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  Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH)  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Foyer - Aide sociale facultative
 

Dossier nos 070332 et 070332 bis

Mlle L...
Séance du 3 juillet 2007

Décision lue en séance publique le 7 septembre 2007

    Vu 1o et 2o enregistrées le 20 février et 8 juin 2007 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, les requêtes des époux L... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler les décisions du 20 novembre 2006 et 5 mars 2007 de la commission départementale d’aide sociale de la Charente rejetant leur demande dirigée contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Ruelle-sur-Touvre du 17 mai 2005 admettant Mlle Carine L... à l’aide sociale pour sa prise en charge par le service d’aide à la vie sociale de Touvre moyennant une participation de 4,60 euros par jour par les moyens qu’antérieurement ils avaient été déchargés de toute participation par la commission départementale ; que n’ayant pas été convoqués à la première commission ils ont annoncé leur intention de faire appel ayant été convoqués à une seconde ; que l’établissement leur demande des frais de repas qui ne sont pas mentionnés dans la décision de la commission ; qu’en ce qui concerne les 4,60 euros pour activités éducatives ils ne peuvent accepter de rémunérer une prestation non adaptée ; que le Conseil de l’Europe a condamné la France pour ne pas tenir ses engagements auprès des personnes autistes ; que par la requête dirigée contre la décision du 20 novembre 2006 ils veulent préserver leurs droits ; qu’il n’était pas besoin de convoquer une nouvelle commission pour réitérer la première décision alors qu’il n’ y avait pas besoin d’un an et demi pour organiser une commission de recours ; que la commission ne s’est pas préoccupée du manque de structures pour autistes, alors que ses membres sont responsables de cette situation ; que Carine L... a perçu en moyenne 15,13 euros d’allocation compensatrice par jour passé, 166 jours complets à leur domicile et 199 jours au SAJ de Soyaux où on l’a conduite à 9 heures du matin ; qu’ils s’occupent intensément de leur fille lors de ses présences à leur domicile et que le coût d’une prise en charge en établissement serait beaucoup plus élevé ; qu’en déduisant, pour fixer la participation de l’aide sociale, 10,65 euros multiplié par 199 jours, il ne reste plus que 3 404,41 euros soit 9,32 euros en moyenne par jour sur l’année ; qu’on ne trouvera aucune personne pour prendre en charge leur fille à ce tarif alors qu’ils le font depuis 7 ans sans informations avant l’âge de 20 ans ; que la société n’est pas faite pour les enfants handicapées ;
    Vu enregistré le 22 août 2007 le mémoire en défense du président du conseil général de la Charente tendant au rejet de la requête par les motifs qu’une erreur d’adresse sur le courrier de convocation n’a pas permis aux requérants d’assister à la séance de la commission départementale du 20 novembre 2006 et que pour prendre en considération cette situation le dossier a été réétudié le 5 mars 2007, M. L... régulièrement convoqué ayant été entendu ; que comme les foyers occupationnels les sections d’accueil de jour sont des créations volontaires en dehors des dispositions de la loi du 30 juin 1975 et relèvent selon la jurisprudence de l’aide sociale extra légale ; que la délibération du 27 juin 2003 intégrée au règlement départemental d’aide sociale de la Charente a institué la participation litigieuse ; que cette même délibération prévoit que l’accueilli doit acquitter les frais des repas pris dans l’établissement et qu’en application de ladite délibération la commission départementale a justement confirmé la décision de la commission d’admission.
    Vu enregistré le 17 septembre 2007 le mémoire en réplique pour Mlle L... persistant dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et les moyens que le conseil général de la Charente a pour devoir d’appliquer les engagements de l’Etat français en matière de prise en charge adaptée ce qui n’est pas le cas ; que la requérante est accueillie en service d’accueil de jour parce qu’il n’y a pas en Charente d’établissement en mesure de l’accueillir avec une prise en charge adaptée et de ce fait subit un surhandicap ; que pour autant ils ne sauraient participer financièrement sans prise en compte de la couverture de ses besoins indépendamment de l’obligation alimentaire de ses parents ; que la situation des personnes autistes dans le département de la Charente est entachée de discrimination alors que les lois de la République française ont pris des engagements concernant la prise en charge des adultes atteints d’autisme ; que la jurisprudence du Conseil d’Etat Canciani s’applique ; que les différents documents joints illustrent les possibilités de prise en charge des personnes atteintes d’autisme qui ne sont pas ouvertes dans le département de la Charente ; que le contrat d’accueil et d’accompagnement au service d’accueil de jour de Soyaux signé par la requérante et ses représentants légaux ne prévoit aucune participation financière ;
    Vu enregistré le nouveau mémoire des époux L... persistant dans les conclusions de la requête par les mêmes moyens et exposant qu’une émission télévisée du 14 septembre 2007 donne une fausse idée des établissements pour autistes dans le département des Charente et que les demandes de prise en charge sont inégalement traitées par le département ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu l’absence de mémoire en réponse du président du conseil général de la Charente ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre deux décisions de la commission départementale d’aide sociale de la Charente statuant sur un même litige ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statuées par une seule décision ;
    En ce qui concerne les droits de Mlle L... à l’allocation compensatrice pour tierce personne ;
    Considérant que si les époux L... évoquent la validité de la suspension partielle de l’allocation compensatrice pour tierce personne durant les jours de présence au « service » de Soyaux la commission centrale d’aide sociale ne peut s’estimer saisie d’un recours contre la décision du 7 avril 2005 réduisant le montant de l’allocation à 40 % de celui procédant du taux de sujétions décidé par la Cotorep les jours de « séjour en établissement » de laquelle la commission départementale d’aide sociale n’a pas été saisie ; qu’en admettant même que cette décision ne soit pas conforme à la jurisprudence en la matière de la commission centrale d’aide sociale (le Conseil d’Etat n’ayant pas encore eu à statuer à ce titre à la connaissance de la commission) il appartient seulement aux époux L... s’ils ont intérêt à le faire de la contester devant la commission départementale d’aide sociale ou à défaut d’en solliciter la révision auprès du président du conseil général de la Charente et de déférer un éventuel refus à la commission départementale d’aide sociale ;
    En ce qui concerne la participation de Mlle L... à ses frais d’accueil ;
    Sur la décision de la commission départementale d’aide sociale du 5 mars 2007 ;
    Considérant qu’informé par les époux L... de leur non-convocation à l’audience de la commission départementale d’aide sociale du 20 novembre 2006 le secrétariat de celle-ci a à la fois suggéré aux époux L... de ne pas faire appel de la première décision pour le motif de forme et énoncé que selon lui l’appel n’était pas susceptible d’aboutir sur le fond ; qu’à la suite de cette position du secrétariat la commission départementale s’est à nouveau réunie le 5 mars 2007 après avoir convoqué et entendu les requérants et a entièrement confirmé la position prise dans sa précédente séance ; qu’aucune disposition ne lui permettait de procéder à un nouvel examen d’une affaire sur laquelle il avait été statué par une décision notifiée aux requérants (puisqu’il n’existe pas de date de lecture en l’espèce) pour purger le vice de procédure dont était entachée sa précédente décision ; qu’en statuant ainsi, alors que le vice dont il s’agit ne pouvait plus être purgé que par la voie de l’appel, il a entaché sa décision d’irrégularité ; qu’il y a lieu par suite d’annuler ladite décision du 5 mars 2007 ;
    En ce qui concerne la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente du 20 novembre 2006 ;
    Considérant que n’étant pas contesté que les requérants, tuteurs de Mlle Carine L..., n’aient été convoqués à la séance du 20 novembre 2006 ni davantage été mis utilement en mesure de demander à l’être, la procédure à l’issue de laquelle est intervenue cette décision a méconnu les dispositions de l’article L. 134-9 du code de l’action sociale et des familles ; que cette décision doit être annulée ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer la demande de Mlle L... devant la commission départementale d’aide sociale ;
    Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête,
    Sur le moyen tiré par la voie de l’exception de l’illégalité des dispositions de l’article 99 du règlement départemental de la Charente ;
    Considérant que l’illégalité de l’acte réglementaire fondant la décision individuelle attaquée est soulevée ; qu’en toute hypothèse il s’agit d’un moyen d’ordre public au titre du champ d’application de la loi le juge ne pouvant faire application d’une disposition réglementaire elle-même illégale pour avoir excédé la compétence de son auteur sans méconnaître celui-ci ;
    Considérant que cet article dispose :
    « La contribution du bénéficiaire à ses frais de placement est différente suivant que ce dernier est hébergé ou non dans l’établissement... s’il est en section d’accueil de jour uniquement il doit acquitter les frais de repas et une participation forfaitaire au titre des activités éducatives fixés à la journée et à la demi-journée par l’assemblée départementale » ; que la portée de cette disposition est éclairée par le rapport soumis au conseil général dans sa séance du 27 juin 2003 qui l’a adoptée ;
    Considérant qu’il résulte des termes de ce rapport éclairés par les autres pièces versées au dossier que le conseil général de la Charente entend à la suite de la jurisprudence du Conseil d’Etat Canciani et de la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale relative au champ de l’aide sociale facultative clarifier la situation des structures, qui selon lui, ne relèvent pas de l’application des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles et des textes réglementaires pris pour son application ; qu’il considère que seuls relèvent de ces dispositions légales les « foyers qui accueillent des personnes handicapées travaillant en CAT » ; que par contre, selon lui, relèvent de l’aide sociale facultative les services d’aide à la vie sociale et les foyers qualifiés de « foyers occupationnels » ; que c’est dans le cadre de cette typologie sans fondement légal en ce qui concerne les « foyers occupationnels » qu’il entend appliquer la jurisprudence du Conseil d’Etat et de la commission centrale d’aide sociale en prenant la délibération critiquée par la voie de l’exception ;
    Considérant sans doute que les SAVS, alors même qu’ils ont été légalisés dans leur principe par la loi du 2 janvier 2002 et définis depuis lors par les textes d’application de celle-ci, ne relèvent toujours pas de l’aide sociale légale en l’absence de modification des dispositions de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles délimitant le champ d’intervention de celle-ci à « l’hébergement et à l’entretien », que ne dispensent pas de tels services de quelque façon que l’on prenne leurs modalités d’intervention ; que si la carence du pouvoir réglementaire est de nature, si le délai raisonnable d’intervention des modifications nécessaires a été méconnu, à engager sa responsabilité, question d’ailleurs en l’espèce compliquée par le caractère législatif de l’article L. 344-5 du code, il n’en demeure pas moins qu’aucun financement légal des services à charge de l’aide sociale n’a pu être en l’état et n’a du reste été prévu ; que la présente juridiction considère également à la différence de la jurisprudence Canciani du Conseil d’Etat, que les foyers, quelqu’ils soient, fonctionnant en externat ne relèvent pas de l’emprise dudit article L. 344-5, dès lors que le tarif ne prend pas en compte les repas qui y sont pris par l’assisté lequel, par exemple, les prend au Centre d’aide par le travail, moyennant la participation qui lui est assignée dans ce cas par les dispositions en vigueur ;
    Considérant pour autant que la situation de l’espèce ne saurait être regardée comme entrant dans le champ de la jurisprudence précitée de la commission centrale d’aide sociale ; qu’en effet les décisions attaquées ont mis à charge de la requérante tant sa participation à des frais de prise en charge éducative qu’une participation aux frais de repas dans un « centre d’accueil de jour » ou un « foyer occupationnel » (lettre de l’APEI gestionnaire du 1er février 2007) ; qu’ainsi la participation globale de la requérante est en toute hypothèse de la nature de celles révélant une prise en charge en semi-internat comprenant bien ainsi les frais d’entretien et ainsi relevant, en conséquence, de l’aide sociale légale ; qu’il n’est même pas allégué et ne ressort pas des pièces du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que le foyer de Soyaux ait été autorisé en externat et non en semi-internat ;
    Considérant en fait en premier lieu que la Cotorep a orienté vers un « foyer occupationnel : maintien au SAJ de Soyaux avec hébergement adapté » (souligné par la commission centrale d’aide sociale) ; que cette orientation s’analyse comme une orientation vers un foyer en semi-internat si on accepte de considérer compte tenu de l’imprécision de l’ensemble des termes employés par les différents protagonistes de cette affaire qu’il y a lieu d’assimiler « hébergement » à « entretien » ce qui correspond à la réalité d’une situation où il n’était pas question que l’assisté soit accueilli en internat au foyer... ;
Considérant en second lieu qu’en toute hypothèse le « service d’accueil de jour » de Soyaux n’est pas un service de la nature de ceux aujourd’hui légalisés par la loi du 2 janvier 2002 et ses textes d’applications (SAVS, SAMSAH) mais une structure d’accueil résidentielle de personnes handicapées qualifiée de foyer occupationnel ; que dans ce foyer Mlle Carine L... bénéficie globalement d’une prise en charge en semi-internat comportant des frais d’entretien ; que le Conseil général ne pouvait légalement par la délibération appliquée intégrée au règlement départemental d’aide sociale scinder quant à sa participation les dépenses correspondant globalement à une prise en charge en semi-internat entre d’une part des dépenses de repas remboursées directement au gestionnaire du foyer (et non du CAT au vu du dossier) et d’autre part des frais de prise en charge socio-éducative, en considérant de fait en conséquence que la structure n’était habilitée qu’au titre soit d’un service soit à tout le moins d’un externat, ayant par une décision dépourvue de base légale préalablement distraits de la base du tarif les frais de repas en décidant qu’ils seraient remboursés directement à l’établissement ; que si les collectivités d’aide sociale sont en effet libres de déterminer les formes d’aides sociales facultatives qu’elles entendent financer, elles ne le sont pas de méconnaître le champ d’application des prises en charge en semi-internats légalement pris en charge par l’aide sociale en scindant leur intervention dans une structure autorisée de semi-internat ; qu’une telle interprétation trop littérale ou trop avisée de la jurisprudence de la commission centrale d’aide sociale précitée et des conséquences à en tirer ne peut être admise, en tant qu’elle est illégale pour erreur de droit et d’interprétation de la loi, par le juge de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mlle L... était accueillie au titre de l’aide sociale légale dans une structure de semi-internat comportant la prise en charge des frais de repas, sans que puissent y faire obstacles les dispositions illégales du règlement départemental d’aide sociale de la Charente suscitées ;
    Considérant, faute que n’aient été pris les décrets d’application de la loi du 30 juin 1975 puis de celle du 11 février 2005 déterminant dans les foyers pour adultes handicapés fonctionnant en semi-internat les modalités de détermination de la participation de la personne accueillie à ses frais de placement, qu’aucune participation ne peut être légalement demandée aux intéressés ; que dès lors les dispositions de la délibération en fonction de laquelle a été fixée la participation litigieuse ne pouvaient faire obstacle aux conséquences de l’absence de prise par le pouvoir réglementaire de l’Etat des décrets d’application nécessaires à l’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions relatives à l’accueil des handicapés adultes prévues par les lois successivement applicables et aucune participation ne pouvait être demandée à Mlle L... au titre de sa prise en charge au « foyer occupationnel » - et/ou au service - de Soyaux ;
    Considérant que la présente affaire illustre à nouveau s’il en était encore besoin l’impérieuse nécessité de revoir la typologie des structures concernées par la fixation de la participation de l’aide sociale aux frais d’accueil et d’hébergement des adultes handicapés telle qu’elle demeure explicitée dans les décrets du 31 décembre 1977 alors que depuis 30 ans les modalités de la prise en charge des adultes handicapés dans des structures habilitées par l’aide sociale ont considérablement évolué quant à la nature et aux caractéristiques des structures dont s’agit ; qu’une telle révision ne peut relever que des Ministres compétents pour modifier les décrets du 31 décembre 1977 et en tant que de besoin pourvoir à la modification préalable par le Parlement de l’article L. 344-5 du code de l’action sociale et des familles ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Ruelle-sur-Touvre en date des 5 mars 2007, 20 novembre 2006 et 17 mai 2005 sont annulées.
    Art. 2.  -  A compter du 1er février 2004 Mlle Carine L... est admise au « foyer occupationnel » de Soyaux sans participation à ses frais d’accueil (frais éducatifs et frais de repas).
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 7 novembre 2007.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer