Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes handicapées - Recours en récupération - Succession
 

Dossier n° 061656

M. P... René
Séance du 27 avril 2007

Décision lue en séance publique le 21 mai 2007

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale en date du 27 janvier 2006, la requête présentée par Mme Jeanine R..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale du Jura du 6 décembre 2005 confirmant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Dole du 22 juin 2005 prononçant la récupération sur succession, par les moyens qu’elle est outrée d’entendre dire que son frère trisomique décédé à 62 ans, car ils l’ont beaucoup choyé, entouré de soins et aimé, a coûté cher à l’Etat ; qu’elle est scandalisée ; que les parents l’ont gardé à la maison jusqu’à l’âge de cinquante ans ; qu’après le décès de leur mère ils l’ont placé dans un centre car leur père avait le cancer ; que ce père a économisé cet argent pour ses enfants ; que l’argent qu’on lui réclame ne vient pas de la pension d’invalidité de son frère mais de l’héritage que leur père leur a laissé ; que par respect, son frère et elle-même n’y ont jamais touché ; qu’elle est très en colère et ne souhaite pas rendre 30 000 euros qui ne serviront pas à rembourser les frais d’hébergement d’un enfant handicapé ; que si elle n’obtient pas gain de cause, elle alertera les médias ;
    Vu le mémoire du président du conseil général du Jura en date du 30 janvier 2006 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que M. P... a été admis en foyer occupationnel de Mont-sous-Vaudrey en 1994 à l’âge de 52 ans ; qu’il a perçu du département avant cette date de l’aide médicale à domicile de 1965 à 1983 ainsi que l’allocation aux grands infirmes et l’allocation supplémentaire de 1967 à 1975 et de la CAF l’allocation aux adultes handicapés ; que la créance d’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement du 31 janvier 1994 au 30 avril 2004 s’élève à 404 097,94 euros ; qu’en application de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles le département a exercé son droit de recours sur succession de M. René P... ; que l’actif net successoral s’élevait à 6 765,56 euros versé par le notaire aux deux frère et sœur de M. P... ; qu’ainsi la commission d’aide sociale du 22 juin 2005 a prononcé la récupération de l’actif net successoral à l’encontre de Mme Jeanine R... et de M. Bernard P..., soit la somme de 3 382,78 euros, à chacun d’eux ; que M. Bernard P... a réglé sa part en date du 26 octobre 2005 ;
    Vu le nouveau mémoire de Mme Jeanine R... en date du 12 janvier 2007 qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que sa mère qui avait gardé son frère auprès d’elle jusqu’à l’âge de cinquante ans n’a jamais rien demandé à personne ; qu’étant décédée et son père gravement malade son frère devenu tuteur et elle se sont occupés de lui pendant dix ans puis l’ont mis dans un centre pour handicapés ; qu’elle est très en colère car les drogués, les alcooliques, les délinquants sont pris en charge par la société mais non les handicapés ; qu’elle le redit, elle ne remboursera pas cette somme ; qu’elle fera appel aux médias car il y a injustice ; que l’argent de leur père ne servira pas à rembourser les frais d’hébergement d’un enfant handicapé ; que toute leur vie ils n’ont rien demandé alors qu’ils avaient un enfant trisomique né en 1942 ; qu’elle souhaite que l’on réfléchisse, qu’on s’interroge et que l’on conclue ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre du 18 janvier 2007 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 avril 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le défaut de motivation du jugement attaqué n’est pas soulevé ; que ce moyen n’est pas d’ordre public ;
    Mais considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que siégeait à la séance de jugement et au délibéré des premiers juges « Mme C... Aline, rapporteure adjoint dossiers conseil général » ; qu’eu égard aux énonciations de la décision il y a lieu en outre de présumer que Mme C... a rapporté le dossier en qualité de rapporteure « du conseil général » (hors RMI) ; qu’il ressort des pièces versées au dossier et notamment du mémoire en défense portant la mention « affaire suivie par Mme C... » que celle-ci est en charge du dossier dans les services d’aide sociale du département du Jura ; qu’ainsi l’administration était à la fois juge et partie et le principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions administratives a été méconnu ; que la méconnaissance d’un tel principe constitue un moyen d’ordre public ; qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant que la demande et la requête sont globalement présentées pour la requérante et son frère ; que devant le premier juge et en cours d’instruction d’appel il n’a pas été procédé à régularisation pour signature par celui-ci ; qu’en l’état actuel la commission centrale d’aide sociale n’estime pas opportun de retarder encore le jugement de l’instance pour pourvoir à régularisation de la signature de M. Bernard P... ; qu’il y a lieu de considérer que la requête est présentée valablement par Mme Jeanine R... et M. Bernard P... ;
    Considérant que malgré le caractère déplaisant de l’argumentation de la requérante en ce qu’elle croit devoir opposer l’aide aux personnes handicapées et aux personnes en situation de difficultés sociales et/ou « immigrées » ou étrangères bénéficiant d’aides médicale ou sociale, il y a lieu pour le juge de l’aide sociale d’examiner avec objectivité l’ensemble des moyens d’une requête autodidacte et de les interpréter conformément à la réalité des énonciations, au-delà des lacunes de celle-ci ;
    Considérant que la requérante soutient que son frère et elle-même à compter de l’entrée à 53 ans en foyer de leur frère handicapé ont « rendu visite [à celui-ci] chaque semaine et pendant plus de dix ans, nous l’avons habillé et avons subvenu à tout ces besoins (non couverts pas le « reste à vivre ») » ; qu’elle entend ainsi soulever le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 39 de la loi du 30 juin 1975 devenues article L. 245-6, dernier alinéa, du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que l’administration se borne en appel à se référer au rapport établi devant la commission départementale d’aide sociale dont la décision comme il a été dit n’est pas motivée ; que ce rapport lui-même se borne à énoncer les éléments d’où il résulte que les requérants font valoir qu’ils ont assumé pendant toute la période de placement de leur frère en foyer la charge effective et constante de celui-ci au sens des dispositions législatives susrappelées mais sous le titre V « Exposé succinct des conclusions du contrôleur des lois d’aide sociale » se borne à rappeler le montant de la créance sur lequel l’action en récupération est exercée sans en aucune façon contester le moyen ou apporter aucun élément de fait permettant de le faire ; qu’il appartient à l’administration de répondre aux moyens des requêtes comme il appartient aux juges de motiver leurs décisions en y répondant ; que la commission centrale d’aide sociale ne trouve au dossier aucun élément de nature à présumer que tant la requérante que son frère n’aient pas apporté à leur frère handicapé durant à tout le moins les dix ans de son placement au foyer l’aide effective et constante dans les conditions requises par la loi ; qu’il y a lieu par suite de faire droit à la demande présentée devant la commission départementale d’aide sociale du Jura,

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale du Jura du 6 décembre 2005 ensemble la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Dole du 22 juin 2005 sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de Mme Jeanine R... et de M. Bernard P... des prestations avancées par l’aide sociale à M. René P...
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 avril 2007 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 21 mai 2007.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des Solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer