Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Application de la loi dans le temps
 

Dossier no 061665

Mme B...
Séance du 26 octobre 2007

Décision lue en séance publique le 7 novembre 2007

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 24 mai 2006, la requête présentée par le président du conseil général du Tarn tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Tarn en date du 4 avril 2006 annulant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale d’Albi du 1er décembre 2005 récupérant à l’encontre de M. Michel B... et de M. Christian B... les arrérages d’allocation compensatrice avancée par l’aide sociale à Mme Andrée B... du 1er juin 1996 à son décès à hauteur de 22 628,30 euros pour chacun d’entre eux et rejeter la demande des consorts B... devant la commission départementale d’aide sociale du Tarn par les moyens que l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale et l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles étaient bien applicables ; que la famille ne peut se prévaloir de son ignorance des dispositions de la loi puisque la notice d’information a été signée par la bénéficiaire ; qu’elle s’est employée à cacher l’existence de l’acte de donation n’ayant pas fourni une copie de l’acte lors de la constitution du dossier puis lors des enquêtes annuelles n’ayant pas répondu à la rubrique relative aux donations ; que ces manœuvres constituent des fausses déclarations qui peuvent être pénalement sanctionnées ; que l’acte n’a été connu que lors de la succession parce que le notaire l’a mentionné dans la déclaration alors pourtant qu’il s’est néanmoins employé à en retarder la communication demandée depuis le 2 octobre 2003 l’acte ayant été transmis seulement le 27 août 2005 ; que la loi en vigueur au jour de la donation prévoyait l’exercice du recours contre les donataires et que sa décision doit s’appliquer étant donné que l’exercice tardif du recours ne résulte que des fausses déclarations fournies par la famille de la bénéficiaire et de la mauvaise collaboration de l’étude notariale ; que l’article 95 de la loi du 11 février 2005 dans son 3e alinéa concerne les actions en cours contre les successions et n’est donc pas applicable pour l’action contre les donataires ;
    Vu enregistré le 1er mars 2007 le mémoire en défense présenté par MM. Michel B... et Christian B... tendant au rejet de la requête par les motifs que le litige concerne la propriété familiale sur laquelle ils sont nés et qu’ils occupent encore avec leur père ; que leur mère y a vécu jusqu’à son décès et que seul le souci de mise en ordre de ses affaires de son vivant l’a poussée à effectuer la donation sans aucune modification immédiate de leur patrimoine ; qu’il n’est pas juste que des recours en récupération en matière d’allocation compensatrice pour tierce personne soient menés à l’encontre de descendants directs qui à la succession n’auraient pas été concernés par une récupération surtout lorsque le bien donné est un bien immobilier dont le donateur a conservé l’usage et la jouissance jusqu’à son décès ; que le visa du formulaire de 1995 dans un contexte de souffrance et de désordre moral n’implique pas la mauvaise foi de l’assistée et que les questionnaires annuels portaient sur l’année écoulée ; qu’ainsi aucune intention de fraude ne peut leur être prêtée sans porter atteinte à leur honneur ; qu’il appartient s’il s’y croit fondé au département de rechercher la responsabilité professionnelle du notaire ; qu’ils laissent à la commission centrale d’aide sociale le soin de se prononcer sur la portée de l’article 95 de la loi du 11 févier 2005 mais entendent préciser que l’allocation les a aidés à maintenir leur mère à son domicile jusqu’à son décès et que les sommes perçues ont été intégralement utilisées pour l’emploi de tierces personnes salariées ;
    Vu enregistré le 10 avril 2007 le mémoire en réplique du président du conseil général du Tarn persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens qu’en l’espèce le recours sur donataire est en cours depuis 2002 et peut être mené à son terme puisque l’article 95 de la loi du 11 février 2005 stipule que seules les actions en récupération en cours à l’encontre de la succession devaient être abandonnées ; que la récupération intervenant après le décès de Mme Andrée B... les donataires ne peuvent plus soulever le motif de l’usage et de la jouissance dont leur mère disposait l’usufruit étant éteint ; que la donation permettait également aux successibles d’échapper aux règles fiscales de droit commun et donc de bénéficier de certains abattements concernant notamment la réserve d’usufruit ; que l’époux et les enfants très proches de leur mère selon leurs déclarations auraient dû prendre connaissance correctement du formulaire d’admission alors que Mme B... devait obligatoirement mentionner la donation lors de la demande et que si elle l’avait fait les donataires auraient été informés ; que le département n’avait aucun moyen de pression sur le notaire et que la famille aurait pu mettre en cause la responsabilité professionnelle de l’officier ministériel instrumentaire ; qu’ainsi il y a lieu d’appliquer l’article 95 de la loi du 11 février 2005 qui prévoit que seules les actions de récupération en cours à l’encontre de la succession non définitives à la date d’entrée en vigueur de la loi doivent être abandonnées ;
    Vu enregistré le 10 juillet 2007 le mémoire présenté par MM. Michel et Christian B... persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que la demande à la commission départementale d’aide sociale n’était pas motivée ; que toutefois les requérants indiquaient dans leur demande entendre formuler des observations orales en explicitant oralement leurs prétentions ; qu’il appartenait aux premiers juges de les inviter avant la clôture de l’instruction à motiver leur demande par des moyens écrits ; qu’ainsi et faute qu’il n’ait été procédé à l’invitation dont s’agit, la demande devant la commission départementale d’aide sociale était recevable ;
    Considérant qu’aux termes du 3e alinéa du I de l’article 95 du code de l’action sociale et des familles « il n’est exercé aucun recours en récupération de l’allocation compensatrice pour tierce personne ni à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé ni sur le légataire ou le donataire. Il est fait application des mêmes dispositions aux actions de récupération en cours à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé pour le remboursement des sommes versées au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne et aux décisions de justice concernant cette récupération non devenue définitive à la date d’entrée en vigueur de la présente loi » ;
    Considérant qu’au nombre « des actions de récupération en cours » au sens de la 2e phrase dudit alinéa ne rentrent pas, en toute hypothèse, les instances au titre desquelles, à supposer même qu’elles n’aient pas fait l’objet d’une demande à la commission départementale d’aide sociale, la commission d’admission à l’aide sociale n’avait pas été saisie avant l’entrée en vigueur de la loi ; que la circonstance que l’assistée de son vivant n’ait pas précisé lors de la demande d’allocation compensatrice et de son renouvellement qu’elle avait effectué 2 ans avant la demande une donation à ses enfants est en toute hypothèse sans incidence sur l’application des dispositions de la loi du 11 février 2005 ; qu’il est constant que le président du conseil général du Tarn n’avait antérieurement à l’entrée en vigueur de ladite loi pas saisi la commission d’admission à l’aide sociale d’une action en récupération, alors d’ailleurs que si le notaire ne lui avait pas, malgré ses demandes expresses transmis l’acte de donation, il lui avait été transmis dès le 3 octobre 2003 l’acte de succession d’où résultaient la date et le montant de la donation litigieuse ce qui lui permettait de saisir la commission d’admission à l’aide sociale sans attendre de disposer de l’acte de donation en précisant si besoin ultérieurement les éléments qui n’auraient pu l’être qu’au vu de cet acte ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à la date d’entrée en vigueur de la loi aucune « action de récupération » n’était « en cours » à l’encontre des donataires intimés contrairement à ce que prétend le président du conseil général du Tarn ; qu’au surplus et en toute hypothèse les dispositions de la 2e phrase du 3e alinéa du I de l’article 95 qui font ainsi référence aux « actions de récupération en cours » ne sont édictées qu’en ce qui concerne l’exercice des recours contre la succession ; qu’ainsi c’est à tort par une inexacte interprétation des dispositions précitées que la commission départementale d’aide sociale du Tarn s’est fondée pour entrer en décharge de la récupération litigieuse sur ce que les dispositions de la 2e phrase du 3e alinéa du I de l’article 95 de la loi du 11 février 2005 s’appliquaient aux « actions en cours et donc à l’espèce » ;
    Considérant toutefois qu’il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale saisie par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner les moyens de MM. Michel et Christian B... et du président du conseil général du Tarn en première instance et en appel ; que si en première instance la demande n’était pas comme il a été dit motivée et si en appel les intimés « n’étant pas juristes » se bornent à « laisser à la commission centrale d’aide sociale le soin de se prononcer sur la portée de l’article 95 de loi du 11 février 2005 soulevé par le président de la commission départementale d’aide sociale du Tarn » (sic), il y a lieu pour le juge d’appel de statuer sur les moyens de l’appelant et ceux de l’intimé devant lui ;
    Considérant que la loi du 11 février 2005 a supprimé la récupération contre le donataire des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne ; que par décision du 1er décembre 2005 la commission d’admission à l’aide sociale d’Albi saisie par le président du conseil général du Tarn postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005 d’une action en récupération contre les donataires a exercé un recours de la sorte contre les intimés à raison d’une donation faite par leur mère en date du 29 septembre 1993 pour recouvrer les arrérages d’allocation compensatrice versés à celle-ci à compter du 1er juin 1995 jusqu’à son décès le 30 juillet 2002 ; que le fait générateur de la créance était ainsi la demande d’aide sociale le 2 août 1994 postérieure à la donation et intervenue à une date où la loi du 11 février 2005 n’était elle-même pas intervenue ; que les arrérages versés pour compter du 2 août 1994, soit un point de départ de moins de 5 ans postérieur à la donation, eussent été récupérables dans le cours du délai de prescription trentenaire ;
    Considérant qu’en principe seules les lois de procédure sont d’application immédiate en l’absence de dispositions transitoires en décidant autrement ; que les règles de prescription de l’action en récupération, comme en l’espèce durant une période de 30 ans à compter du versement des arrérages, sont à la fois des règles de fond et des règles de procédure ; que s’agissant des règles de fond la jurisprudence considère en règle générale qu’en l’absence de dispositions transitoires la loi nouvelle ne s’applique pas lorsqu’une situation est définitivement constituée à la date de son entrée en vigueur ; que tel est bien le cas lorsque, comme en l’espèce, le fait générateur de cette situation est antérieur à cette date ;
    Considérant toutefois que lorsqu’une loi nouvelle modifiant le délai de prescription d’un droit abrège ce délai, le délai nouveau est immédiatement applicable et court à compter de son entrée en vigueur, l’ancien délai ne demeurant applicable que s’il a commencé à courir avant l’entrée en vigueur des dispositions qui l’ont modifié et s’il expire avant la date d’expiration du délai nouveau ; que la même solution doit être retenue lorsque la loi nouvelle ne se borne pas à abréger le délai antérieurement institué mais le supprime ; que dans cette situation et par exception aux règles générales applicables ci-dessus rappelées relatives aux situations de fond du droit définitivement constituées, il n’y a pas lieu de faire application de la loi applicable à la date du fait générateur de la récupération à laquelle celle-ci n’avait pas encore été supprimée, mais bien de faire application de la loi nouvelle comportant cette suppression ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’à la date d’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005, supprimant, notamment, la récupération contre donataire en matière de prestations d’allocation compensatrice avancées par l’aide sociale, le délai de prescription des arrérages litigieux avait commencé à courir mais n’était pas expiré ; que la suppression de la récupération dont il s’agit s’appliquait aussi aux actions en récupération dont le fait générateur était antérieur à l’entrée en vigueur de la loi, mais dont le délai de prescription n’était pas expiré à la date de celle-ci ; qu’il suit de là que le président du conseil général du Tarn n’est pas fondé à se plaindre de ce que par la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner son autre motif subsidiaire et surabondant, la commission départementale d’aide sociale du Tarn ait annulé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale d’Albi décidant la récupération de 45 256,60 euros à l’encontre de MM. Michel et Christian B... ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête du président du conseil général du Tarn est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 7 novembre 2007.
    La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer