    Sur la compétence du juge de l’aide sociale pour qualifier la situation :
    Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 262-39 et L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles qu’il appartient aux commissions départementales d’aide sociale puis, le cas échéant, à la commission centrale d’aide sociale, d’apprécier si le paiement indu de l’allocation de revenu minimum d’insertion trouve son origine dans une manœuvre frauduleuse ou une fausse déclaration, et ne peut pas, par suite, faire l’objet d’une remise gracieuse ; que la fraude constatée dans ce cadre par les juridictions de l’aide sociale n’est pas une qualification pénale devant être appréciée par le juge pénal ; que, dès lors, la commission départementale d’aide sociale était compétente pour qualifier de fraude les omissions déclaratives de Mme E... ;
    Sur le calcul de l’indu :
    Considérant que l’indu résulte de la non-prise en compte, dans le calcul de l’allocation de revenu minimum d’insertion de Mme E..., de la perception par cette dernière pendant la période en cause de différents revenus, salaires, indemnisations versées par l’ASSEDIC et pensions alimentaires, qu’elle n’avait pas mentionnés sur les déclarations trimestrielles de ressources successives ;
    Considérant qu’il ressort en particulier des éléments transmis par le président du conseil général de l’Ille-et-Vilaine, que les mesures d’intéressement prévues par les dispositions précitées des articles L. 262-11 et R. 262-8 du code de l’action sociale et des familles, qui permettent le cumul, pendant un temps donné et sous certaines conditions, de l’allocation de revenu minimum d’insertion et des revenus tirés d’une activité professionnelle, ont bien été prises en compte pour calculer le montant d’allocation auquel Mme E... avait droit et l’indu qui en résulte ;
    Considérant que si la requérante estime que le montant des salaires retenus par la caisse d’allocations familiales pour les quatre trimestres de l’année 2004 est erroné, il ressort des pièces du dossier que les légères divergences constatées sont liées aux conditions du contrôle, Mme E... n’ayant notamment pas produit toutes les pièces utiles ; que, s’agissant des salaires perçus pour le premier trimestre de l’année 2004, une éventuelle erreur sur leur montant exact serait sans incidence sur le calcul de l’indu dès lors que l’ensemble des salaires perçus pendant cette période ont fait l’objet d’une neutralisation et n’ont donc généré aucun indu ; que, s’agissant des salaires du second trimestre et du troisième trimestre, l’erreur est de moins de soixante euros sur trois mois pour le second trimestre et de dix euros pour le troisième trimestre et qu’en tout état de cause, s’agissant du second trimestre, la conséquence en terme d’indu est de 9,44 euros par mois pendant un trimestre, le président du conseil général s’engageant à effectuer ce rappel en faveur de Mme E... et, s’agissant du troisième trimestre, la différence n’a pas de conséquence en terme de calcul de l’indu dès lors que les ressources recalculées ne permettent pas d’attribuer l’allocation de revenu minimum d’insertion pour ce trimestre ; que, s’agissant des revenus pris en compte pour le quatrième trimestre, l’indu n’est pas généré, comme feint de croire la requérante, par la prise en compte d’un salaire, mais de revenus, en l’espèce tirés des allocations chômage et d’une pension alimentaire, revenus dont le montant n’est pas contesté ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le moyen tiré ce que le montant de l’indu ne serait pas justifié ne peut qu’être écarté ;
    Sur la qualification des omissions à l’origine de l’indu :
    Considérant qu’il n’est pas contesté que Mme E... n’a pas mentionné sur les déclarations trimestrielles de ressources les différents revenus qu’elle percevait pendant près de deux ans, cette absence de déclaration étant à l’origine de l’indu ; que les déclarations trimestrielles de ressources mentionnent explicitement l’obligation d’indiquer les revenus tirés notamment des salaires, des indemnités chômage et de la pension alimentaire ; que le contrôle mené le 30 août 2005 par la caisse d’allocations familiales fait apparaître des montants conséquents de revenus non déclarés par Mme E..., avec notamment en 2004, 3 608 euros de salaires et 2 729 euros d’indemnités de chômage ; qu’en outre, l’intéressée avait déjà en mars 2000 fait l’objet d’un contrôle de la caisse d’allocations familiales établissant qu’elle avait omis de déclarer des indemnités qu’elle percevait en plus de l’allocation de revenu minimum d’insertion, et qu’il lui avait été rappelé à cette occasion l’obligation de mentionner les revenus perçus sur les déclarations trimestrielles de ressources ; que, par suite, et alors même que Mme E... a mentionné l’existence d’une partie de ces revenus dans des déclarations annuelles transmises à la caisse d’allocations familiales, la commission départementale d’aide sociale a pu sans erreur de droit ni erreur d’appréciation estimer que cette négligence est assimilable à une fraude, terme qui renvoie en l’espèce aux qualifications de manœuvre frauduleuse et fausse déclaration utilisées par les dispositions précitées de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et conformément aux dispositions précitées de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles, que la créance ne peut pas être remise ou réduite en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration, quelle que soit la précarité de la situation du débiteur ; que, par suite, Mme E... n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du président du conseil général refusant de lui accorder une remise gracieuse de l’indu ;
    Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que Mme E... n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 26 septembre 2006 de la commission départementale d’aide sociale de l’Ille-et-Vilaine,

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de Mme E... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 mai 2008 où siégeaient Mme Rouge, présidente, M. Mony, assesseur, M. Marchand-Arvier, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 15 mai 2008.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer