Dispositions spécifiques aux différents types d’aide sociale  

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  REVENU MINIMUM D’INSERTION (RMI)  
 

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) - Foyer - Charge réelle et continue
 

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
Dossier no 274838

M. B...
Séance du 2 mars 2006

Lecture du 24 mars 2006

    Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du conseil d’Etat, présentée par M. Jean-Claude B... ; M. B... demande au conseil d’Etat d’annuler l’article 2 de la décision du 24 février 2004 de la commission centrale d’aide sociale qui, après avoir annulé la décision du 25 février 2002 de la commission départementale d’aide sociale d’Ille-et-Vilaine, a rejeté ses conclusions de première instance dirigées contre la décision du 28 mai 2001 du préfet d’Ille-et-Vilaine ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu la Constitution notamment son préambule ;
    Vu la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de justice administrative ;
    Après avoir entendu en séance publique :
    -  le rapport de M. Marc Benassy, chargé des fonctions de maître des requêtes,
    -  les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
    Considérant que M. B... soutenait devant la commission centrale d’aide sociale que le préfet d’Ille-et-Vilaine avait, en minorant le montant de son allocation de revenu minimum d’insertion au motif qu’il était propriétaire de son logement, entaché la décision attaquée du 28 mai 2001 d’une erreur de droit ; que la commission centrale d’aide sociale n’a pas répondu à ce moyen ; que l’article 2 de sa décision doit, pour ce motif, être annulé ;
    Considérant qu’il y a lieu, pour le conseil d’Etat, de régler dans cette mesure l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
    Considérant, en premier lieu, que, d’une part, aux termes de l’article L. 262 du code de l’action sociale et des familles « Toute personne résidant en France dont les ressources, au sens des articles L. 262-10 et L. 262-12, n’atteignent pas le montant du revenu minimum d’insertion à l’article L. 262-2, qui est âgée plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit, dans les conditions prévues par la présente section, à un revenu minimum d’insertion » ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 12 décembre 1988 visé ci-dessus, aujourd’hui codifié à l’article R. 262-1 du code de l’action sociale et des familles « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article 3 de la loi du 1er décembre 1988 susvisée est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge » ; que l’article 2 de ce décret, aujourd’hui codifié à l’article R. 262-2 du même code, dispose que « (...) sont considérés comme à charge : 1o/Les enfants ouvrant droit aux prestations familiales (...) » ; qu’aux termes de l’article R. 513-1 du code de la sécurité sociale « La personne physique à qui est reconnu le droit aux prestations familiales a la qualité d’allocataire. Ce droit n’est reconnu qu’à une seule personne au titre d’un même enfant. (...) En cas de divorce, de séparation de droit ou de fait des époux ou de cessation de la vie commune des concubins, et si l’un et l’autre ont la charge effective et permanente de l’enfant, l’allocataire est celui des membres du couple au foyer duquel vit l’enfant » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’un allocataire du revenu minimum d’insertion séparé de son conjoint ou de son concubin ne peut bénéficier de la majoration d’allocation due au titre des enfants à charge que si ceux-ci vivent à son foyer ; que M. B... ne peut utilement invoquer, à l’encontre de ces dispositions, les stipulations des articles 9 et 18 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, lesquelles sont dépourvues d’effet direct ; que les dispositions réglementaires en cause, qui fondent le droit à majoration sur un critère objectif tiré des obligations respectives de chaque parent, n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte aux garanties assurant le développement de la famille et au droit à obtenir des moyens convenables d’existence prévues respectivement aux alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie celui de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que contrairement à ce qui est soutenu, elles ne font, en tout état de cause, pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 203 du code civil, aux termes duquel « les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants », et ne contreviennent pas davantage aux dispositions de l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles cité ci-dessus ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que par ordonnance du 20 février 2002, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes a fixé la résidence habituelle des enfants de M. B... chez leur mère et que ceux-ci vivent effectivement chez cette dernière ; qu’il suit de là que l’intéressé ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de la majoration définie par les dispositions citées ci-dessus ;
    Considérant, en second lieu, que l’article L. 262-10 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « l’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret du 12 décembre 1988, aujourd’hui codifié à l’article R. 262-4 du code de l’action sociale et des familles : « Les avantages en nature procurés par un logement occupé soit par son propriétaire ne bénéficiant pas d’aide personnelle au logement, soit, à titre gratuit, par les membres du foyer, sont évalués mensuellement et de manière forfaitaire : /1o à 12 % du montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire lorsque l’intéressé n’a ni conjoint, ni partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni concubin, ni personne à charge au sens de l’article 2 (...) » ; qu’en incluant ainsi parmi les ressources à prendre en compte pour le calcul de l’allocation l’avantage apporté par la possession de son habitation, le pouvoir réglementaire n’a commis aucune erreur d’appréciation, alors même que la possession d’un logement est susceptible d’entraîner des charges spécifiques ; que la circonstance que d’autres avantages en nature n’auraient pas été pris en compte par le pouvoir réglementaire n’est pas de nature à entacher d’illégalité les dispositions qui viennent d’être rappelées ;
    Considérant qu’il n’est pas contesté par M. B... que celui-ci est propriétaire de son logement et qu’il ne bénéficie pas de l’aide personnelle au logement ; que, dès lors, cet avantage devait être pris en compte pour le calcul de son allocation conformément aux dispositions du décret du 12 décembre 1988 citées ci-dessus ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. B... n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 28 mai 2001 du préfet d’Ille-et-Vilaine,

Décide

    Art. 1er.  -  L’article 2 de la décision du 24 février 2004 de la commission centrale d’aide sociale est annulé.
    Art. 2.  -  La demande présentée par M. B... devant la commission départementale d’aide sociale d’Ille-et-Vilaine et le surplus de ses conclusions devant le conseil d’Etat sont rejetés.
    Art. 3.  -  La présente décision sera notifiée, à M. B... et au ministre de la santé et des solidarités.