Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3420 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES HANDICAPÉES (ASPH) | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées - Placement - Ressources |
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 270715
M. A... Raymond
Séance du 6 mars 2006
Lecture du 15 mai 2006
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrées les 2 août et 2 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés par M. Raymond A... agissant en sa qualité de tuteur de M. Michel A... ; M. Raymond A... demande au Conseil dEtat dannuler la décision du 5 août 2003 de la commission centrale daide sociale en tant que par ladite décision, la commission a fixé le montant de la contribution de M. Michel A... à la prise en charge de ses frais dhébergement à la somme de 7 123,00 F par mois, comprenant lintégralité de laide personnalisée au logement et susceptible dêtre révisée en fonction de lévolution des ressources de lintéressé ; statuant au fond, de fixer à 5 194,80 F soit 791,94 Euro le montant de la participation de M. Michel A... ; de mettre à la charge de lEtat la somme de 1 500,00 Euro à verser à son avocat en application de larticle L. 761-1 du code de justice administrative et de larticle 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi no 69-1161 du 24 décembre 1969 ;
Vu la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi no 2002-2 du 2 janvier 2002 ;
Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 ;
Vu le décret no 77-1548 du 31 décembre 1977 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Martin Hirsch, maître des requêtes ;
- les observations de la SCP P..., G..., avocat de M. Raymond A... et de M. Michel A... et de la SCP P..., D..., avocat du département des Côtes-dArmor ;
- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, commissaire du Gouvernement ;
Considérant quaux termes de larticle 168 du code de la famille et de laide sociale, en vigueur à la date de la décision litigieuse de la commission dadmission à laide sociale dEtables-sur-Mer et dont les dispositions ont été reprises à larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles « (...) Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées dans les établissements de rééducation professionnelles et daide par le travail ainsi que dans les foyers et foyers-logement sont à la charge : 1o à titre principal, de lintéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous dun minimum fixé par décret et par référence à lallocation aux handicapés adultes, différent selon quil travaille ou non, majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères visées à larticle 8 de la loi no 69-1161 du 24 décembre 1969 portant loi de finances pour 1970 ; 2o et, pour le surplus éventuel, de laide sociale (...) » ; que larticle 2 du décret du 31 décembre 1977, pris pour lapplication de ces dispositions et dont les dispositions ont été reprises à larticle D. 344-35 du code de laction sociale et des familles, prévoit que les ressources laissées à la disposition de lintéressé sélèvent au tiers des revenus tirés du travail majoré du dixième des autres revenus, sans que la part laissée à la personne puisse descendre au-dessous de 30 % du montant mensuel de lallocation aux adultes handicapés ; que larticle 3 du même décret, aujourdhui repris à larticle D. 344-36 du même code, prévoit que ce dernier seuil est majoré à hauteur de 20 % de lallocation aux adultes handicapés lorsque lintéressé prend régulièrement à lextérieur de létablissement aux moins cinq repas par semaine ;
Considérant quil est constant quen 1999, année de la demande de renouvellement de laide sociale allouée à M. Michel A..., le montant maximum de lallocation aux adultes handicapés, tel quil résultait des dispositions de larticle D. 821-3 du code de la sécurité sociale, sélevait à 3 540,00 F par mois ; quil suit de là que le montant minimum devant être laissé à la disposition de lintéressé en application des dispositions de larticle 2 du décret du 31 décembre 1977 était de 1 062,00 F ; que, par suite, en jugeant que le montant de ressources laissés à M. Michel A... en application des dispositions de larticle 168 du code de la famille et de laide sociale, soit 993,00 F, excédait de 33,00 F le minimum résultant de larticle 2 du décret du 31 décembre 1977, la commission centrale daide sociale a entaché sa décision dune erreur matérielle ; que cette décision doit, pour ce motif, être annulée en tant quelle a fixé à 7 123,00 F le montant de la contribution de lintéressé ;
Considérant quil y a lieu, pour le Conseil dEtat, de régler, dans cette mesure, laffaire au fond en application des dispositions de larticle L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en premier lieu, quaux termes de larticle 141 du code de la famille et de laide sociale, alors applicable et dont les dispositions ont été reprises à larticle L. 132-1 du code de laction sociale et des familles « Il en sera tenu compte, pour lappréciation des ressources des postulants à laide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu qui sera évaluée dans les conditions fixées par règlement dadministration publique (...) » : que larticle 1er du décret du 2 septembre 1954, pris pour lapplication de ces dispositions, dispose « (...) Pour lévaluation des ressources des postulants, les biens non productifs de revenu, à lexclusion des meubles dusage courant, sont considérés comme procurant un revenu égal à la rente viagère que servirait la caisse nationale dassurances sur la vie contre le versement à capital aliéné, à la date dadmission à laide sociale de lintéressé, dune somme représentant la valeur de ces biens » ; quil résulte de ces dispositions que lensemble des revenus procurés par le placement de capitaux doit être pris en compte pour lappréciation des ressources des postulants à laide sociale, sans quy fassent obstacle ni la circonstance que ces revenus seraient capitalisés et, à ce titre, temporairement indisponibles, ni les dispositions du code des assurances définissant le régime des contrats dassurances sur la vie ;
Considérant, en deuxième lieu, que sil résulte de larticle 168 du code de laction sociale et des familles alors en vigueur que les rentes viagères définies à larticle 8 de la loi no 69-1161 du 24 décembre 1969 portant loi de finances pour 1970 sont intégralement laissées à la disposition des intéressés, ces dispositions sont applicables aux contrats dassurance décès souscrits par des parents au profit de leurs enfants bénéficiaires de laide sociale, et non aux contrats dassurance contractés, comme en lespèce, par un bénéficiaire de laide sociale lui-même ; que si les dispositions de larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles, applicables à la période postérieure à lentrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002 dont elles sont issues, prévoient que les rentes telles que celles résultant des contrats dassurance vie conclu par M. Michel A... sont exclues des ressources prises en compte pour le calcul de la participation de lintéressé, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en compte des revenus procurés par de tels contrats avant le reversement des rentes ;
Considérant, en troisième lieu, quil résulte de linstruction, et quil nest dailleurs pas contesté par le département, que M. Michel A... remplit la condition de prise des repas à lextérieur de létablissement en conséquence de laquelle, en application des dispositions combinées des articles 2 et 3 du décret du 31 décembre 1977, le montant des ressources laissées à la disposition de lintéressé ne peut être inférieur à 50 % de lallocation aux adultes handicapés ;
Considérant, enfin, que les dispositions précitées de larticle 168 du code de laction sociale et des familles imposent de laisser à la disposition de lintéressé au moins le tiers des revenus quil tire de son travail, soit, selon les dires de M. Michel A...non contestés par le département, 527,00 F, et quà ce montant doit être rajouté 10 % des autres revenus, y compris les revenus capitalisés procurés par les contrats dassurance vie contractés par M. Michel A..., soit 467,00 F ; que la somme de ces montants, soit 994,00 F, étant inférieure à 50 % de lallocation aux adultes handicapés, soit 1 770,00 F, ce dernier montant doit être retenu comme celui qui devait être laissé à la disposition de lintéressé ; quil suit de là que la contribution de M. Michel A... à ses frais dhébergement et dentretien à compter du 1er octobre 1999 doit être fixée, en incluant lintégralité de lallocation personnalisée au logement quil perçoit, à 6 348,00 F ;
Considérant que les dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Raymond A..., qui nest pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département des Côtes-dArmor demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; quil y a lieu, dans les circonstance de lespèce, et sous réserve que la SCP Bernard P... et Denis G..., avocat de M. Raymond A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de lEtat, de mettre à la charge du département des Côtes-dArmor, en application de larticle 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement à cette société de la somme de 1 500,00 Euro ;
Décide
Art. 1er. - La décision en date du 5 août 2003 de la commission centrale daide sociale est annulée en tant quelle fixe à 7 123,00 F le montant de la contribution de M. Michel A... à la prise en charge de ses frais dhébergement.
Art. 2. - Les frais dhébergement et dentretien de M. Michel A... au foyer l« Albatros » de Saint-Brieuc seront pris en charge par laide sociale à compter du 1er octobre 1999 sous réserve dune contribution de lintéressé de 6 348,00 F (967,75 Euro) par mois, susceptible dêtre révisée en fonction de lévolution de ses ressources.
Art. 3. - Le département des Côtes-dArmor versera à la SCP Bernard P... et Denis G... une somme de 1 500,00 Euro en application des dispositions du deuxième alinéa de larticle 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ladite société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de lEtat.
Art. 4. - Les conclusions du département des Côtes-dArmor tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Art. 5. - La présente décision sera notifiée, à M. Raymond A...., au département des Côtes-dArmor et au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement.