Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Recours en récupération - Succession
 

Dossier no 051534

Mme L...
Séance du 28 juin 2006

Décision lue en séance publique le 5 juillet 2006

    Vu la requête présentée le 6 juillet 2005, par Maître Véronique L... représentant Mme Irène L... tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne du 3 mai 2005, qui n’a pas accueilli favorablement le recours contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse du 16 septembre 2002 demandant la récupération de la créance de l’aide sociale, dont a bénéficié Mme Marie-Louise A... au titre de l’allocation compensatrice pour tierce personne, au donataire Mme Irène L... ; Mme Irène L... soutient que l’article 894 du code civil ne permet pas l’exercice du recours en récupération ; qu’en vertu des articles 39 et 43 de la loi du 30 juin 1975, aucun recours ne peut être exercé sur la succession du bénéficiaire décédé en ce qui concerne l’allocation compensatrice pour tierce personne lorsque les héritiers sont le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé, ce qu’elle a fait, pour sa mère ; qu’elle l’a accueillie à son domicile durant plus de cinq années consécutives ; qu’en l’espèce le contrat d’assurance vie souscrit par Mme Marie-Louise A... le 19 janvier 1990, puis alimenté de versements réguliers n’est pas requalifiable en donation ; qu’il est faux de prétendre que le produit de la vente de la maison de Mme Marie-Louise A... aurait été affecté au produit assurance vie alors que celui-ci a été alimenté par des versements réguliers ; que sa situation financière ne lui permet pas de participer au remboursement de l’allocation compensatrice pour tierce personne ;
    Vu enregistré le 19 août 2005, le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne qui conclut au rejet de la requête ; le président du conseil général de la Haute-Garonne soutient que la jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale établit que les contrats d’assurance vie souscrits par des bénéficiaires de l’aide sociale ne dépendent pas de l’article 894 du code civil ; que Mme Marie-Louise A... avait 81 ans le jour de la signature du contrat et qu’elle a placé la quasi-totalité de ses disponibilités financières sur celui-ci qui n’a subi aucun rachat ; qu’elle ne détenait pas un portefeuille de valeurs mobilières destiné à faire fructifier son épargne pour ses besoins personnels ; que la succession s’est révélée inexistante ; que l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, n’est pas applicable ; que l’intention libérale est manifeste ;
    Vu enregistré le 3 avril 2006, le mémoire du président du conseil général de la Haute-Garonne faisant état « du désistement » du conseil général pour ce qui concerne le contentieux opposant l’administration à Mme Irène L... ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code des assurances ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 juin 2006, Mme Giletat, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur le « désistement » du président du conseil général de la Haute-Garonne devant la commission centrale d’aide sociale ;
    Considérant que l’appel est formé par l’assistée ; que le « désistement » de l’action du président du conseil général ne rend pas en tout état de cause sans objet le présent litige dès lors que le contentieux de la légalité des décisions des collectivités d’aide sociale est un plein contentieux de légalité objectif et que contrairement à ce que l’intimé énonce les dispositions de l’article 95-I de la loi du 11 février 2005, n’ont eu ni pour objet ni pour effet d’impartir au juge de l’aide sociale d’entrer en décharge des récupérations de la nature de celle litigieuse à la suite d’une décision administrative en date du 16 septembre 2002, dont le fait générateur est antérieur à l’entrée en vigueur de la loi dont les dispositions impartissant au juge de prononcer la décharge dont s’agit, ne concernent que la récupération contre la succession et non celle contre le donataire ; qu’il n’y a lieu ni de donner acte d’un prétendu désistement de l’administration ni de constater que la requête est devenue sans objet à raison de la renonciation par le département de la Haute-Garonne au bénéfice de la décision du premier juge et de son acquiescement aux conclusions de l’appelant ;
    Sur la régularité de la décision attaquée de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne ;
    Considérant que le 3 mai 2005, la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne a statué au rapport d’un fonctionnaire du département de la Haute-Garonne en charge de dossiers d’aide sociale et singulièrement du dossier litigieux, nonobstant la jurisprudence constante du conseil d’État et de la présente juridiction, proscrivant une telle composition de l’instance de premier jugement ; que le principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions administratives a été méconnu et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’ évoquer la demande ;
    Sur les moyens de légalité de la requête ;
    Considérant que les dispositions de l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, aujourd’hui codifiée au code de l’action sociale et des familles n’interdisent l’exercice du recours en récupération à l’encontre des enfants de l’assisté ou de la personne qui en a assuré la charge effective et constante que lorsque le recours est intenté contre la succession et non lorsqu’il l’est contre le donataire ; que ni la qualité d’enfant de la donatrice de la requérante ni la circonstance dont elle se prévaut qu’elle aurait en hébergeant sa mère plus de 5 ans, assuré la charge effective et constante de celle-ci, n’ont ainsi d’incidence sur la légalité du recours litigieux ;
    Considérant qu’un contrat d’assurance vie décès acte neutre est le cas échéant susceptible d’être requalifié en donation indirecte si les circonstances de sa souscription font apparaître à la date à laquelle elle intervient, l’intention libérale du stipulant au profit du bénéficiaire ; qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que Mme Marie-Louise A... a souscrit le contrat litigieux à 80 ans pour une prime initiale de 10 000,00 francs ; que si la requérante soutient que le contrat a été ultérieurement abondé par des versements réguliers de primes, il ressort des pièces du dossier que la donatrice y a affecté des sommes importantes respectivement de 70 000,00 et 60 000,00 francs (frais compris) le 31 janvier 1996 et le 2 mars 1996, après la vente de sa maison le 25 janvier 1996, à 87 ans ; que le montant de l’actif procédant du capital versé est sans commune mesure avec celui des valeurs mobilières de l’assistée à son décès qui était nul au vu du dossier, de même d’ailleurs que l’actif net de la succession ; que dans ces conditions l’intention libérale de Mme Marie-Louise A... à l’égard de Mme Irène L... est établie et celle-ci n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que la commission d’admission à l’aide sociale de Toulouse a décidé la récupération litigieuse ;
    Sur les conclusions aux fins de remise ;
    Considérant que selon les éléments fournis par la requérante les revenus de son foyer étaient en 2002 de 35 480,00 euros pour deux personnes (M. et Mme) et les charges évoquées de 12 000,00 euros ; que si les époux L... ont hébergé Mme Marie-Louise A... qui bénéficiait d’ailleurs de l’allocation compensatrice pour tierce personne à leur domicile et ont subi de ce fait, sans que soit établie la rémunération d’une tierce personne, des sujétions importantes, cette seule circonstance ne justifie pas, compte tenu des éléments qui précèdent, une remise et même une modération de la créance ; que dans ces conditions la demande à la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne de Mme Irène L... ne peut qu’être rejetée,

Décide

    Art. 1er.  - La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne du 3 mai 2005, est annulée.
    Art. 2.  - La demande formée par Mme Irène L... devant la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne est rejetée.
    Art. 3.  - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 juin 2006, où siégeaient M. Lévy, président, M. Nouvel, assesseur, Mme Giletat, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 5 juillet 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer