Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
3330 |
AIDE SOCIALE AUX PERSONNES ÂGÉES (ASPA) | ||
Mots clés : ASPA - Prestation spécifique dépendance (PSD) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 040440
M. G...
Séance du 19 octobre 2005
Décision lue en séance publique le 14 novembre 2005
Vu le recours formé par M. Jean-François G..., le 12 mars 2003, tendant à lannulation dune décision du 20 février 2003 par laquelle la commission départementale daide sociale des Vosges a décidé la récupération sur les donataires bénéficiaires du contrat dassurance vie souscrit par M. René G..., bénéficiaire de la prestation spécifique dépendance en établissement - de la somme de 1 906,68 euros au titre des avances qui lui ont ainsi été versées par le département ;
Le requérant conteste cette décision, soutenant notamment quorphelin de mère à sept ans, il a été élevé par son père qui a travaillé jusquà soixante-sept ans sans rien demander à personne et que par ailleurs, rien ne devrait être demandé à celui-ci en tant quancien réquisitionné pendant la guerre au titre du STO ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire du président du conseil général en date du 9 février 2004, proposant le maintien de la décision ; il soutient que les bénéficiaires des contrats dassurance vie sont des donataires auxquels sont appliquées les dispositions du règlement départemental relatives au recours sur les donataires ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu la lettre en date du 27 avril 2004 du secrétaire général de la commission centrale daide sociale, informant les parties de la possibilité dêtre entendues ;
Après avoir entendu en séance publique Mlle Sauli, rapporteure, en son rapport, et en avoir délibéré hors la présence des parties à lissue de la séance publique ;
Considérant dune part quaux termes des dispositions de larticle L. 132-8, 2o du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés par ladministration (...) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande. » ; quaux termes de larticle 4 du décret 61-495 du 15 mai 1961, « Ces recours sont exercés jusquà concurrence de la valeur des biens donnés (...) dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale. » ;
Considérant dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas, en lui-même, le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de laide judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que M. René G... a bénéficié du 1er mai 1994 au 31 janvier 2000 de lallocation compensatrice pour tierce personne pour un montant de 34 257,84 euros, puis de la prestation spécifique dépendance du 1er février 2000 au 2 février 2001, date de son décès, pour un montant de 2 668,93 euros ; que le 13 décembre 1996, M. René G..., né le 17 décembre 1903, a souscrit un contrat dassurance vie en faveur de ses enfants pour un montant de 9 299,39 euros (61 000,00 francs) et dont le terme était fixé au 17 décembre 2004 ; que le 1er février 2000, M. René G... a souscrit un nouveau contrat assurance vie au profit de ses enfants pour un montant de 22 888,93 euros, soit un total de primes versées au titre des deux contrats de 32 188,32 euros ;
Considérant quen se fondant sur lâge de M. René G... (93 et 97 ans) à la date de souscription des contrats dassurance vie, rapproché de sa durée, ainsi que sur limportance des primes par rapport à ses ressources, et les bénéficiaires désignés, la commission départementale daide sociale des Vosges a fait une exacte appréciation des circonstances de laffaire en estimant que la durée du contrat rendant très probable que le capital assuré serait versé à ses enfants M. René G..., qui est décédé le 2 avril 2001, avait bien fait preuve dune intention libérale à leur égard et que légalement, elle pouvait en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires dune donation ;
Considérant que par la décision attaquée, la commission départementale daide sociale des Vosges a confirmé la décision de la commission dadmission de Remiremont, en date du 19 novembre 2002, de récupérer les sommes avancées à M. René G... par le département sur les donataires conformément aux dispositions de larticle L. 132-8 susvisé ;
Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par larticle L. 132-8 susmentionné ; que le seuil de récupération sur les successions de 46 000,00 euros nest pas opposable en ce qui concerne le recours à lencontre des donataires et que celui-ci est exercé jusquà concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de laide sociale ; quen loccurrence, le département était donc en droit de récupérer les sommes avancées à M. René G... au titre de la prestation spécifique dépendance (2 668,93 euros et de lallocation compensatrice pour tierce personne (34 257,84 euros à concurrence de la valeur de la donation, soit 32 188,32 euros ; que cependant, les dispositions du règlement départemental daide sociale relatives à la récupération sur les donataires des sommes avancées au bénéficiaire dune prestation daide sociale prévoyant dune part, en ce qui concerne la prestation spécifique dépendance, que pour lexercice de ce recours, il est fait masse de la valeur de la succession et de la donation et que la récupération sexerce sur la part excédant 45 734,35 euros et à compter dun seuil de dépenses de 762,25 euros ; que dautre part, en ce qui concerne lallocation compensatrice pour tierce personne, aucun recours en récupération des sommes avancées nest exercé sur les bénéficiaires des contrats dassurance vie lorsque ces bénéficiaires sont les enfants ; que dans ces conditions et eu égard aux moyens quil soulève, le requérant est dautant moins fondé à contester une décision prise en application de dispositions départementales plus favorables et dont leffet pour le département est de réduire sa créance récupérable au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne et de prestation spécifique dépendance - en loccurrence 32 188,93 euros compte tenu de la valeur de la donation - à 1 906,68 euros ; quen conséquence, le recours susvisé doit être rejeté ;
Décide
Art. 1er. - Le recours susvisé est rejeté.
Art. 2. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 19 octobre 2005 où siégeaient M. Seltensperger, président, M. Brossat, assesseur, Mlle Sauli, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 14 novembre 2005.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer