Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation |
Dossier no 050309
M. Christophe B...
Séance du 17 février 2006
Décision lue en séance publique le 3 mars 2006
Vu enregistré au secrétariat de la commission centrale daide sociale le 20 décembre 2004, la requête présentée par le président du conseil général des Hautes-Alpes tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision de la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes en date du 3 septembre 2004, annulant la décision de la commission dadmission à laide sociale de Gap-Est en date du 13 mai 2003, décidant de récupérer 76 236,13 euros à lencontre de M. et Mme B... en leur qualité de donataires de leur fils Christophe et de « reporter cette récupération », sans précision de date en précisant que « le département inscrira une hypothèque sur le bien donné afin de la garantir » ;
Le président du conseil général des Hautes-Alpes demande à la commission centrale daide sociale, en conséquence de lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale, « lexécution de la décision de la commission dadmission à laide sociale du 13 mai 2003 » ; il expose que, conformément à larticle L. 132.8 du code de laction sociale et des familles, il est fondé à récupérer les sommes avancées au profit de Christophe B... contre M. et Mme B..., ses parents donataires ; que les conditions mises à la récupération par la jurisprudence en ce qui concerne le fait générateur de la récupération sont remplies, et que la commission dadmission à laide sociale a fait une exacte application des textes en vigueur (art. L. 132-8 du code de laction sociale et des familles et article 4 du décret du 15 mai 1961) ; que si devant la commission départementale daide sociale M. B... a indiqué que lacte avait été réalisé dans une période difficile de la vie de son fils qui dilapidait ses biens, celui-ci a été placé sous le régime de la curatelle des majeurs le 6 mai 1994, transformé en tutelle ad hoc le 5 janvier 1996, pour la passation de la donation, mais na en aucun cas fait lobjet dun jugement de tutelle complète qui aurait pu être demandé bien avant léventuelle dilapidation des biens ; quainsi lacte de donation ne peut être interprété comme une opération réalisée pour protéger le patrimoine du majeur protégé qui aurait pu lêtre par une mise sous tutelle complète, mais comme une opération destinée à éviter des frais de mutation à M. et Mme B... ; que a fortiori, cet acte est intervenu postérieurement à la décision de la commission dadmission à laide sociale du 2 décembre 1993, qui prévoyait linscription hypothécaire sur le bien immobilier de M. Christophe B..., laquelle devenait sans objet compte tenu de la donation, le département se voyant privé de lexercice de son droit à garantir sa créance ; que cest pour ce motif que la commission centrale daide sociale a décidé, le 30 avril 2001, de rejeter le recours de M. Rolland B... dirigé contre une décision de la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes du 18 juin 1997 ; que, en outre, il ne résulte pas du dossier que la situation financière de M. Rolland B... ne lui permettrait pas de payer la somme réclamée ; quenfin, lors de lachat du bien, M. Christophe B... a contracté un emprunt. Ses parents se sont portés caution et ont réglé chaque mensualité, quils sont aujourdhui divorcés et que seul M. Rolland B... rembourse lemprunt jusquen juillet 2005 ; que, compte tenu que par leffet de la décision de la commission dadmission à laide sociale et de la prise dhypothèque légale du département sur le bien donné, les donataires ont la jouissance du bien jusquau décès du dernier dentre eux, la commission dadmission à laide sociale a fait une appréciation souveraine de lensemble des circonstances de lespèce ;
Vu enregistré le 17 juin 2005, le mémoire de M. Rolland B... indiquant quil adresserait un complément de dossier « au cours des prochains jours » et communiquant « copie de la lettre du notaire résumant parfaitement la situation et copie du jugement de tutelle » ;
Vu la lettre en date du 7 mai 2003, de Me R..., notaire, à laquelle se réfère expressément M. Rolland B... dans son mémoire en défense pour conclure au rejet de la requête ;
Vu enregistré le 26 janvier 2006 le nouveau mémoire en défense présenté pour M. Rolland B... par Me A..., avocat, persistant dans ses précédentes conclusions de rejet de la requête du président du conseil général des Hautes-Alpes par les mêmes moyens que ceux exposés dans la lettre à laquelle M. Rolland B... se réfère dans son précédent mémoire et les moyens que la discussion de savoir sil fallait ou non une mise sous tutelle de M. Christophe B... est hors débat ; que lacquisition du bien immobilier donné avait été faite le 13 juillet 1990 par les époux B... pour protéger M. Christophe B... en acquérant sous son nom une villa à usage dhabitation au Lavandou (Var) au prix de 630 000 F, payé comptant, dont 70 000 F au moyen dun prêt parental à titre davance, 560 000 F par emprunt aux termes dun prêt reçu par Me R... le 10 juillet 1990, remboursable en quinze ans au taux de 10,40 % lan et dont lultime échéance est fixée au 15 juillet 2005 ; quune inscription de privilège de deniers a été prise et de surcroît les époux B... se sont portés caution solidaire de M. Christophe B... envers la banque ; que M. Christophe B... a été admis en « maison daccueil pour enfants handicapés » (sic) depuis le 1er septembre 1993 et, depuis lors, ne dispose pratiquement daucun revenu ; que le prêt a été intégralement remboursé par les époux B... outre la somme de 70 000 F également payée par eux lors de la signature de lacte ; quainsi la propriété de limmeuble par M. Christophe B... antérieurement à ladmission à laide sociale ne pouvait être un motif de récupération de laide à son encontre, et ce dans lhypothèse même de la revente de cet immeuble, la réalisation dun immeuble dont le bénéficiaire à laide sociale est propriétaire lorsque laide a été accordée ne pouvant pas en elle-même constituer un retour à meilleure fortune ; quainsi, si M. Christophe B... avait vendu limmeuble, par exemple à ses parents, aucune récupération naurait été permise ; que dans le cours de lannée 1995, compte tenu du risque de dilapidation, notamment du bien immobilier, les époux B... ont sollicité par requête du 8 décembre 1995 une régularisation de la situation juridique du bien de sorte à le remettre à leur nom, cette régularisation devant se faire par donation de M. Christophe B... aux époux B... ; que par ordonnance du 5 janvier 1996, lautorisation a été donnée par le juge des tutelles et que lacte a été passé en conséquence le 9 avril 1996 ; quun tel transfert de propriété correspondait en réalité à un acte à titre onéreux puisque les époux B... réglaient depuis lorigine pour le compte de leur fils les encours nécessaires à lacquisition initiale ; que dans ces conditions soit lacte correspond à un acte de vente avec paiement du prix par compensation, soit, sil est une donation, il y a lieu den déduire comme de principe les impenses et le travail du donataire et la valeur de la donation est négative ; quainsi aucune récupération nest permise en toute hypothèse ; que cette situation est dautant plus certaine compte tenu des termes de la lettre du président du TGI de Gap du 12 octobre 2005, lequel en est venu à considérer que lacte quil a autorisé nétait pas une donation à titre gratuit mais un acte à titre onéreux ; quen tout état de cause M. Rolland B... et Mme B..., son ex-épouse, ont assumé la charge effective et constante de leur fils handicapé ;
Vu enregistré le 20 février 2006 le mémoire en réplique du président du conseil général des Hautes-Alpes ; le président du conseil général persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ; il expose en outre que les époux B... ont manifesté leur intention libérale en portant leur fils acquéreur du bien tout en finançant intégralement lacquisition et quainsi cet acte est susceptible dune requalification en donation indirecte au profit de M. Christophe B..., et dès lors la considération déventuelles impenses modérant la valeur de la donation ne peut être retenue ; quen tout état de cause M. Rolland B... est le financeur de lacquisition effectuée en 1990 ; or la valeur de limmeuble dès ladmission à laide sociale en 1993 avait vocation à récupération au titre de laide sociale ; que lacte de donation crée une situation dinsolvabilité au regard de la créance départementale, ce qui dans son principe est contestable dans lintérêt de la collectivité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Après avoir entendu à laudience publique du 17 février 2006, Mme Ciavatti, rapporteure, M. Rolland B..., en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sur la régularité de la décision attaquée et létendue du litige ;
Considérant que le dossier soumis à la commission centrale daide sociale susceptible dêtre consulté par les parties comporte le rapport du rapporteur à la commission départementale daide sociale proposant le maintien du report de la récupération décidé par la commission dadmission à laide sociale de Gap-Est ; que la commission départementale daide sociale a annulé la décision de la commission dadmission à laide sociale et décidé ny avoir lieu à récupération ; quen cet état le dossier soumis au juge dappel révèle une méconnaissance du principe général du droit public français simposant en labsence de dispositions législatives contraires à la commission départementale daide sociale comme à toute juridiction administrative du secret du délibéré ; quil y a lieu dannuler la décision attaquée et dévoquer la demande ; que si ladite demande de M. Rolland B... à la commission départementale daide sociale nétait pas motivée et si le premier juge navait pas invité le requérant à y pourvoir avant la clôture de linstruction, M. Rolland B... a produit en appel et que, dès lors, statuant dailleurs par la voie de lévocation, la commission centrale daide sociale peut ne pas linviter à motiver sa demande ;
Considérant quil ressort des pièces versées au dossier que les époux B... étaient divorcés depuis le 9 mai 2003 ; que la commission dadmission à laide sociale de Gap-Est a statué le 13 juin 2003, comme elle devait le faire, à lencontre tant de M. Rolland B... que de Mme B..., ex-épouse B... ; que sa décision a été notifiée aux deux intéressés ; que seul M. Rolland B... a saisi la commission départementale daide sociale et est dailleurs représenté devant la commission centrale daide sociale ; quainsi il ny a pas lieu de statuer sur lentier montant de la récupération, comme lavait fait à tort le premier juge dans sa décision annulée par la présente décision, mais seulement, en ce qui concerne M. Rolland B... et à hauteur de sa part, les ex-époux ne se représentant pas mutuellement dans la présente instance et ayant dailleurs été séparés de biens antérieurement à leur divorce ; quau surplus il résulte du jugement de divorce qui a été produit à la demande de la commission centrale daide sociale que celui-ci a attribué la propriété du bien à M. Rolland B... et a mis à sa charge les intérêts des remboursements restant à courir au titre du prêt souscrit pour lacquisition de lappartement litigieux même si la Caisse dépargne pouvait récupérer contre Mme B... en cas de défaillance de M. Rolland B... qui ne sest pas avérée à la date de la présente décision ; quil appartiendra seulement à Mme B..., si elle sy croit fondée et dans la mesure où la décision de la commission dadmission à laide sociale apparaît en ce qui la concerne définitive, soit de solliciter du département des Hautes-Alpes remise gracieuse de la partie de la créance demeurant en cet état à sa charge, soit de régler avec son ex-époux les conséquences dans lordre de leurs relations civiles de la décision du juge administratif intervenue dans les conditions qui viennent dêtre précisées et, en tant que de besoin, de faire valoir ses droits devant la juridiction compétente :
Au fond ;
Considérant quil ressort des faits seuls énoncés par les parties et des pièces versées au dossier de la commission centrale daide sociale que M. Christophe B..., alors non admis à laide sociale non plus que soumis à mesure de protection, a acheté, le 16 juillet 1990, un pavillon au Lavandou (Var), en réalité semble t-il à Canadel (commune du Rayol), pour 630 000 F ; que cet achat était financé par un prêt des ex-époux B..., ses parents, de 70 000 F, correspondant en réalité à un prêt de la mère de M. Rolland B... en avance sur succession et un prêt bancaire de 560 000 F au titre duquel ils se portaient caution solidaire ; que si la convention annexée au jugement de divorce susrappelé chiffre à 41 183,11 euros lemprunt « dont est redevable la communauté », il nest pas possible en létat du dossier de considérer que ce chiffre infirme le montant global de lemprunt remboursé dabord par les ex-époux B... puis par M. Rolland B... dont fait mention dans son attestation la Caisse dépargne de Gap ; que si, selon les dires de M. Rolland B..., le prêt et la convention avaient été souscris pour « protéger » son fils, il ne peut être tenu comme établi par les pièces du dossier que le prêt et le cautionnement aient été dès alors consentis dans des conditions telles que lintervention des époux B... fut à ce moment constitutive dune donation indirecte dans les rapports entre eux et leur fils (le dossier ne révèle pas la situation de M. Christophe B... à lépoque, notamment quant au point de savoir si dès lorigine, alors quil nétait pas encore admis à laide sociale, son activité ou ses perspectives dactivité professionnelle interdisaient définitivement quil rembourserait le prêt et les parties ne fournissent au juge aucun élément dinformation sur ce point) ; quainsi, largument que paraît tirer le président du conseil général des Hautes-Alpes dans son mémoire, en réplique de lexistence dune telle donation pour en déduire que la donation ultérieure par M. Christophe B... à ses parents postérieurement à ladmission à laide sociale du donateur nest pas opposable à celle-ci, est en tout état de cause inopérant ; que, toutefois, dès lorigine des échéances stipulées des remboursements des deux prêts consentis à M. Christophe B..., celui-ci ne put les honorer et les époux B... furent notamment conduits à le faire en ce qui concerne le prêt de la banque en qualité de caution solidaire ainsi quil ressort des pièces du dossier constitué antérieurement à la lecture de la présente décision ; que ces échéances furent dabord remboursées conjointement par les époux B... puis à compter de décembre 2002, et alors même que le divorce nétait pas encore prononcé « sur le compte de M. Rolland B... » (attestation de la Caisse dépargne en date du 18 octobre 2005) ;
Considérant que, par la suite, M. Christophe B... fut dabord, à compter de novembre 1993, admis à laide sociale à lhébergement des personnes handicapées adultes en foyer dhébergement ; quensuite, en raison de sa prodigalité, il fut placé sous curatelle simple de M. Rolland B... le 6 mai 1994 ;
Considérant que, le 8 décembre 1995, M. B... a demandé au juge des tutelles lautorisation de donation du bien dont son fils était propriétaire dans les conditions de fait susindiquées à ses parents et la nomination dun tuteur ad hoc ; que cette donation avait pour effet de priver le département des Hautes-Alpes de la possibilité de prendre une hypothèque légale (reconnue par la commission départementale daide sociale dans une décision du 18 juin 1997, confirmé par la présente juridiction le 30 novembre 2001, celle-ci relevant expressément toutefois quil ny avait plus lieu à prise dhypothèque (la prise dhypothèque sur un bien donné ne pouvait être une hypothèque légale mais seulement une hypothèque conventionnelle) ; que le juge des tutelles a fait droit à la requête de M. Rolland B... qui exerçait la curatelle simple le 5 janvier 1996, par une ordonnance non motivée se bornant à sapproprier les motifs de la requête sans pour autant en tirer quelque conséquence de droit que ce soit ; que le montant du bien donné a été évalué à 500 000 F sans que le dossier ne permette à nouveau de constater à quelles échéances correspond cette valeur au regard du coût total de lacquisition du bien susrappelé dont il apparaissait que les échéances de remboursement étaient, de toute façon, supportées par les époux B... et continueraient à lêtre ;
Considérant que la donation intervenue le 9 avril 1996 ne comportait elle-même aucune charge ; que, toutefois, la requête au juge des tutelles dont elle est indissociable énonce que le prêt bancaire est « en fait remboursé par » les ex-époux B... « depuis lorigine des remboursements » et que « devant ces circonstances (ceux-ci) en accord avec leur fils Christophe sont convenus de régulariser la situation pour la rétablir dans le sens de la réalité en procédant à une donation par Christophe à ses parents (...) de façon à le décharger entièrement de ses obligations de remboursement pour transmettre ces mêmes obligations à ses parents » ; quune telle motivation faisant référence aux échéances à échoir jusquà la fin du remboursement, échéances dès alors avérées, alors que la situation de M. Christophe B..., infirme moteur cérébral bénéficiant de la carte dinvalidité et admis dorénavant non seulement en centre daide par le travail mais en foyer, et ainsi nayant pour tous revenus que le minimum de revenus garanti ne permettait plus - depuis 1993 - denvisager quil honore ses obligations, alors que, comme il a été dit, la situation à cet égard nest pas révélée par le dossier au moment de lacquisition du bien, caractérise en réalité non une donation mais un acte à titre onéreux ; que, quel que puisse être sur le plan déontologique la pertinence des modalités dintervention de Me R..., qui expose au juge de laide sociale quil a sciemment passé comme donation un acte dont il considérait quil était à lépoque un acte à titre onéreux à seule fin déviter à son client le paiement de droits de mutation, il nappartient pas en tout état de cause à ce juge mais, le cas échéant, aux instances compétentes dapprécier une telle pertinence ; que par ailleurs la lettre versée au dossier établie par le juge des tutelles à la demande de M. Rolland B... le 12 octobre 2005, qui expose que, certes, lacte dont sagit présentait bien en réalité les caractéristiques dun acte à titre onéreux et en tout cas « que cette donation nen constitue pas réellement une dans la rigueur des principes » ( ?) « mais quil sagissait... dans la seule optique de (...) protection des intérêts de M. Christophe B... ayant contracté la fâcheuse habitude, la curatelle simple dont il bénéficiait alors ne constituant pas une protection suffisante à cet égard, de sendetter en sengageant sans retenue, notamment au moyen de chèques sans provision (...) déviter que cet appartement constituant son seul patrimoine soit lobjet de voies dexécution de la part de ses éventuels créanciers et que ce bien que les parents avaient souhaité constituer en garantie pour leur fils contre les aléas de son devenir ne soit ainsi indirectement dilapidé » ne peuvent, alors que, comme il a été dit, lordonnance de ce juge nétait pas motivée autrement que par seule référence à la requête qui lui était présentée, doù il résultait que la donation était bien faite dans lintérêts des époux B... et présentait les caractéristiques dun acte à titre onéreux et que la lettre a été établie a posteriori en interprétant une décision juridictionnelle non motivée pour les besoins de la présente procédure, conduire le juge administratif à considérer que le transfert de propriété résultant de la donation na pas eu lieu, comme il vient dêtre dit, à titre onéreux mais bien à titre gratuit ;
Considérant quil appartient par principe au juge de laide sociale dappliquer lensemble des dispositions législatives, y compris celles du code civil - et donc de les interpréter en tant que de besoin - et dapprécier les faits de la cause au regard desquels il convient de les appliquer, sans que cette interprétation et cette appréciation ne puissent justifier dune question préjudicielle à lautorité judiciaire ; que, en revanche, il ne lui appartient pas de requalifier un acte de donation en acte à titre onéreux dans lhypothèse où linterprétation de cet acte soulève des difficultés sérieuses ;
Considérant néanmoins quen lespèce la requalification litigieuse ne soulève pas de telles difficultés ;
Considérant, en effet, dabord que, comme il a été dit, le juge administratif, nest tenu en lespèce que par lordonnance du juge des tutelles susrappelée et les termes de la requête à laquelle cette ordonnance se réfère et non par linterprétation quen donne ce magistrat dans une lettre ultérieure pour les besoins de la présente instance ; quà cet égard il est difficile de percevoir comme la exposé dans sa requête le président du conseil général des Hautes-Alpes les avantages de lacte pour lassisté dès lors que sil nétait pas intervenu ses parents demeuraient tenus comme caution solidaire et que lui-même demeurait propriétaire du bien jusquà son décès, ce bien étant alors, il est vrai, susceptible - et encore en létat de la législation - dêtre récupéré sur le frère de lassisté ; que, par ailleurs, M. Christophe B... pouvait fort bien être mis sous tutelle, empêchant ainsi toute dilapidation, et la dailleurs été postérieurement à lacte (...) ; quainsi napparaît pas lintérêt de M. Christophe B... à lacte litigieux mais bien, ainsi quil ressort du reste des termes suscités de la requête au juge des tutelles aux fins de nomination dun tuteur ad hoc, lintérêt exclusif et en tout cas essentiel des époux B..., voire de leur autre enfant ;
Considérant toutefois que ces éléments sont sans incidence sur la requalification à laquelle il y a lieu de procéder, qui est une requalification en acte à titre onéreux ;
Considérant quil résulte des éléments ci-dessus énoncés que cette requalification ne soulève pas de difficultés sérieuses de nature à justifier dun renvoi à titre préjudiciel devant lautorité judiciaire ;
Considérant ainsi que M. Rolland B... est fondé à soutenir comme il le fait que la donation constituant en réalité un acte à titre onéreux échappe au champ dapplication de larticle L. 132-8 deuxièmement du code de laction sociale et des familles qui ne concerne que le recours contre le donataire ; que, par ailleurs, alors même que M. Christophe B... avait été admis à laide sociale avant que nintervienne lacte litigieux, cette admission est sans incidence sur les droits du département des Hautes-Alpes, qui paraît soutenir également en lespèce que lacte ne lui serait pas opposable, dès lors que cet acte est intervenu non postérieurement à la décision de récupération, mais antérieurement et, dailleurs, que si M. Christophe B..., qui était propriétaire du bien avant ladmission à laide sociale, en avait conservé la propriété, laide sociale naurait pas été fondée en cas dacte de vente explicite soumis aux droits de mutation correspondants à intenter une action en récupération au titre du retour à meilleure fortune assise sur un bien dont lassisté était, dans cette hypothèse, propriétaire avant ladmission à laide sociale ; quainsi, et alors même que lacte à titre onéreux en réalité intervenu profiterait dabord à lheure actuelle non plus aux parents sur lesquels laction en récupération contre la succession de lassisté ne peut plus être exercée, mais au frère de M. Christophe B..., cette circonstance est par elle-même sans incidence sur lexistence ci-dessus constatée dun acte à titre onéreux échappant au champ dapplication de larticle L. 132-8 deuxièmement du code de laction sociale et des familles ;
Considérant que les incidences de lacte intervenu sur lexistence ou la possibilité dune hypothèque légale prise ou à prendre par le président du conseil général des Hautes-Alpes pour garantir la récupération ultérieure de lavance de laide sociale sont sans conséquences par elles-mêmes sur la qualification de lacte litigieux ;
Considérant que de même la circonstance ci-dessus évoquée dont se prévaut le président du conseil général des Hautes-Alpes que lacte naurait pas été passé dans lintérêt du majeur protégé est en tout état de cause sans incidence dès lors quil est clair quil doit être requalifié en acte à titre onéreux nentrant pas comme tel dans les prévisions de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles en létat des énonciations de la loi ; que, comme il a été dit, cet acte passé après ladmission à laide sociale, mais avant toute action en récupération, alors dailleurs que si M. B... était resté propriétaire du bien il naurait pas non plus été susceptible dêtre recherché au titre du retour à meilleure fortune, est opposable à laide sociale ;
Considérant enfin que la présente décision, à la différence de celle des premiers juges quelle annule, ne statue pas en substituant la mesure gracieuse de la remise à la mesure gracieuse du report de la récupération, mais bien sur la légalité même de lacte critiqué ; que dans ces conditions le moyen tiré devant la commission centrale daide sociale par le président du conseil général de ce que les ressources de M. Rolland B... lui permettraient de sacquitter de sa créance est en tout état de cause inopérant ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède quil y a lieu de faire droit à la requête de M. Rolland B... à hauteur de sa part dans la donation et de réformer en conséquence la décision de la commission dadmission à laide sociale de Gap-Est ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes du 3 septembre 2004 est annulée.
Art. 2. - Il ny a lieu, à hauteur de sa part dans lacte intitulé donation en date du 9 avril 1996, passé entre M. Christophe B... et les ex-époux B..., ses parents, à récupération des frais daide sociale avancés à M. Christophe B... par le département des Hautes-Alpes à lencontre de M. Rolland B...
Art. 3. - La décision de la commission dadmission à laide sociale de Gap-Est en date du 13 mai 2003 est réformée en ce quelle a de contraire à larticle 2.
Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 17 février 2006, où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mme Ciavatti, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 3 mars 2006.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer