Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie - Qualification |
Dossier no 061654
Mme D...
Séance du 26 octobre 2007
Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007
Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale daide sociale en date du 3 juillet 2006, la requête présentée par Me Françoise-Hélène R... pour sa cliente Mme Martine, Catherine D... tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision par laquelle la commission départementale daide sociale de lEure du 25 avril 2006 confirme la décision de la commission dadmission à laide sociale du Neubourg en date du 22 décembre 2005 de récupération partielle des sommes avancées au titre de laide sociale à lencontre dun bénéficiaire dassurance-vie aux motifs quelle reprend largumentation avancée lors de la commission dadmission à laide sociale du Neubourg du 22 décembre 2005 ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de lEure en date du 16 février 2007 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que Mme Jacqueline D... a bénéficié de lallocation compensatrice pour tierce personne du 1er août 1996 au 31 juillet 2001 ; quelle a également bénéficié de laide ménagère du 1er août 2001 au 13 août 2003 ; que la créance départementale sélève à 28 093,09 euros ; quen date du 16 février 1998 Mme D... avait souscrit un contrat dassurance-vie au profit de Mme Catherine D... pour un montant de 14 545,61 euros le 31 décembre 2002 ; quen application de larticle L. 1121 du code civil, la commission dadmission à laide sociale de Neubourg a dans sa séance du 22 décembre 2005 requalifié le contrat dassurance-vie de Mme D... en donation indirecte et a autorisé le recours en récupération de la créance départementale contre le donataire ; que conformément aux dispositions de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles « le département exerce des recours en récupération contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans précédant la demande ; quil est à noter quau jour de la succession Mme D... ne possédait aucun patrimoine ; quinterrogée par courrier en date du 21 avril 2005, la sur de Mme D..., Mme Jeannine C... a confirmé que sa sur navait pas de biens et que par conséquent aucun notaire navait été désigné pour régler sa succession ; que compte tenu de lensemble de ces éléments et en vertu de larticle L. 1121 du code civil « toute stipulation au profit dautrui est constitutive dune donation », un contrat dassurance-vie peut être requalifié en stipulation faite au profit dautrui lorsque la preuve dune intention libérale du souscripteur est établie vis-à-vis du bénéficiaire. Cette intention libérale est considérée comme établie lorsque le contrat est dépourvu de contrepartie et de tout aléa sérieux, autre que le décès du bénéficiaire, pour empêcher la réalisation du contrat (décisions de la commission centrale daide sociale du 29 octobre 1999, département de Seine-et-Marne et du 13 novembre 2002, département de lAllier) ; quen lespèce, une intention libérale est établie eu égard à lâge du bénéficiaire au moment de la souscription du contrat, 68 ans et des primes versées, soit 12 195,92 euros, par rapport à la valeur du patrimoine de Mme Jacqueline D..., zéro euro au jour du décès ; quà létude des documents présentés par lavocat Me Françoise-Hélène R... et selon les conclusions datées du 20 février 2006, il savère que le patrimoine de Mme D... ne sélevait pas à zéro euro ; quune déclaration de succession effectuée par les surs de Mme D... a été enregistrée le 13 juillet 2005 par la direction générale des impôts indiquant une valeur de 34 292,68 euros ; quau vu des éléments développés et conformément à larticle L. 1121 du code civil, la commission départementale daide sociale de lEure a requalifié le contrat dassurance-vie de Mme D... en donation indirecte ; que conformément à larticle L. 1432-8 du code de laction sociale et des familles « le département exerce des recours en récupération contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans précédant la demande « ; que la commission départementale de lEure a autorisé le recours en récupération de la créance départementale contre le donataire Mme D... soit la somme de 14 545,61 euros ; quen effet, la commission départementale de lEure a retenu une intention libérale du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que cette intention libérale est établie dune part en tenant compte de labsence de contrepartie et de tout aléa sérieux autre que le décès du bénéficiaire pour empêcher la réalisation de ce contrat, et dautre part de lâge du souscripteur du contrat 68 ans, et des primes versées soit 12 195 euros par rapport à la valeur du patrimoine de Mme Jacqueline D... soit zéro euro ; quil savère cependant que le patrimoine de Mme D... enregistré le 13 juillet 2005 par la Direction générale des impôts indique une valeur de 34 292,68 euros ;
Vu le mémoire en réplique de Me Françoise-Hélène R... en date du 28 mars 2007 qui persiste dans sa requête par les mêmes moyens et les moyens que selon larticle 894 du code civil la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ; que parallèlement un contrat dassurance-vie est soumis aux dispositions des article L. 132-1 et suivants du code des assurances au terme desquels il est stipulé quun capital ou une rente sera versée au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, ce qui est le cas en lespèce, un tel contrat nayant pas en lui-même le caractère dune donation au sens de larticle 894 du code civil ; que la jurisprudence telle quelle résulte dun arrêt du Conseil dEtat du 19 novembre 2004 considère que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, à ce titre un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si « compte tenu des circonstances dans lesquelles le contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire... Lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, se dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur... » ; quen lespèce, Mme Jacqueline D... a souscrit ce contrat alors quelle nétait âgée que de 67 ans et quoutre ses ressources personnelles, elle venait de bénéficier du règlement de la succession de ses parents pour des sommes conséquentes correspondant à sa part dans les liquidités de cette succession (51 490,63 francs soit 7 849,70 euros), outre sa part dans le prix de vente de limmeuble appartenant à ses parents (93 333 francs soit 14 228,52 euros) ; que les primes versées par le de cujus par rapport à son patrimoine étaient donc parfaitement raisonnables ; que cela est confirmé par la situation financière de Mme D... au moment de son décès, ainsi quil est démontré par lacte de déclaration de succession lequel fait apparaître un actif net de 34 292,68 euros contrairement à ce qui avait été soutenu par les services de la commission dadmission à laide sociale ; que par ailleurs Mlle D... a assumé jusquà son décès les frais dhébergement dans une maison de retraite la délégation sociale du département de lEure ayant notamment rejeté la demande de prise en charge présentée par létablissement concerné, dans la mesure ou Mme D... pouvait « régler la dépense avec lensemble de ses ressources » que cette situation a été démontrée et reconnue comme telle par la commission dadmission à laide sociale qui néanmoins nen a pas tiré les conséquences ; quil devra ainsi être constaté au terme de la décision à intervenir que Mme D... ne sest nullement dépouillée de son patrimoine au bénéfice éventuel de ses créanciers ; quil est par ailleurs soutenu que le contrat dassurance-vie serait dépourvu daléa alors pourtant que ce contrat a été souscrit avec bien évidemment comme bénéficiaire principal le souscripteur en cas de vie et un bénéficiaire en cas de décès ; que plusieurs années avant son décès, alors quelle était âgée de 67 ans et avait ainsi une espérance de vie importante au moment de la souscription (statistiquement vingt ans) ; quà cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment ses quatre arrêts du 23 novembre 2004, considère que la requalification en donation indirecte nest possible que lorsque lopération effectuée est proche du décès ; quen lespèce Mme D... avait souscrit le 16 février 1998 le contrat dassurance vie dont sagit et est décédée le 26 janvier 2005, soit plus de sept ans après la conclusion du contrat ; quil est ainsi démontré que le contrat dassurance-vie présentait laléa requis ; que cest dans ces conditions que Mme D... sollicite quil soit fait droit à son recours afin quil soit reconnu que lassurance-vie dont elle a bénéficié après le décès de Mme Jacqueline D... survenu le 26 janvier 2005 nétait pas une donation indirecte et que par voie de conséquence, il ny a lieu à récupération sur le donataire de la totalité de la donation ; quelle sollicite en conséquence lannulation de la requalification du contrat dassurance-vie en donation indirecte ;
Vu le nouveau mémoire du président du conseil général de lEure en date du 16 avril 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire du président du conseil général de lEure en date du 28 juin 2007 qui informe quil ne sera pas présent à laudience ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code civil ;
Vu la lettre du 23 janvier 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale daide sociale si elles souhaitent être entendues à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 26 octobre 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sans quil soit besoin de statuer sur lapplication dans la présente instance des dispositions de larticle 95 de la loi du 11 février 2005 supprimant la récupération de lallocation compensatrice pour tierce personne à lencontre du donataire ;
Considérant que Mme Jacqueline D... a bénéficié de lallocation compensatrice pour tierce personne du 1er août 1996 au 31 juillet 2001 ; quelle a également bénéficié de laide sociale pour les frais daide ménagère du 1er août 2001 au 13 août 2003 ; que la créance départementale sélève à 28 093,09 euros ; que Mme Jacqueline D... est décédée le 26 janvier 2005 ; quelle avait souscrit en date du 16 février 1998 un contrat dassurance-vie au profit de Mme Catherine D... pour un montant de 14 545,61 euros ;
Considérant quen vertu des dispositions alors en vigueur lors du fait générateur de la créance, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement repris au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ;
Considérant dune part, que la souscription dun contrat dassurance-vie est susceptible le cas échéant dêtre requalifiée en donation indirecte ;
Considérant dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versée au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas par lui-même le caractère dune donation au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois, que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant que lassistée a souscrit à 67 ans le contrat au titre duquel est diligentée la présente action en récupération ; quil nest pas allégué et ne ressort pas du dossier que son état de santé et son espérance de vie fussent tels quau moment de la souscription du contrat il nexistât pas daléa quant au dénouement de celui-ci ; quen outre le montant de lactif net successoral était de 34 292,68 euros soit plus du double du montant des primes versées au titre du contrat litigieux comme le reconnaît elle-même la commission départementale daide sociale rendant dautant plus surprenante la motivation du jugement attaqué ; que dans ces conditions ladministration nétablit pas, queu égard aux perspectives de rendement des produits souscrits et à laléa que comportait le contrat, les faits sur lesquels elle se fonde permettent de le requalifier en donation indirecte ; quil y a donc lieu de faire droit à la requête ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de lEure du 25 avril 2006, ensemble la décision de la commission dadmission à laide sociale du Neubourg du 22 décembre 2005 sont annulées.
Art. 2. - Il ny a lieu à récupération à lencontre de Mme D... des prestations avancées par laide sociale à Mme Jacqueline D....
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 26 octobre 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 6 novembre 2007.
La République mande et ordonne au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, au ministre du logement et de la ville, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer