Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Conseil dÉtat statuant au contentieux
Dossier no 262312
Mme L... née R...
Séance du 9 janvier 2006
Lecture du 6 février 2006
Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2003, au secrétariat du contentieux du Conseil dÉtat, présentée pour Mme Jacqueline L... née R... ; Mme L... demande au Conseil dÉtat dannuler la décision du 28 mai 2003, par laquelle la commission centrale daide sociale a rejeté sa demande tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Dordogne du 17 novembre 2000 confirmant la décision de récupération de laide sociale prise à son encontre le 22 juin 2000 par la commission dadmission à laide sociale de Périgueux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu lordonnance no 2000-1249 du 21 décembre 2000, notamment son article 5 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de laide sociale
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Anne Courreges, maître des requêtes ;
- les observations de Me de N..., avocat de Mme L... née R... ;
- les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme R... qui a bénéficié de laide sociale du 1er avril 1993 au 28 novembre 1999, avait souscrit, le 4 octobre 1990, avait souscrit, le 4 octobre 1990, un contrat dassurance vie dont Mme L..., fille de lassurée, était une des bénéficiaires en cas de décès de cette dernière ; quà la suite du décès de Mme R... le 28 novembre 1999, le département de la Dordogne a décidé dexercer une action en récupération de sa créance daide sociale à lencontre de Mme L... regardée comme ayant bénéficié dune donation de sa mère du fait de ce contrat dassurance vie ; que, par une décision en date du 17 novembre 2000, la commission départementale daide sociale de la Dordogne a maintenu laction exercée par le département de la Dordogne ; que cette décision a été confirmée en appel par une décision de la commission centrale daide sociale en date du 28 mai 2003, contre laquelle Mme L... se pourvoit en cassation ;
Sur la composition de la commission centrale daide sociale :
Considérant que si, en application des dispositions du septième alinéa de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale, maintenu alors en vigueur par le I de larticle 5 de lordonnance du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de laction sociale et des familles, un rapporteur, nommé soit parmi les membres du Conseil dÉtat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes, particulièrement compétentes en matière daide ou daction sociale, est chargé de linstruction des dossiers soumis à lexamen de la commission centrale daide sociale, ses attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne lui confèrent pas le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; quainsi, et alors même quil incombe par ailleurs au rapporteur de faire à laudience un exposé des faits consistant en une présentation de laffaire, la participation de celui-ci au délibéré de la commission centrale daide sociale nest pas, par elle-même, de nature à porter atteinte au principe dimpartialité rappelé par les stipulations du premier paragraphe de larticle 6 de la convention européenne de la sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Sur le bien-fondé de la décision :
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, dans leur rédaction applicable à la date de louverture des droits à laide sociale de Mme R..., une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ;
Considérant quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ; que, toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour ladministration de laide sociale de rétablir, sil y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de laide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, dune question préjudicielle ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale est établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, doit être regardé, en réalité, comme sétant dépouillé de manière à la fois actuelle et irrévocable au profit du bénéficiaire à raison du droit de créance détenu sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle interviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant que pour déterminer si le département de la Dordogne était en droit dexercer une action en récupération à lencontre de Mme L... en application des dispositions précitées du b) de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, la commission centrale daide sociale sest fondée sur lâge de la mère de la requérante au moment de la souscription du contrat dassurance vie litigieux ainsi que sur limportance des primes versées par rapport au patrimoine de lintéressée ; quau vu de ces constatations, la commission centrale daide sociale a souverainement estimé, par une décision exempte de dénaturation, que la souscription dun tel contrat procédait dune intention libérale et que la preuve de son caractère rémunératoire en contrepartie des soins prodigués par Mme L... à sa mère nétait pas apportée ; quelle a pu légalement en déduire que Mme L... avait bénéficié dune donation de la part de sa mère ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la commission, qui est compétente pour interpréter les dispositions du code civil et qui, pour établir lintention libérale du souscripteur, na eu à se prononcer que sur des éléments essentiellement factuels ne concernant ni linterprétation ni la validité du contrat litigieux, navait pas à procéder par voie de question préjudicielle, à un renvoi devant les juridictions judiciaires ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que Mme L... nest pas fondée à demander lannulation de la décision en date du 28 mai 2003 par laquelle la commission centrale daide sociale a maintenu laction exercée par le département de la Dordogne pour la récupération dune créance daide sociale ;
Décide
Art. 1er. - La requête de Mme L... est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline L... née R..., au département de la Dordogne et au ministre de la santé et des solidarités.