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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Champ d’application du recours en récupération - Donation - Effets
 

Dossier no 051504

M. Michel J... et Mme Monique H...
Contre le président du conseil général de l’Aisne
Séance du 19 avril 2006

Décision lue en séance publique le 27 avril 2006

    Vu enregistrée au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale le 28 février 2005, la requête présentée par Me C..., avocat pour M. Michel J... et Mme Monique H..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne en date du 15 juin 2004, rejetant leur demande dirigée contre une décision du 28 août 2003, de la commission d’admission à l’aide sociale d’Aubenton décidant d’un recours contre le donataire pour avoir récupération des prestations d’allocation compensatrice pour tierce personne versées à M. Robert J... du 1er juillet 1992 au 31 juin 1997, par les moyens que la décision attaquée est dépourvue de toute motivation tout comme celle rendue par la commission d’admission à l’aide sociale d’Aubenton ; que les stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme ont été méconnues et que d’ailleurs la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs l’a été également ; que préalablement à sa demande d’allocation compensatrice pour tierce personne feu M. Robert J... avait interrogé téléphoniquement le service sur les possibilités de recours de l’allocation compensatrice à l’encontre de ses héritiers et fait part à ses interlocuteurs de l’existence de la donation et que par lettre du 22 juin 1992, le service avait indiqué qu’aucun recours en récupération ne serait exercé ; que la donation a été faite par M. et Mme J... ; qu’elle incluait les droits des donataires dans la succession de leur parent et qu’il s’agissait d’une avance sur leur part de succession en l’espèce la nue-propriété de certains immeubles avec au surplus droit de retour ; qu’il n’y a pas de recours en récupération contre la succession lorsque les héritiers sont le conjoint, les enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé, ce qui est le cas en l’espèce ; que l’admission du recours irait à l’encontre de l’esprit qui doit présider à l’attribution des prestations sociales et que la loi relative à l’APA a supprimé tout recours sur succession ou donation ; qu’à titre infiniment subsidiaire il conviendrait de limiter le montant de la récupération compte tenu la participation effective et constante des requérants à la charge de leur père ;
    Vu enregistré le 4 janvier 2006, le mémoire en défense du président du conseil général de l’Aisne tendant au rejet de la requête par le moyen que le délai d’appel de deux mois était expiré le 18 août 2004, et que la requête n’a été formée que le 24 février 2005 ;
    Vu enregistré le 20 janvier 2006, le mémoire en réplique présenté pour les consorts J... persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et le moyen que le président du conseil général de l’Aisne n’apporte pas la preuve de la notification qu’il invoque intervenue selon lui le 18 août 2004 ;
    Vu le 20 mars 2006, le nouveau mémoire présenté pour les consorts J... persistant dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que les pièces produites ne justifient en rien de la réception des pièces litigieuses ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 19 avril 2006, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que le président du conseil général de l’Aisne n’établit pas la date de notification de la décision attaquée aux requérants et que par suite leur requête est recevable quant aux délais ;
    Considérant que la décision « juridictionnelle » attaquée est comme toutes celles de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne soumises à la présente formation, dépourvue de toute motivation ; qu’il y a lieu de l’annuler et d’évoquer la demande ;
    Considérant que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale d’Aubenton du 29 août 2003 est également dépourvue de toute motivation ; qu’une décision décidant d’une récupération inflige une sujétion au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu’il y a lieu d’annuler la décision dont s’agit ;
    Considérant qu’il appartient au juge de plein contentieux de l’aide sociale de statuer sur la légalité et le bien-fondé de la récupération ;
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande devant la commission départementale d’aide sociale ;
    Considérant qu’en précisant antérieurement à la demande d’aide sociale qu’il n’existe aucun recours contre la succession du bénéficiaire décédé, le président du conseil général de l’Aisne n’a pas statué sur le recours contre le donataire, même exercé postérieurement au décès ; que l’absence d’information de l’assisté au moment de sa demande pour ce qui est de ce dernier recours est sans incidence sur la légalité de la récupération ; qu’il appartient aux consorts J..., s’ils s’y croient fondés, de rechercher la responsabilité de l’administration devant le juge administratif de droit commun ;
    Considérant que le montant des sommes récupérées à l’encontre de Mme Monique H... et de M. Michel J... n’est pas supérieur en tout état de cause au quantum de la donation litigieuse afférent aux biens propres de M. Robert J..., l’assisté, et à sa part dans les biens de communauté des époux Robert J... - Paulette N... ; que le moyen tiré de ce que la donation a été faite par M. et Mme J... ne peut être par suite qu’écarté ;
    Considérant que le recours est exercé sur le fondement du deuxièmement (recours contre le donataire) et non du premièrement (recours contre la succession) de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions applicables au seul recours contre la succession (absence d’exercice du recours contre les enfants de l’assisté ou la personne qui en avait la charge effective et constante) sont inopérants ;
    Considérant que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir pour faire échec à la récupération de « l’esprit qui doit prévaloir à l’attribution des prestations sociales » et de l’effet dissuasif du recours dont s’agit sur la détermination des personnes pouvant bénéficier des prestations de la sorte à les solliciter ; qu’est également inopérant le moyen tiré de l’absence de récupération au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie instituée par la loi du 20 juillet 2001 ;
    Considérant enfin que si les consorts J... font état de l’aide effective et constante qu’ils ont apportée à M. Robert J..., ils ne fournissent aucun élément sur leurs revenus et leurs patrimoines à la date de la présente décision ; que les conclusions aux fins de remise ou de modération de la créance ne peuvent être en conséquence qu’écartées ;

Décide

    Art. 1er. - La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Aisne et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale d’Aubanton en dates des 15 juin 2004 et 28 août 2003 sont annulées.
    Art. 2. - Est récupérée la somme de 17 398,73 euros à l’encontre de M. Michel J... d’une part et de Mme Monique H... d’autre part pour le recouvrement des arrérages d’allocation compensatrice pour tierce personne versés de son vivant à M. Robert J... ;
    Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 avril 2006, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 27 avril 2006.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer