Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2320 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Succession - Exonération |
Dossier no 061504
Mlle M... Emilia
Séance du 27 avril 2007
Décision lue en séance publique le 4 juin 2007
Vu premièrement et deuxièmement enregistré à la DDASS de la Haute-Garonne le 31 mai 2006 et au tribunal administratif de Toulouse à la même date puis transmise par ordonnance du vice-président délégué de ce tribunal du 7 septembre 2006 la requête ainsi que le mémoire en réplique enregistré le 27 décembre 2006 de M. André M..., tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision du 21 mars 2006 par laquelle la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne a rejeté son recours dirigé contre la décision du 14 mars 2005 de la commission dadmission à laide sociale de Castanet-Tolosan ayant prononcé la récupération de la créance daide sociale de 20 179,27 euros à lencontre de la succession de Mlle Emilia M... par les moyens que la composition de la commission où siégeaient un conseiller général et un rapporteur des services du département a méconnu le principe général dindépendance et dimpartialité des juridictions administratives et était contraire au stipulation de larticle 6-1 de la convention européenne des droits de lhomme et des libertés fondamentales ; que les différentes correspondances quil a adressées au président du conseil général et au Médiateur de la République demeurées sans suite, établissaient quil avait recueilli sa sur avec sa mère à son domicile pendant dix ans et avait assumé les charges affective, relationnelle et morale de celles-ci de façon suffisamment intense et continue étant donné létat grabataire de sa mère et les handicaps lourds et graves de sa sur ; que celle-ci ne peut être considérée comme simple personne âgée à soixante ans ayant été prise en charge antérieurement à cet âge par décision de la COTOREP ; que le montant de la récupération a été fixé par le conseil général et non la commission dadmission à laide sociale ; que lexclusion de prise en charge résultant de la décision du conseil dEtat GAROFALO ne lui est pas applicable ; que les membres de la commission départementale nont pas tenu compte de cette décision, dont tient compte la jurisprudence de la commission centrale ; que larticle L. 246-1 du code de laction sociale et des familles fonde également sa demande ; que la COTOREP lui a reconnu diverses prestations en raison de son handicap avant soixante ans ; que si il est juste que ses deux frères qui nont pas eu la charge de leurs sur et mère remboursent la créance il nen va pas de même pour lui et son épouse ; quil a fallu quil intervienne après la décision de la commission départementale pour quune erreur de 1 969 euros en sa défaveur soit rectifiée ; quil nest pas exonéré de la récupération de lallocation compensatrice pour tierce personne en application de la loi du 11 février 2005 contrairement à ce que prétend le président du conseil général mais bien en sa qualité de tierce personne qui a donc eu la charge de sa sur handicapée ; que le centre Marcel-Riser dépendant de lhôpital Marchant à Toulouse est un centre pour handicapés extrêmement spécialisé ; quil a remboursé à la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 654,40 euros en recouvrement de lallocation supplémentaire ; quaucune disposition ne permettait le changement de statut dhandicapé de sa sur à soixante ans en celui de personne « simple personne âgée » ; que sa part dhéritage lui a permis de réaliser certains travaux damélioration de son habitation ; que le conseil général a fait léconomie de frais dhébergement pendant les dix ans où sa sur était à son domicile et a bénéficié de la part dhéritage de ses deux frères qui était plus importante grâce la quotité disponible du testament ; quen évoquant le seul aspect pécunier pour apprécier la remise ou la modération le conseil général oublie son rôle social négligeant tout sentiment humain ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 12 septembre 2006 tendant au rejet de la requête par les motifs que la récupération est conforme à larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles ; que le lien de causalité entre son recours et la poursuite à lencontre des ayants droit de la succession réside au niveau du droit de suite quil détient en sa qualité de personne de droit public lui permettant dappréhender les biens de la succession en quelques mains quils soient ; que si le moyen tiré de lirrégularité de la composition de la commission départementale est susceptible de justifier lannulation de la décision de celle-ci une telle annulation nest pas susceptible de remettre en cause léventuelle validité juridique du recouvrement de la créance ; quen outre le rapporteur en charge du dossier na pas personnellement instruit le recours initial puisque lappel formulé a donné lieu à la réinstruction complète du dossier ; que la présence du conseiller général est prévue par la loi ; quen application des dispositions conjointes de larticle L. 344 du code et de la jurisprudence GAROFALO le recours en récupération est fondé puisque Mlle M... a été orientée vers un placement en long séjour par décision de la COTOREP du 22 septembre 1994 et que selon le Conseil dEtat dès lors que la personne handicapée placée en centre de long séjour a atteint lâge de soixante ans ladministration peut engager un recours en récupération de créance sur succession tel que prévu à larticle L. 132-8, cette juridiction ayant estimé que larticle 168 nétait pas applicable aux centres de long séjour, ce qui a été confirmé par la jurisprudence de la commission centrale daide sociale ; que les dispositions de la loi du 11 février 2005 ne sont pas en vigueur puisquelles nécessitent la publication dun décret dapplication ; que M. M... ne mentionne aucune charge permettant détablir son éventuel état dinsolvabilité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Après avoir entendu à laudience publique du 27 avril 2007, Mlle Erdmann, rapporteure, M. M... en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que la commission départementale daide sociale de Haute-Garonne a statué sur la demande formulée contre la décision du 11 mars 2005 de la commission dadmission à laide sociale de Castanet-Tolosan le 10 janvier 2006 ; que M. M... ayant fait observer quil navait pas été convoqué régulièrement à ladite séance ladite commission a à nouveau statué le 21 mars 2006 ; que les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées à la fois contre les décisions des 10 janvier et 21 mars 2006 ; quaucune disposition ne permettait à la commission départementale daide sociale de statuer à nouveau sur une décision qui avait été délibérée et lue le 10 janvier ; que pour ce motif la décision du 21 mars 2006 encourt lannulation ; que la composition de la commission ayant été identique lors des séances des 10 janvier 2006 et 21 mars 2006 les griefs formés à son encontre doivent être regardés comme létant à lencontre de chacune des deux décisions ; quainsi il y a lieu de statuer sur la composition de la commission dans sa séance du 10 janvier 2006 ;
Considérant que le rapporteur de la commission départementale daide sociale était un agent des services du département de la Haute-Garonne en charge des questions daide sociale, à supposer même quil nait pas personnellement procédé à la réinstruction du dossier dappel comme le soutient le président du conseil général, alors pourtant quil ressort du dossier quil a après la décision de la commission départementale reçu le requérant en compagnie de la responsable du service daide sociale ; quainsi et en toute hypothèse le principe dindépendance et dimpartialité des juridictions administratives rappelé par les stipulations invoquées de larticle 6 de la convention européenne des droits de lhomme a été méconnu ; quil y a lieu dannuler la décision attaquée et dévoquer la demande ;
Considérant quil ne ressort pas des pièces versées au dossier que la décision statuant sur la récupération ait été prise non par la commission dadmission à laide sociale mais par le président du conseil général ainsi que le soutient M. M... ;
Considérant que dans le dernier état de ses conclusions M. M... ne sollicite plus que la décharge à hauteur de sa part dans la succession de la somme de 17 138,24 euros afférente à la prise en charge des frais dhébergement et dentretien de sa sur à lunité de soins de longue durée du centre Marcel-Riser du centre hospitalier spécialisé Marchant à Toulouse ;
Considérant que les moyens formulés en ce qui concerne les motifs de décharge de la créance de lallocation compensatrice pour tierce personne sont en conséquence et en tout état de cause inopérants ;
Considérant que la question juridique la plus sérieuse posée par le présent dossier et qui est dordre public tient au fait quune analyse littérale des conclusions de première instance du requérant pourrait conduire à considérer quil na à ce stade formulé sa demande que sur le plan gracieux, en faisant valoir littéralement expressément quil entendait obtenir lexonération « par dérogation » aux dispositions de larticle L. 132-8 ; que ce nest que dans sa requête dappel concomitamment au contact pris avec ladministration après la notification de la décision des premiers juges quil a expressément situé sa contestation sur le plan contentieux ; que si, soit dans linstance de première instance, soit dans linstance dappel, la jurisprudence admet le requérant à présenter ses moyens postérieurement à lexpiration du délai de recours et jusquà la clôture de linstruction, il ne saurait pour autant en résulter que les conclusions et/ou les moyens procédant dune cause juridique distincte de celles et/ou de ceux seuls formulés en première instance soient recevables en appel ; que les conclusions et les moyens contentieux tendant à mettre en cause la légalité de la décision procédant dune cause juridique distincte des conclusions et de largumentation tendant à établir sil y a lieu de remettre ou de modérer une créance légalement fondée ; quainsi à prendre à la lettre les écritures de première instance la présente requête dappel ne serait pas recevable ;
Mais considérant que conformément à sa position constante la présente juridiction entend interpréter les conclusions et moyens des requérants autodidactes, comme cest le cas de lespèce, même maladroitement formulés conformément à leur sens substantiel et non à leur sens littéral ; quune telle interprétation procède tout particulièrement de loffice du juge de laide sociale ; quà cet égard il est clair que depuis lorigine M. M... entend se prévaloir de ce quil a en réalité assumé la charge effective et constante de sa sur au sens de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles et quainsi il est dans une situation différente de celle de ses frères qui nont pas assumé une telle charge et à lencontre desquels, à hauteur de leur part dans la succession, la créance a également été récupérée ; que dans ces conditions il y a lieu dadmettre que M. M... a, en réalité, dès la première instance, entendu se placer sur le terrain de droit quil a ensuite repris et explicité dans ses écritures dappel ; que la présente juridiction a entendu motiver dans le cas particulier sa position ; que lappel sera déclaré recevable ;
Sur le moyen tiré de lapplication des dispositions de larticle 43-I de la loi modifiée du 30 juin 1975, sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens de M. M... ;
Considérant que lensemble des développements du mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne tirés de ce que larticle 168 du code de la famille et de laide sociale devenu L. 344-5 du code de laction sociale et des familles nest pas applicable aux admissions en unités de soins de longue durée pour personnes âgées, au titre de larticle 166 du code de la famille et de laide sociale, alors applicable, est inopérant ;
Considérant quaux termes de larticle 43 de la loi du 30 juin 1975 dans sa rédaction issue de larticle 81 de la loi du 30 décembre 1985 portant loi de finances pour 1986 : « il ny a pas lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire sont la personne qui assume de façon effective et constante la charge du handicapé » ; quil ressort des pièces versées au dossier et quil nest dailleurs pas sérieusement contesté que, tant durant la période durant laquelle il a accueilli Mlle Emilia M..., sa sur, à son domicile, alors même que son foyer percevait lallocation compensatrice au titre des fonctions de tierce personne exercées par son épouse, quultérieurement lors du placement à lUSLD du centre hospitalier Marchant à Toulouse de Mlle M..., le requérant a par le soin constant pris de sa sur, soit en laccueillant à son domicile, soit en lui rendant de fréquentes visites, soit en soccupant de ses intérêts notamment en qualité de tuteur, assumé la charge effective et constante de celle-ci, que ne pouvait plus assurer leur mère devenue elle-même dépendante ;
Considérant que si les dispositions précitées ont pour objet par dérogation aux dispositions de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, dinterdire lexercice du recours en récupération pour lensemble des dépenses daide sociale exposées au titre du chapitre 1er du titre IV (« personnes handicapées ») du code de laction sociale et des familles, et si cette interdiction ne sétend pas aux prestations daide sociale versées dans les conditions de droit commun, notamment dâge et de ressources en application dautres chapitres du code, cette limitation du champ de lexonération de la récupération ne trouve pas à sappliquer lorsque ladmission dans un établissement pour personnes âgées, telle une unité de soins de longue durée, a été décidée par la COTOREP en application de larticle L. 322-11 du code du travail, faute de place dans un établissement spécialisé pour handicapés ; que dans le cas où le placement dans létablissement pour personnes âgées a été décidé par linstance dorientation avant lâge de soixante ans pour se poursuivre après cet âge sur nouvelle décision de linstance dorientation, les dispositions de larticle 43 ci-dessus rappelées de la loi du 30 juin 1975 ont pour effet dinterdire lexercice du recours en récupération tant pour les prestations dispensées dans létablissement avant lâge de soixante ans que pour celles dispensées en continuation après cet âge ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mlle Emilia M..., née le 23 janvier 1935, a été avant soixante ans orientée vers lUSLD suscitée par décision de la COTOREP (et non par seule décision de la commission dadmission à laide sociale au titre de laide aux personnes âgées étendue aux personnes handicapées de moins de soixante ans) en date du 22 septembre 1994, à partir de cette date pour cinq ans faute de place en Maison daccueil spécialisé, notamment à celle de Saint-Thorens proche du domicile de sa famille ; quil nest pas contesté que cette orientation a été renouvelée postérieurement à lexpiration de la première période de séjour dont il sagit par une décision de la COTOREP pour se poursuivre jusquau décès de lassistée ; que dans ces conditions Mlle M... avait bien été admise avant soixante ans dans un établissement pour personnes âgées sur décision de la COTOREP, maintenue après soixante ans dans cet établissement en fonction de la même décision, ce maintien étant renouvelé ultérieurement par linstance dorientation et que dans une telle situation les dispositions précitées de larticle 43-I de la loi modifiée du 30 juin 1975 interdisaient la récupération à lencontre de son frère qui en avait, comme il a été dit, assumé la charge effective et constante,
Décide
Art. 1er. - Les décisions de la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne des 10 janvier et 21 mars 2006, ensemble la décision de la commission dadmission à laide sociale de Castanet-Tolosan du 14 mars 2005, sont annulées.
Art. 2. - Il ny a lieu à récupération à lencontre de M. André M... à hauteur de sa part dans la succession des frais avancés daide sociale à raison de lhébergement de Mlle Emilia M... à lunité de soins de longue durée du centre hospitalier spécialisé Marchant à Toulouse pour 17 138,24 euros.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 avril 2007 où siégeaient M. Lévy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 4 juin 2007.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer