Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Etrangers - Séjour
 

Dossier no 061154

M. K...
Séance du 3 avril 2007

Décision lue en séance publique le 20 avril 2007

    Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2006 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentée par le président du conseil général du Var, qui demande l’annulation de la décision en date du 10 avril 2006 par laquelle la commission départementale d’aide sociale du Var, faisant droit à la demande de M. Miroslaw K..., a annulé sa décision en date du 3 novembre 2005, notifiée par lettre du 5 courant, de suspension du versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion dont l’intéressé était bénéficiaire ;
    Le requérant soutient que, en ce qui concerne les ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne, l’accès au revenu minimum d’insertion est subordonné à la condition que le demandeur bénéficie d’un droit au séjour ; que, si celui-ci peut être établi par la production d’un titre de séjour régulier, il doit être vérifié, en son absence, que le demandeur dispose, depuis son entrée sur le territoire, d’une assurance maladie couvrant l’ensemble des risques et de ressources suffisantes ; que M. Miroslaw K..., de nationalité polonaise, réside sur le territoire depuis 1997 et a obtenu le bénéfice du revenu minimum d’insertion en octobre 2004 ; qu’il ressort de ses propres déclarations, confortées par celles du centre d’accueil qui l’héberge, qu’il n’a pas exercé d’activité salariée, en l’absence d’autorisation légale de travail, depuis cette date ; que par conséquent, c’est à bon droit que le revenu minimum d’insertion lui a été retiré ; que la commission départementale d’aide sociale ne pouvait légalement octroyer le bénéfice du revenu minimum d’insertion à un requérant sans vérifier au préalable les conditions d’éligibilité imposées par les textes ; qu’elle aurait dû, après avoir constaté l’irrégularité de la notification de la caisse d’allocations familiales révélant à M. Miroslaw K... sa propre décision, notification qui était dépourvue de toute motivation, surseoir à statuer ou à tout le moins se borner à annuler purement et simplement cette décision ; qu’en statuant au-delà, en rétablissant l’intéressé au bénéfice du revenu minimum d’insertion, la commission a violé tant l’obligation de motivation des décisions de justice que l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée le 5 septembre 2006 à M. Miroslaw K... qui n’a pas produit d’observations ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le décret no 94-211 du 11 mars 1994 modifié en dernier lieu par le décret no 2005-1332 du 24 octobre 2005, et notamment ses articles 1er et 5, réglementant les conditions d’entrée et de séjour en France des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne bénéficiaires de la libre circulation des personnes ;
    Vu les lettres en date du 5 septembre 2006 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 3 avril 2007 M. Vincent Daumas, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
        Considérant qu’il ressort de l’instruction que M. Miroslaw K..., de nationalité polonaise, était bénéficiaire du revenu minimum d’insertion depuis le 1er octobre 2004 ; que le président du conseil général du Var a suspendu, par décision notifiée par lettre du 5 novembre 2005, le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion à compter du 1er du même mois, au motif que l’intéressé ne remplissait pas les conditions du droit au séjour ; que la commission départementale d’aide sociale du Var, saisie par M. Miroslaw K..., a fait droit à sa demande d’annulation de cette décision, par décision en date du 10 avril 2006 ; que le président du conseil général du Var fait appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu’à leur qualité de juges de plein contentieux, non seulement d’apprécier la légalité de la décision prise par le président du conseil général pour accorder ou refuser l’ouverture des droits, ou encore suspendre le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion, mais encore, dans le cas où celle-ci est illégale, de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de la demande de l’intéressé d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre partie ; que, par suite, en rétablissant le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion dont M. Miroslaw K... était bénéficiaire, à compter de la date à laquelle le président du conseil général l’avait suspendu, après avoir annulé la décision de ce dernier, la commission départementale d’aide sociale du Var n’a pas méconnu l’étendue de ses pouvoirs ;
    Considérant, toutefois, qu’il résulte des dispositions des articles L. 134-6, L. 134-9 et L. 262-39 du code de l’action sociale et des familles que les commissions départementales d’aide sociale sont des juridictions administratives lorsqu’elles statuent sur les décisions relatives à l’allocation de revenu minimum d’insertion ; qu’il suit de là qu’elles doivent observer les règles générales de procédure qui n’ont pas été écartées par une disposition législative expresse ou qui ne sont pas incompatibles avec leur organisation ; qu’au nombre de ces règles figure celle suivant laquelle ces décisions doivent être motivées ; qu’il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci ne fait état dans ses motifs d’aucun des éléments de fait qui l’ont conduit, dans son dispositif, à décider le rétablissement du versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion dont M. Miroslaw K... était bénéficiaire ; que le président du conseil général du Var est, dès lors, fondé à en demander, pour ce motif, l’annulation ;
    Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Miroslaw K... devant la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-9-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction alors en vigueur : « Pour le bénéfice du revenu minimum d’insertion, les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne [...] doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit au séjour » ; qu’aux termes de l’article 5 du décret du 11 mars 1994 susvisé : « Les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne [...] ainsi que les membres de leur famille mentionnés à l’article 1er ont le droit de séjourner sur le territoire français aussi longtemps qu’ils appartiennent à l’une des catégories prévues par cet article [...] » ; que notamment, le c) de l’article 1er de ce même décret vise les personnes « venant en France occuper un emploi salarié [...] » ; que le k) de cet article mentionne quant à lui les personnes « qui ne bénéficient pas du droit au séjour en vertu d’autres dispositions du présent article, à condition qu’ils disposent, pour eux-mêmes [...], d’une assurance couvrant l’ensemble des risques maladie [...] auxquels ils peuvent être exposés durant leur séjour en France et des ressources suivantes : / 1o Pour une personne seule [...] une somme égale au plafond de ressources annuel fixé pour l’attribution du minimum de ressources versé à une personne âgée en application du livre VIII du code de la sécurité sociale [...] » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction, qu’à la date à laquelle le président du conseil général a pris sa décision suspendant le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion dont M. Miroslaw K... était bénéficiaire, celui-ci ne disposait d’aucun titre de séjour ; qu’il est constant que, sans activité ni revenus depuis son entrée en France en 1997, il n’entrait dans aucun des cas prévus à l’article 1er du décret du 11 mars 1994 susvisé, et notamment pas dans celui visé au k) de cet article, dès lors qu’il ne disposait pas du minimum de ressources que ce texte prévoit ; qu’il suit de là que M. Miroslaw K... ne bénéficiait, à la date à laquelle il a été statué sur sa demande de revenu minimum d’insertion, d’aucun droit au séjour sur le territoire ; que par suite, il n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du président du conseil général du Var, notifiée par lettre du 5 novembre 2005, suspendant à compter du 1er novembre 2005 le versement de l’allocation de revenu minimum d’insertion dont il était bénéficiaire,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Var en date du 10 avril 2006 est annulée.
    Art. 2.  -  La demande présentée par M. Miroslaw K... devant la commission départementale d’aide sociale est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 3 avril 2007 où siégeaient Mme Hackett, présidente, M. Vieu, assesseur, M. Daumas, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 20 avril 2007.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            La présidente Le rapporteur            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer