Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Placement - Aide sociale - Date d’effet
 

Dossier no 040664

M. M...
Séance du 26 octobre 2007

Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 8 novembre 2002, la requête présentée par maître Alban C..., avocat pour son client M. Ouaheb M... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Isère du 6 décembre 2002 confirme la décision de la commission cantonale de Grenoble du 14 décembre 2001 de refus de l’admission à l’aide sociale au placement aux motifs que M. M... a été victime d’un grave accident de la circulation au cours de l’année 2000 ; qu’il est resté durant plusieurs semaines dans le coma et a subi de graves séquelles de cet accident avec un taux d’incapacité de 80 % ; qu’à l’issue de cette hospitalisation, M. M... a été placé au foyer les Nalettes ; qu’en vue de ce placement M. M... a retiré un dossier d’aide sociale le 2 octobre 2000 ; que ce dossier a été rapidement déposé au CCAS de Grenoble ; que par suite ce dossier a probablement été égaré par les services du CCAS puisque entre le 26 février 2001 et le 20 mars 2001 une assistante sociale du CMUDD (Mme V...) a tenté en vain de le retrouver ; que le 11 avril 2001 l’assistante sociale du CMUDD a contacté la famille de M. M... afin qu’un nouveau dossier soit déposé ; que ce nouveau dossier a été déposé le 2 mai 2001 auprès du CCAS de Grenoble ; que M. M... qui avait déposé un premier dossier avant même d’être placé dans ce foyer ne peut en aucun cas assumer la responsabilité de la perte de ce dossier ; que la décision de la commission cantonale étant une décision administrative qui fait grief à M. M..., aurait dû être motivée ; que l’article 1er de la loi du l8 juillet 1979 fait en effet obligation aux autorités administratives de mentionner les considérations de droit ou de fait qui constituent le fondement des décisions qu’elles prennent, dès lors que celles-ci constituent des mesures individuelles défavorables ; que tel est le cas de la décision du 14 décembre 2001 ; qu’en se bornant à indiquer que l’admission de M. M... à l’aide sociale était rejetée sans invoquer les raisons de ce rejet, la commission a entachée d’irrégularité sa décision ; qu’en application de la jurisprudence BAREL, la décision sera annulée (Conseil d’Etat - 28 mai 1954 - BAREL, Rec. 308 « Le juge doit vérifier si l’acte n’est pas fondé sur un motif de droit erroné ou sur des faits matériellement inexacts, et d’autre part s’il n’est pas entaché d’un détournement de pouvoir. Pour ce faire, le juge doit être mis en mesure de contrôler les motifs de la décision d’après l’ensemble des documents au vu desquels elle a été prise. ») ; que l’article L. 131-4 du code de l’action sociale et des familles dispose que « les décisions attribuant une aide sous forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; que l’article 18 du décret du 11 juin 1954 précise que la demande doit être effectuée dans les deux mois qui suivent le jour de l’admission au foyer ; que force est de constater que M. M... a formulé sa demande dans le délai imparti et qu’il ne peut être tenu pour responsable de la perte ultérieure de son dossier ; qu’enfin la commission cantonale n’a pas compétence liée pour refuser l’admission à l’aide sociale ; qu’il était dès lors possible d’admettre M. M... au bénéfice de l’aide sociale en tenant compte de son taux d’incapacité, de ses faibles ressources et de la disproportion entre ses revenus et le coût de son séjour au foyer les Nalettes ; que la décision du 14 décembre 2001 est donc entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et qu’elle sera de ce chef annulée ;     Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Isère en date du 9 mars 2007 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que M. Ouaheb M... a été accueilli à partir du 8 janvier 2001 au foyer à double tarification les Nalettes à Seyssins géré par l’établissement public l’ESTI situé à Saint-Martin-d’Hères ; qu’une demande de prise en charge des frais de séjour a été effectuée le 2 mai 2001 ; que dans son recours le représentant de M. M... justifie ce retard de dépôt du dossier en affirmant qu’un premier dossier avait été déposé dans les délais par le centre Daniel-Douady (CMUDD) de Saint-Hilaire-du-Touvet au centre communal d’action sociale de Grenoble ; que la décision de rejet pour la période du 8 janvier au 1er mars 2001 ne serait donc pas motivée et serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; L’article L. 131-4 du code de l’action sociale et des familles énonce que « les décisions attribuant une aide sous forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement, à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire. » ; que ce délai est fixé par l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles qui précise que « ... pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir les bénéficiaires de l’aide sociale ou dans un centre de long séjour, la décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour » ; que dans sa requête le représentant de M. M... se borne à affirmer, comme l’a précédemment exposé « Famille en Isère » (mandataire de l’intéressé à l’époque) devant la commission départementale d’aide sociale, qu’une demande de prise en charge à l’hébergement aurait été effectuée avant le 2 mai 2001 par les services du CMUDD de Saint-Hilaire-du-Touvet et adressée au Centre communal d’action sociale de Grenoble et qu’elle aurait disparu. Cependant aucune preuve écrite du dépôt du dossier initial n’a été rapportée par le requérant pour étayer cette affirmation ; que par ailleurs le CMUDD a produit la photocopie d’une demande datée du 2 octobre 1997 raturée en ce qui concerne l’année et actualisée à l’année 2000 ; que le centre communal d’action sociale de Grenoble dans un courrier en date du 9 juillet 2002 confirme ne pas avoir reçu de demande d’aide sociale concernant M. M... entre le 1er octobre 2000 et le 31 mars 2001 pour son hébergement de la période du 8 janvier 2001 au 2 avril 2001 ; que force est de constater que la demande d’aide sociale n’a pas été formulée dans les délais imposés par les textes précités ; qu’en l’espèce, et si le retard porte un préjudice à M. M..., il incombe au représentant de ce dernier de rechercher et de mettre en cause les responsables de ce retard devant la juridiction compétente ; qu’encore le représentant de M. M... prétend que la décision de la commission d’admission de Grenoble, notifiée le 14 décembre 2001 n’est pas motivée et à ce titre, il estime qu’elle doit être annulée en application de la jurisprudence BAREL ; que contrairement à ces prétentions, la décision de refus d’admission à l’aide sociale pour la période du 8 janvier 2001 jusqu’au 31 mars 2001 prononcée par la commission cantonale de Grenoble et confirmée par la commission départementale, est motivée par un motif de droit : l’application du code de l’action sociale et des familles ; que ce motif est exact et juridiquement valable ; qu’il permet donc d’écarter dans les circonstances de l’espèce, l’application de la jurisprudence BAREL ; qu’enfin une décision est dite entachée d’une erreur manifeste d’appréciation lorsque l’administration s’est trompée grossièrement dans l’appréciation des faits qui fondent la décision ; qu’au vu des pièces versées au dossier, aucune demande d’admission à l’aide sociale n’a été formulée avant le 2 mai 2001 ; que par ailleurs si le requérant considère que la commission d’admission à l’aide sociale n’a pas compétence liée pour refuser l’admission à l’aide sociale, cela signifie qu’à contrario celle-ci aurait compétence discrétionnaire ; que la jurisprudence a pourtant fait disparaître l’idée que des actes échapperaient à tout contrôle de légalité, c’est pourquoi la compétence de l’administration est toujours liée par les motifs de l’acte qui fonde sa décision ; que ces motifs doivent être exacts, matériellement et juridiquement ; que force est de constater que la demande a été déposée en dehors du délai prévu à l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles, que les motifs de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale, confirmée par la commission départementale d’aide sociale sont clairement définis par les textes et que ces deux instances en ont fait une juste appréciation ; que le dysfonctionnement administratif allégué par le requérant n’est pas de nature à l’exonérer des conséquences de ce retard ; que contrairement à ce qu’il soutient, il appartient à l’administration et au juge de l’action sociale d’appliquer l’ensemble des dispositions du code de l’action sociale et des familles ; que pour ces motifs et tous ceux non contraires à produire ou suppléer, au besoin d’office, l’exposant à l’honneur de conclure à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale de confirmer la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Isère et de rejeter la prise en charge des frais de séjour de M. Ouaheb M... pour la période du 8 janvier 2001 au 2 avril 2001 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre du 23 janvier 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la motivation de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Grenoble 3 du 14 décembre 2001 ;
    Considérant que la décision attaquée en tant, à tout le moins, qu’elle statue sur l’application des dispositions de l’article L. 131-1 du code de l’action sociale et des familles refuse un avantage dont l’attribution doit être regardée comme constitutive d’un droit pour le demandeur dès lors notamment qu’elle est soumise à l’entier contrôle du juge, fut-il de plein contentieux de l’aide sociale ; que dans ces conditions elle devait être motivée en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que si elle énonce les motifs de droit pour lesquels elle a été prise elle s’abstient de toute indication sur l’application de la règle de droit qu’elle rappelle aux circonstances de l’espèce ; qu’étant insuffisamment motivée en fait elle doit être annulée ;
    Sur le fond ;
    Considérant qu’il appartient au juge de l’aide sociale nonobstant l’annulation qui précède de statuer sur le droit de M. Ouaheb M... ;
    Considérant en premier lieu que M. M... n’établit pas davantage en première instance qu’en appel que sa demande ait bien été présentée au Centre communal d’action sociale dès le 2 octobre 2000, les documents fournis n’établissant pas un tel dépôt, mais seulement le retrait d’un dossier de demande ; que le dépôt d’une telle demande n’est établi qu’à la date du 2 mai 2001, soit non seulement plus de deux mais encore de quatre mois après l’admission de M. M... au foyer ; qu’ainsi en application du 2e alinéa de l’article R. 131-2 du code de l’action sociale et des familles l’admission à l’aide sociale ne pouvait rétroagir à la date du début du placement ;
    Considérant en second lieu que le juge de plein contentieux de l’aide sociale exerce un entier contrôle sur l’ensemble des circonstances de fait justifiant les motifs des décisions entreprises devant lui et non seulement un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation pratiqué dans certains cas par le juge de l’exercer de pouvoir ; que, toutefois, il ressort du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale et de ce qui a été dit ci-dessus que le premier juge n’a commis aucune erreur d’appréciation des faits dont il était saisi et a tiré de son appréciation les conséquences légales qui s’imposaient à lui sans erreur de qualification ni erreur de droit ; que le moyen tiré de « l’erreur manifeste d’appréciation » ne saurait en conséquence qu’être écarté ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. Ouaheb M... n’est pas fondé à se plaindre de ce que la décision attaquée par un élément de sa motivation qui n’est pas contesté en appel ait fixé le point de départ de la prise en charge à une date antérieure à celle à laquelle elle pouvait légalement intervenir en fonction des dispositions susrappelées ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Grenoble 3 du 14 décembre 2001 est annulée.
    Art. 2.  -  La requête de M. Ouaheb M... est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer