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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RÉPÉTITION DE L’INDU  
 

Mots clés : Répétition de l’indu - Personnes handicapées - Hébergement
 

Dossier no 050276

M. Michel D... par Mme Raymonde D...
Contre le président du conseil général de l’EureSéance du 19 avril 2006

Décision lue en séance publique le 27 avril 2006

    Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 22 novembre 2005, la requête présentée pour Mme Raymonde D... agissant en qualité d’administratrice judiciaire de son fils M. Michel D... par Me B... avocat, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure du 14 septembre 2004, rejetant sa demande dirigée contre une décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg du 19 mars 2004, relative à une répétition d’indu au titre de la participation de M. D... à ses frais d’hébergement au foyer de Quinquempoix ensemble la décision ; annuler les titres exécutoires formant avis des sommes à payer émis pour avoir recouvrement de la créance sur laquelle a statué la commission départementale d’aide sociale annuler la décision du président du conseil général de l’Eure décidant de procéder à la récupération des sommes versées en date du 25 mars 2003, condamner le département de l’Eure et l’Etat à leur payer 2 000 euros, au titre des frais irrépétibles par les moyens que l’article 128 du code de la famille et de l’aide sociale n’est pas conforme à l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, en ce qu’il indique que la commission départementale d’aide sociale comprend trois conseillers généraux et trois fonctionnaires de l’Etat, alors que la décision contestée émane du conseil général et que certaines des décisions contestées émanent de la direction des services fiscaux ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale doit également être annulée en ce qu’elle a jugé que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale n’avait pas respecté les droits de la défense et le principe du contradictoire ; que Mme D... n’a jamais été informée de la réunion de la commission d’admission à l’aide sociale ; qu’en rejetant le moyen, déjà soulevé devant elle, la commission départementale d’aide sociale viole les dispositions législatives et constitutionnelles applicables en la matière, comme un principe général du droit reconnu par le juge administratif à de très nombreuses reprises ; qu’en l’espèce une liberté publique est en jeu ; que le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires est un principe général du droit et constitue dès lors une liberté publique ; que le principe des droits de la défense ne s’applique pas seulement aux sanctions ; que la procédure devant la commission départementale d’aide sociale a été elle-même gravement irrégulière, aucun élément concernant le rapport, rédigé par le rapporteur, n’ayant été communiqué préalablement au demandeur ; que les décisions contestées seront annulées, en ce qu’elles régularisent une récupération rétroactive, alors qu’il est de jurisprudence constante que la rétroactivité d’un acte administratif ne peut intervenir que si l’administration y est autorisée par une décision législative expresse, si cette rétroactivité intervient dans le cadre d’un retrait d’une précédente décision administrative ou dans l’hypothèse de son application immédiate, alors qu’aucune de ces trois situations ne se présente ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du président du conseil général de l’Eure en date du 19 avril 2005, tendant au rejet de la requête par les motifs que la composition de la commission départementale d’aide sociale est prévue à l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles, que les rapporteurs n’ont pas de voix prépondérante et ne statuent pas sur les dossiers présentés devant la commission départementale ; qu’à aucun moment le département et l’Etat n’a été juge et partie dans l’instance ; que les décisions contestées n’émanent pas de la direction des services fiscaux mais du comptable public qui intervient à la demande de l’ordonnateur ; que les principes du contradictoire et du respect des droits de la défense ne sont pas applicables en l’espèce, ne concernant que les procédures suivies devant les juridictions ou dans la fonction publique quand l’autorité administrative prend une mesure ayant un caractère de sanction, mais ne régissant pas des procédures administratives non juridictionnelles ; qu’il n’y a pas de violation d’une liberté publique ;
    Vu enregistré le 19 août 2005, le mémoire présenté pour Mme D..., persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les titres de paiement ont été libellés au nom de Mme D... et non de son fils ; que le « courrier » du 11 octobre 2002, mentionne explicitement que la commission d’admission ne s’est prononcée que pour la période allant du 7 juillet 2002 au 11 juin 2003, et qu’ainsi « l’avis »... ne concerne en aucun cas la période antérieure au 7 juillet 2002 ; que les décisions d’aide sociale peuvent être révisées, dès lors que les éléments nouveaux modifient la situation pour l’avenir ; que dès lors, les titres exécutoires ne sont en aucun cas fondés juridiquement, ne pouvant porter que sur les sommes éventuellement perçues par M. D... après que la commission d’admission ait rendu son « avis » ; que subsidiairement, le département de l’Eure a commis une faute en versant des sommes qui n’étaient pas dues à M. D..., et qu’ainsi le département ne saurait être autorisé à solliciter la répétition des sommes prétendument trop versées, le versement étant imputable à sa seule faute ; qu’en tout état de cause, s’il était autorisé à solliciter la réclamation de l’indu, la commission ne pourrait que limiter le montant, afin de prendre en compte le préjudice du requérant ;
    Vu le mémoire en duplique en date du 12 janvier 2006, du président du conseil général de l’Eure persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et par les motifs que la requête est « irrecevable »... ; que le titre exécutoire a été émis à l’encontre de M. Michel D... et adressé à Mme D..., en qualité d’administratrice légale de son fils ; que la paierie a émis deux titres exécutoires représentant la créance due au département par M. D... et que par décision du 19 mars 2004, la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg a régularisé l’émission des deux titres ; que la créance de participation de l’hébergé a été calculée suivant le décret no 77-1548 ; que le salaire a été versé directement à M. D... par le CAT, l’allocation aux adultes handicapés par la caisse d’allocations familiales et par conséquence la créance ne correspond pas à une récupération de sommes versées au préalable par le département de l’Eure ; que les ressources ont été placées par l’intéressé sur différents comptes et que M. D... n’est pas contraint à emprunter de l’argent comme le prétend sa mère ;
    Vu le nouveau mémoire enregistré le 10 avril 2006, présenté pour Mme D... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que l’intégralité des pièces est libellées au nom de Mme D... ; qu’il est stupéfiant que le département de l’Eure ait pu obtenir des informations sur la situation bancaire des requérants couvertes par le secret bancaire, infraction pour laquelle ils se réservent d’engager les procédures adéquates ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 avril 2006, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant au préalable que la requête étant dirigée contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du 19 mars 2004, et non contre la décision antérieure faisant l’objet du « courrier du 11 octobre 2002 » et statuant sur la période du 7 juillet 2002 au 11 juin 2003, le moyen tiré en réplique par Mme D... de ce « courrier » et du prétendu « avis » (i.e. décision) antérieure de la commission d’admission à l’aide sociale est à la fois inopérant et incompréhensible, dès lors que celle-ci semble bien avoir toujours contesté la décision du 19 mars 2004, dont il va être question ci-après ;
    Considérant que M. D... est admis depuis le 1er novembre 1988, au foyer de Quinquempoix (Oise) pour des périodes successives correspondant aux décisions d’orientation de la COTOREP d’abord de l’Eure où l’assisté a son domicile de secours, puis de l’Oise ; qu’antérieurement à la décision de la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg, susrappelée, statuant pour compter du 7 juillet 2002, l’admission à l’aide sociale était prononcée non par décision de la commission d’admission à l’aide sociale mais par décisions du président du conseil général de l’Eure du 12 décembre 1988, 13 avril 1994 et 1er juillet 1998 ; que ces décisions étaient notifiées à l’établissement d’accueil, qui avait saisi - et non l’assisté - l’administration ; que ce n’est que par la décision qui n’est pas au dossier et qui a été portée à la connaissance de Mme D... le 11 octobre 2002, que la commission d’admission à l’aide sociale a statué pour compter du 7 juillet 2002, par une motivation conforme aux prescriptions réglementaires ; que les précédentes décisions d’admission, non seulement émanaient d’une autorité incompétente (le président du conseil général qui avait anticipé depuis 1988, la suppression des commissions d’admission à l’aide sociale à compter du 1er janvier 2007, ou encore la reconnaissance constitutionnelle intervenue en 2003 de l’expérimentation...), mais qu’en outre les décisions de l’exécutif départemental ne comportent aucune indication sur la participation réglementaire de l’assisté, se bornant à énoncer « les dépenses entraînées par le placement seront réglées... par le service » et ne comportent même aucun visa des décrets du 31 décembre 1977, mais seulement, il est vrai, de l’article 168 « de l’aide sociale » (sic..., i.e. le code régissant celle-ci) posant le principe de la participation ; qu’ainsi, et même si « nul n’est censé ignorer la loi », il aurait été difficile à l’assisté au vu de ces décisions ni motivées, ni ne visant les textes précisément applicables, de considérer, telles qu’elles étaient rédigées, qu’elles avaient prévu une participation à sa charge, s’il avait été justifié, ce qui n’est pas le cas, de leur notification ;
    Considérant que durant treize ans et huit mois, le foyer s’est abstenu de solliciter de l’assisté la participation à ses frais d’hébergement en application de l’article 2 du décret no 77-1547 du 31 décembre 1977, alors non codifié, et d’user en cas de refus des voies de droits à sa disposition pour percevoir directement l’allocation aux adultes handicapés de la caisse d’allocations familiales et recouvrer pour le surplus la participation de l’assisté sur les rémunérations versées par le centre d’aide par le travail où il était accueilli ; que ce n’est que concomitammant à la décision de la commission d’admission à l’aide sociale faisant l’objet du « courrier » du 11 octobre 2002, que le service s’aperçut que l’assisté n’avait acquitté aucune participation ; que le 25 septembre 2002, il en informa Mme D... invitée, quant au principe (le quantum n’était pas encore déterminé !) à s’acquitter de la somme correspondant au paiement par le département de l’ensemble des tarifs du foyer à l’établissement sans déduction des participations de l’assisté ; qu’à cet égard, il sera relevé que l’indication du mémoire en réplique selon lequel la « créance ne correspond pas à une récupération de sommes versées au préalable par le département de l’Eure » est difficilement compréhensible, alors que l’administration et le premier juge ont jusqu’alors toujours fait valoir « il s’est avéré que le prix de journée était brut et que de ce fait les ressources auraient dû être reversées au département », ce qui laisse bien entendre que le département a payé au gestionnaire du foyer l’ensemble des tarifs y compris la part qui devait être acquittée par les participations de l’assisté, les parties ne facilitant ainsi pas, si la présente juridiction a compris quelque chose au mémoire en duplique de l’administration, comme au mémoire en réplique susévoqué du requérant, la tâche du juge ; que ce n’est que les 19 et 24 mars et 3 et 8 avril 2003, que le président du conseil général rendit exécutoires les titres de perception correspondants pour avoir paiement de 91 564,65 euros ; que la requérante déféra au tribunal administratif de Rouen ces titres, portés à sa connaissance par le payeur ainsi qu’un acte informatif connexe du 25 mars 2003 ; que par ordonnances du 25 février 2004, le président du tribunal administratif de Rouen a transmis à la commission départementale d’aide sociale de l’Eure les demandes dont le tribunal était saisi, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative ; que la commission départementale d’aide sociale n’a pas, lorsqu’elle a reçu notification de ces ordonnances dénié sa compétence en transmettant au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat les demandes dont s’agit, mais à la date de la présente décision n’y a toujours pas statué ;
    Considérant toutefois, que le président du conseil général de l’Eure alors que la commission départementale était ainsi saisie des demandes susanalysées s’avisa de faire statuer la commission d’admission à l’aide sociale, qu’il saisit à une date indéterminée et qui, le 19 mars 2004, « statua » par la mention suivante « récupération de notre (?) créance soit 91 564,45 euros » portée après la mention « proposition de la commission » (? !) à la signature de son président, avalisant de la sorte la proposition de récupération des services du conseil général pour toute motivation propre de la décision de la commission ; que la « proposition » dont s’agit était ainsi rédigée « en application de l’article L. 131-5 (? cet article concerne la composition et la procédure de la commission d’admission à l’aide sociale...) du code de l’action sociale et des familles, les commissions d’admission à l’aide sociale exercent des pouvoirs en ce qui concerne l’admission à l’aide sociale... les commissions conservent une compétence de décision lorsqu’il s’agit de fixer la participation des intéressés à leurs frais de placement. Par conséquent la commission d’admission à l’aide sociale doit se prononcer sur la participation de M. D... et ce conformément au décret précité » (décret no 77-1548) ;
    Considérant que Mme D... demande l’annulation des titres exécutoires susrappelés ; que, toutefois, elle n’a saisi la commission départementale d’aide sociale dans la présente instance que de la décision du 19 mars 2004 de la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg, et que la commission départementale d’aide sociale n’a pas cru devoir joindre les instances pour statuer sur l’ensemble du litige, comme il eut été à l’évidence souhaitable, même si le juge d’appel ne contrôle pas l’opportunité de la jonction d’instances ou de son absence ; que même statuant dans le cadre de l’évocation le juge d’appel n’est utilement saisi que des demandes et conclusions sur lesquelles avait statué le premier juge ; qu’il n’y a lieu, par suite dans la présente instance pour la commission centrale d’aide sociale d’annuler les titres de perceptions rendus exécutoires fut ce par voie de conséquence ; qu’il appartiendra au service et au payeur ou à défaut à la commission départementale d’aide sociale de tirer pour ce qui les concerne les conséquences de la présente décision ;
    Sur la légalité externe de la décision du 19 mars 2004, de la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg ;
    Considérant que pour contester celle-ci Mme D... se prévaut en appel, non seulement de manière infondée de la violation du principe du contradictoire, de celui des droits de la défense ou des stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais encore de celle des « dispositions législatives » relatives à la procédure devant l’instance d’admission ; qu’il y a lieu d’admettre (avec une certaine bienveillance) qu’elle entend ainsi se prévaloir de la méconnaissance par celle-ci des dispositions du dernier alinéa de l’article L. 131-5 selon lequel « le demandeur accompagné de la personne ou d’un représentant de l’organisme de son choix est, s’il le souhaite, entendu par la commission » ; que ces dispositions sont applicables non seulement au président du conseil général lorsqu’il est, comme en l’espèce, demandeur devant l’instance d’admission, mais encore par voie de conséquence à la personne attraite devant celle-ci ; qu’il résulte de l’instruction, que Mme D... n’a été ni avertie qu’elle pouvait demander à être entendue à la séance du 19 mars 2004, ni convoquée à celle-ci ; que les dispositions législatives suscitées ont été méconnues et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée ;
    Sur la répétition recherchée par le président du conseil général de l’Eure :
    Considérant qu’il appartient au juge de plein contentieux de l’aide sociale de statuer, non seulement sur la légalité de la décision administrative attaquée mais sur les droits de l’assisté et de la collectivité d’aide sociale ;
    Considérant que Mme D... conteste la rétroactivité de la répétition en faisant valoir que l’administration n’est pas autorisée à recouvrer rétroactivement sa créance par une disposition législative expresse, que la rétroactivité n’entrait pas dans le cadre d’un retrait d’une précédente décision administrative ou « dans l’hypothèse de son application immédiate » (?) ;
    Considérant que la répétition de l’indu, peut être rétroactive contrairement à ce que paraît soutenir Mme D... ; que toutefois, elle l’est soit dans les conditions et limites posées par les dispositions de la législation d’aide sociale ; soit - si de telles dispositions n’existait pas - dans les conditions prévues par l’article 2277 du code civil (prescription quinquennale) ;
    Considérant qu’il résulte du « rapport » du président du conseil général à la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg pour sa séance du 19 mars 2004, que l’administration entend répéter l’indu au motif « il est apparu qu’aucune créance n’avait été récupérée par le département depuis l’admission de M. D... en établissement. En effet d’après les indications fournies par le foyer lors de l’admission de M. D..., en 1988, le département considérait que le prix de journée était net » (i.e. après déduction de la participation de l’assisté censée être encaissée par le foyer, observation faite qu’un « prix de journée » ne saurait en aucun cas être « net », mais nécessairement « brut » l’administration paraissant confondre tarification et détermination de la participation de l’aide sociale qui sont deux stades relevant de deux législations différentes) « et par conséquent que le foyer récupérait les ressources. Or il s’est avéré que le prix de journée était brut et que de ce fait les ressources auraient dû être reversées au département » ;
    Considérant, comme il a déjà été évoqué, que si la commission centrale d’aide sociale a compris quelque chose à cette motivation littéralement reprise par le premier juge, elle signifie que le département a payé au titre de la participation de l’aide sociale le montant des sommes correspondant à l’ensemble du tarif, déduction non faite de la participation qui aurait du être mise à la charge de l’assisté par la commission d’admission à l’aide sociale, voire par les décisions incompétemment prises par le président du conseil général, dont la rédaction suscitée laisse présumer qu’elles ne l’ont pas fait ;
Considérant que par cette formulation l’administration semble ainsi entendre se prévaloir de ce que l’admission et les divers renouvellements susrappelés de l’aide sociale sont intervenus au vu d’éléments erronés, dont elle n’a pu s’assurer que treize ans et huit mois après la première décision ; que si lorsqu’un indu doit être répété en fonction des seules erreurs de l’administration, il n’appartient pas aux commissions d’admission à l’aide sociale de connaître de la répétition mais au président du conseil général d’émettre, comme il l’a d’ailleurs fait en l’espèce antérieurement à la saisine « pour régularisation » (?) de la commission d’admission à l’aide sociale, un titre exécutoire répétant l’indu sur celui qui en a bénéficié, il est, cependant, constant que l’administration se prévaut en l’espèce d’éléments nouveaux dont elle n’aurait pas eu connaissance lors de la décision d’admission et des décisions de renouvellement, fut ce du fait du foyer (et non dans ces conditions de ses seules erreurs) ; que dans cette hypothèse, s’appliqueraient en principe les dispositions de la législation d’aide sociale, à savoir celles de l’article 9 du décret du 2 septembre 1954, alors non codifié ; que ces dispositions ne permettent la répétition à l’encontre de l’assisté des prestations versées que pour autant que les décisions d’admission aient été prises au vu de déclarations incomplètes ou erronées dudit assisté, ce qui n’est pas le cas de l’espèce ; qu’en admettant dès lors qu’en l’espèce, la commission d’admission à l’aide sociale ait bien été compétente pour statuer sur la demande dont le président du conseil général l’avait saisi, elle ne pouvait sur le fondement des dispositions dont s’agit, seules applicables, répéter l’indu, mais seulement réviser pour l’avenir les précédentes décisions prises par une autorité incompétente (le président du conseil général) ;
    Mais considérant en outre, préalablement et en toute hypothèse, qu’aux termes de l’article 2 du décret no 77-1547, alors non codifié, du 31 décembre 1977, « si le pensionnaire ne s’acquitte pas de sa contribution pendant deux mois consécutifs, l’établissement est fondé sans préjudice des recours de droit commun, à réclamer le paiement direct à son profit de l’allocation aux adultes handicapés à charge pour lui de reverser à l’intéressé le minimum de ressources fixé en application de l’article 168 du code de la famille et de l’aide sociale » ; que les « recours de droit commun » sont ceux du gestionnaire de l’établissement à l’encontre de l’hébergé ; qu’il n’appartient pas au président du conseil général de payer à l’établissement le montant total du tarif mais seulement celui de la participation légale de l’aide sociale ; que s’il s’en est néanmoins acquitté à tort, comme en l’espèce, il n’est pas subrogé dans les droits de l’établissement contre l’assisté, mais c’est contre l’établissement et non contre l’assisté qu’il lui appartient de récupérer sa créance, n’étant titulaire d’aucune subrogation légale ou conventionnelle dans les droits de l’établissement vis-à-vis de l’assisté ; qu’il appartient, en conséquence, à l’établissement qui viendrait à rembourser la créance de l’administration de recouvrer, si son gestionnaire s’y croit fondé, auprès de l’assisté la créance qu’il n’a pas recouvré en son temps, et dont le président du conseil général l’aurait à tort, comme en l’espèce, couvert ; qu’ainsi en l’espèce, il appartenait en toute hypothèse au président du conseil général de l’Eure de recouvrer sa créance non auprès de M. D... mais de l’organisme gestionnaire du foyer de Quinquempoix auquel il avait à tort, selon ce qu’a cru pouvoir comprendre la présente juridiction, réglé le montant de la participation de l’assisté en sus de la seule participation de l’aide sociale qui était à sa charge ; qu’il appartiendra à l’administration, si elle s’y croit fondée, d’émettre à l’encontre de l’organisme gestionnaire du foyer tel titre de perception rendu exécutoire que de droit à la suite de la présente décision si elle l’estime utile, compte tenu, de l’éventuelle reprise du déficit correspondant (s’il n’est pas ensuite recouvré sur l’assisté) par les tarifs, ce dont il ne sera pas ici préjugé ;
    Considérant ainsi qu’il n’appartenait pas, en tout état de cause, à l’administration de faire prendre par la commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg une décision de « régularisation » des titres de perception rendus exécutoires qu’elle avait précédemment émis à l’encontre de M. D... ; que ce moyen, qui a trait au champ d’application de la loi, et notamment de l’article 9 du décret de 2 septembre 1954 et de l’article 2 du décret no 77-1547 suscités, est d’ordre public et qu’il y a lieu, d’annuler en conséquence les décisions attaquées ;
    Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
    Considérant que l’Etat n’est pas partie dans la présente instance ; qu’il ne saurait être condamné à payer quelque somme que ce soit ;
    Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions dirigées par Mme D... contre le département de l’Eure et de condamner celui-ci à payer à la requérante la somme qu’elle réclame sur le fondement des dispositions susrappelées au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure et la décision commission d’admission à l’aide sociale du Neubourg des 14 septembre 2004 et 19 mars 2004, à l’encontre de M. Michel D... sont annulées.
    Art. 2.  -  Il n’y a lieu à répétition par le département de l’Eure de la somme correspondante aux participations non acquittées par celui-ci au foyer de Quinquempoix (Oise).
    Art. 3.  -  Le département de l’Eure paiera 2 000 euros à Mme D....
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 avril 2006, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 avril 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer