Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Prestation spécifique dépendance (PSD) - Recours en récupération - Donation - Qualification |
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 273547
Mme L...
Séance du 15 mai 2007
Lecture du 6 juin 2007
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2004 et 10 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés par le département de lAllier, représenté par le président du conseil général ; le département de lAllier demande au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision du 18 août 2004 par laquelle la commission centrale daide sociale a, à la demande de M. Pierre L... et de Mme Lucienne M..., annulé les décisions de la commission cantonale dadmission à laide sociale de Montluçon du 5 décembre 2000 et de la commission départementale daide sociale de lAllier du 25 septembre 2001 décidant la récupération sur donation des sommes avancées par le département au titre de la prestation spécifique dépendance (PSD) en établissement accordée à Mme Jeanne L... ;
2o Statuant au fond, de rejeter lappel de M. L... et de Mme M... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Eric Berti, chargé des fonctions de maître des requêtes ;
- les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions, alors en vigueur, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale [...] » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant, toutefois, que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte du dossier soumis aux juges du fond que Mme Jeanne L..., née le 1er septembre 1910, a bénéficié de la prestation spécifique dépendance en établissement du 3 février 2000 au 5 octobre 2000, date à laquelle elle est décédée ; que le montant des sommes versées au titre de laide sociale sélève à 19 704,81 francs (3 003,98 euros) ; quelle a souscrit des contrats dassurance vie en 1995 et en 1997, contrats dont les bénéficiaires en cas de décès sont deux de ses héritiers et enfants Mme Lucienne M... et M. Pierre L... ; quà ce titre, les deux enfants, , qui ont accepté dêtre bénéficiaires des contrats le 6 octobre 2000, ont reçu 12 564,34 euros ;
Considérant que, par une décision en date du 5 décembre 2000, la commission cantonale dadmission à laide sociale de Montluçon a autorisé la récupération, contre les donataires, des sommes versées par le département au titre de laide sociale selon les modalités alors prévues à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale ; que cette décision a été confirmée par la commission centrale daide sociale, qui par une décision du 17 septembre 2004, a annulé les deux décisions précédentes ;
Considérant quen se fondant sur le caractère résiliable du contrat dassurance vie pour estimer quil ne pouvait être qualifié de donation, sans rechercher si, compte tenu des circonstances dans lesquelles le contrat avait été souscrit, il révélait, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire, la commission centrale daide sociale na pas légalement justifié sa décision ; que le département requérant est donc fondé à demander lannulation ;
Considérant quil y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de régler laffaire au fond en application des dispositions de larticle L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, devant la commission centrale daide sociale, M. L... et Mme M... soutenaient que la décision de la commission départementale daide sociale sappuyait sur une interprétation erronée de la législation en assimilant lassurance vie à une donation, que le contrat dassurance vie avait été souscrit suite à un conseil donné par un agent de la Caisse dEpargne et que Mme L... naurait jamais voulu faire une donation puisque son avoir était inférieur au minimum dactif successoral entraînant récupération, les sommes perçues au titre de lassurance vie pouvant seulement ouvrir droit à une récupération sur succession ;
Considérant queu égard aux circonstances mentionnées plus haut dans lesquelles le contrat litigieux a été souscrit, la commission départementale daide sociale na pas méconnu les dispositions rappelées ci-dessus en estimant que les circonstances de lespèce rendaient très probable que les capitaux assurés seraient versés aux enfants de Mme L..., et les a par suite regardés à bon droit comme les bénéficiaires dune donation ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que cest à tort que, par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale a maintenu dans son principe la récupération contre les donataires des sommes versées au titre de laide sociale à Mme L... ;
Considérant cependant quil appartient aux juridictions de laide sociale, en leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction en récupération daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune ou lautre partie à la date de leur propre décision ; quà ce titre, elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération ; queu égard aux circonstances de la présente affaire, il y a lieu de limiter la somme globale de 1.500,00 euros le montant récupérable par le département,
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission centrale daide sociale en date du 18 août 2004 est annulée.
Art. 2. - La somme que le département est autorisé à récupérer à lencontre de M. L... et de Mme M... est fixée à 1 500 euros.
Art. 3. - La décision de la commission cantonale dadmission à laide sociale de Montluçon du 5 décembre 2000 et la décision de la commission départementale daide sociale de lAllier du 25 septembre 2001 sont réformées en ce quelles ont de contraire à la présente décision.
Art. 4. - La présente décision sera notifiée au département de lAllier, à M. Pierre L..., à Mme Lucienne M... et au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.