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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : ASPH - Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Recours en récupération - Donation - Assurance vie
 

Dossier no 040652

Mme C...
Séance du 28 octobre 2005

Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005

    Vu enregistrée le 19 janvier 2004, au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale la requête présentée par M. Maurice-Bernard C..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier du 2 décembre 2003, rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Moulins en date du 28 novembre 2002, récupérant 15 244,80 euros à son encontre à raison de la souscription à son profit d’un contrat d’assurance vie par Mme Alice C... par les moyens que le principe de sécurité juridique reconnu par le droit communautaire a été bafoué ; que lorsqu’elle a statué le 2 décembre 2003, la commission ne pouvait pas ignorer sa précédente décision du 3 juin  2003, d’attendre que l’autorité judiciaire ait statué et le priver sans aucune motivation d’ailleurs du bénéfice de ce sursis à statuer ; que la composition de la commission est contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme étant composée d’au moins un conseiller général M. R... représentant du département, qui ne pouvait être totalement impartial au sens de la convention ; qu’il n’est pas fondé de considérer que le contrat souscrit par sa mère est une donation indirecte ou déguisée justiciable de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ni même un contrat de capitalisation ; que sa mère n’a pas versé l’intégralité de ses disponibilités puisqu’elle n’a versé que 15 244,90 euros alors qu’elle venait de vendre une maison le double ; que sa déclaration de succession révèle qu’elle disposait de plusieurs autres avoirs en banque d’un total de 30 011,65 euros ; qu’on n’est donc pas dans le cadre d’un dépouillement total et irrévocable ; que contrairement à ce que soutient le département le contrat reposait bien sur un aléa tout à fait sérieux puisque la durée de l’adhésion était fixée à dix ans seulement et que sa mère a vécu presque jusqu’au terme ; qu’à l’échéance elle aurait parfaitement pu être encore en vie et bénéficiaire ; qu’elle s’était expressément réservé la possibilité de changer le bénéficiaire ou de racheter son contrat ; qu’il n’avait accepté la stipulation pour autrui, ce que méconnaît la décision attaquée dans sa rédaction ; qu’aucun bénéficiaire n’était du reste précisément désigné au contrat ; qu’il est donc radicalement impossible de considérer que celui-ci constitue une donation de surcroît à son profit ; que pour sa mère il s’agissait d’un placement ordinaire bénéficiant d’avantages fiscaux (pas de fiscalité après huit ans retraits peu taxés) ; qu’il était seul héritier et que sa succession n’était pas taxable en droits de succession ; que les hypothèses de recours de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ne peuvent pas concerner le contrat d’assurance vie qui ne peut être dénaturé par le département en donation indirecte étant soumis aux seules dispositions du code des assurances notamment aux articles L. 132-12 et suivants ; que la définition de l’article 894 du code civil n’est pas applicable, le souscripteur ne se dépouillant aucunement des sommes qu’il assure au titre du contrat conservant hors acceptation du bénéficiaire la possibilité de révocation de celui-ci et la faculté de procéder à des rachats partiels ; que le contrat ne peut être non plus regardé comme un contrat de capitalisation puisqu’il comporte une contre assurance décès qui permet au bénéficiaire de percevoir la valeur de rachat du contrat en cas de décès de l’assuré et qu’il est bien un contrat d’assurance vie soumis aux dispositions du code des assurances la jurisprudence Leroux invoquée n’étant donc pas applicable comme l’établit un arrêt de la cour de cassation datant du 29 décembre 1937 ; que la différence entre assurance vie et capitalisation repose sur l’existence d’un aléa dans le contrat d’assurance vie lequel est bien présent alors que l’incertitude quant au récipiendaire de la prestation suffit à caractériser l’aléa permettant de distinguer le contrat d’assurance du contrat de capitalisation selon la jurisprudence récente ;
    Vu le mémoire en date du 6 janvier 2005, du président du conseil général de l’Allier tendant au rejet de la requête par les motifs que le sursis à statuer avait été décidé parce que le jour de l’audience à 11 heures Me L... avocat du requérant a fait délivrer au président du conseil général une assignation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Moulins et que face à ce procédé cavalier la commission départementale d’aide sociale prise de court a décidé dudit sursis afin que les documents délivrés soient examinés par les parties, puis constatant que la procédure n’avait d’autre but que de lui imposer la décision d’une juridiction civile et qu’aucun élément nouveau n’était produit par l’avocat elle s’est ressaisie du dossier et a statué le 2 décembre 2003 ; qu’il est à noter que par ordonnance d’avril 2004, la juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Moulins a ordonné la radiation administrative de l’affaire ; que contrairement à ce qu’affirme M. Maurice C... les juridictions d’aide sociale sont compétentes pour requalifier les actes et elles doivent en ce qui concerne l’assurance vie démontrer l’intention libérale du souscripteur ; que Mme Alice C... a souscrit à quatre-vingt-sept ans au profit de son fils unique et unique héritier présomptif un contrat de 15 244,90 euros la probabilité de son décès avant celui de son fils étant donc importante et réduisait en conséquence l’aléa ; que par ailleurs il ressort des investigations menées ultérieurement que l’achat du bien du 7, rue Perrault dont l’usufruit était au nom de Mme Alice C... et la nue propriété au nom de son fils ont été réglés par deux chèques tirés sur le Crédit lyonnais compte ouvert sur le Crédit lyonnais qui était approvisionné par les ressources de Mme Alice C... bien qu’il s’agisse d’un compte joint avec son fils ; que la succession a donc été bien organisée puisque les biens sont devenus la propriété de M. Maurice C... au décès de sa mère l’assurance vie échappant à la succession et que comme le dit M. Maurice C... lui-même il n’y a plus qu’un petit actif... ; que M. Maurice C... ayant accepté le bénéfice de l’assurance vie et le contrat ayant été souscrit dans les cinq ans précédant la demande d’aide sociale les conditions définies pour la mise en œuvre du recours contre donataire sont réunies ; que l’acceptation rend la stipulation irrévocable même postérieure à la mort de l’assurée ; que la composition de la commission départementale d’aide sociale est arrêtée par l’article L. 134-6 du code de l’action sociale et des familles et que le fait que M. R... conseiller général soit présent lors de cette commission est tout à fait normal et n’entache pas d’illégalité la décision prise ;
    Vu enregistré le 21 février 2005, le mémoire en réplique de M. Maurice C... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et les moyens que l’assignation devant le tribunal de grande instance concernait également la compagnie d’assurance qui avait manqué à son devoir de conseil vis-à-vis de sa mère ; qui si le tribunal de grande instance a ordonné la radiation de l’affaire c’est au vu de l’accord des parties compte tenu de la procédure administrative en cours cette radiation ne préjugeant donc en rien de l’issue du litige ; qu’au demeurant les explications du département confirment bien que la décision de la commission de revenir sur sa décision de sursis à statuer a été prise ab irato ce qui est contraire au principe de sécurité juridique ; qu’il n’est pas exact d’affirmer que sa mère a souscrit à son profit de fils unique et unique héritier un contrat de 15 244,90 euros ; que le contrat était parfaitement aléatoire sa mère n’ayant que quatre-vingt-sept ans et qu’à peu de choseS près il aurait pu aller à son terme ; que la succession de sa mère n’a pas été organisée loin de là ; que si tel avait été le cas elle n’aurait pas souscrit ce contrat puisque étant son fils unique et sa succession modeste le département n’aurait eu aucun recours ce qui est la preuve que rien n’a été organisé du tout et que l’administration ne prouve aucunement l’intention libérale comme elle en a la charge ; que le contrat a rapporté environ 50 % ; la fiscalité sur les revenus et les retraites était moindre que sur tout autre placement bancaire, que le caractère aléatoire du contrat d’assurance vie a été réaffirmé récemment par la cour de cassation dans ses arrêts du 23 novembre 2004, qu’en l’espèce il n’y a aucune disproportion entre l’importance du patrimoine et le montant de la prime de sorte que celle-ci n’était nullement exagérée eu égard aux facultés de sa mère comme par rapport à son âge à l’époque de la souscription ; que la composition de la commission départementale d’aide sociale est irrégulière au regard de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévaut sur la loi ;
    Vu enregistré le 21 juillet 2005, le nouveau mémoire de M. Maurice C... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 28 octobre 2005, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de M. Maurice C... ;
    Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que la rapporteure de la commission départementale d’aide sociale était un agent de la direction du département de l’Allier en charge de l’aide sociale qui au surplus avait rapporté le dossier auprès de la commission d’admission à l’aide sociale et était en charge de l’instruction du dossier (cf. par exemple lettre du 8 mars 2002, au notaire instrumentaire) ; que le principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions administratives a été méconnu, qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Sur la demande présentée à la commission départementale d’aide sociale de l’Allier ;
    Considérant qu’ainsi que le fait valoir M. Maurice C... et qu’il n’est d’ailleurs nullement contesté par le président du conseil général de l’Allier le contrat d’assurance vie décès de par l’aléa qu’il comporte n’est pas un contrat de capitalisation ; qu’il appartient toutefois au juge de l’aide sociale compétent pour connaître de l’action en récupération de l’administration de requalifier le contrat en donation indirecte, sous réserve de renvoyer les parties à se pourvoir devant l’autorité judiciaire en cas de difficultés sérieuse, si l’administration établit que les conditions de sa souscription révèlent l’intention libérale du souscripteur et ainsi l’existence d’une donation indirecte au profit du bénéficiaire de second rang ; qu’en l’espèce, la probabilité que le contrat souscrit pour dix ans à près de quatre-vingt-sept ans par Mme Alice C... eut du, même si elle a vécu neuf ans après la souscription, se dénouer à son profit et ne pas bénéficier à son fils était très limitée ; que si le montant de la prime était inférieur aux actifs mobiliers - seuls actifs de sa succession lors de son décès en 2002 et qu’au moment de la souscription elle n’y avait affecté qu’environ la moitié du montant de la vente d’un immeuble lui appartenant quelques mois auparavant, la souscription du contrat avait pour effet de permettre l’exonération du droit de succession de la partie des actifs de Mme Alice C... supérieurs au seuil d’imposition et que quelques mois auparavant Mme Alice C... et son fils avaient acquis un immeuble pour le prix global de 160 000,00 francs, la nue propriété ayant été acquise par M. M C... alors qu’il n’est pas contesté en réplique, le requérant s’abstenant de produire tout élément sur les indications données par le président du conseil général sur ce point, que la souscription avait été faite moyennant l’utilisation des sommes provenant d’un compte joint en provenance uniquement des revenus de Mme Alice C... dont d’ailleurs les arrérages d’allocation compensatrice ; que si bien entendu il n’appartient pas au juge de l’aide sociale d’apprécier les caractères et les conséquences fiscaux de l’acquisition à laquelle il a été procédé et si ce n’est pas ce contrat qui fait l’objet du présent recours en récupération contre le donataire, l’administration n’en est pas moins fondée à s’en prévaloir au nombre des éléments par lesquels elle entend établir l’intention libérale de la souscriptrice dans le cadre du présent litige et n’en doit pas moins être regardée dans l’ensemble des circonstances de fait susrappelées comme établissant clairement l’intention libérale de Mme Alice C... lors de la souscription du contrat litigieux à l’égard de son fils, quel que puisse être le caractère stéréotypé de la clause de désignation du bénéficiaire qui en réalité ne pouvait que s’appliquer au profit du requérant ;
    Considérant que l’acceptation par le bénéficiaire de second rang du capital promis par le promettant après le décès du stipulant rétroagit à la date de la signature du contrat et que la circonstance que M. Maurice C... n’avait pas accepté le contrat du vivant de sa mère celle-ci pouvant ainsi à tout moment désigner un autre bénéficiaire et pouvant par ailleurs, procéder à des retraits partiels n’empêche pas le juge de plein contentieux de l’aide sociale de constater que tel n’a pas été effectivement le cas, le changement de bénéficiaire dont s’agit apparaissant d’ailleurs, en tout état de cause, fort peu probable lors de la souscription du contrat même si la désignation du requérant n’avait pas été formellement acceptée par celui-ci ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. Maurice C... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Allier doit être rejetée ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Allier en date du 2 décembre 2003, est annulée.
    Art. 2.  -  La demande de M. Maurice C... devant la commission départementale d’aide sociale de l’Allier est rejetée.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 28 octobre 2005, où siégeaient M. Levy, président, M. Peronnet, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer