Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2220 |
DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE | ||
Mots clés : Domicile de secours - Service - Aide sociale facultative |
Dossier no 042254
Conseil général Gironde/Conseil général Haute-Garonne
Séance du 27 octobre 2005
Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005
Vu enregistrée le 23 août 2004, au secrétariat de la commission centrale daide sociale la requête du président du conseil général de la Gironde tendant à ce que le domicile de secours de M. Nicolas B... pour la prise en charge des frais de son accueil au service daccueil temporaire du GIHP à Bordeaux soit fixé dans le département de la Haute-Garonne par les moyens quavant son accident M. Nicolas B... résidait à Toulouse où il travaillait et est toujours locataire ; quil se fonde sur cette base et sur le dernier alinéa de larticle L. 122-3 du code de laction sociale et des familles pour contester la compétence de son département ; quen effet laccident et les hospitalisations qui en découlent et la proximité entre le domicile des parents et létablissement qui a assuré laccueil de jour pendant dix mois constituent des circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour de lintéressé dont le retour en Haute-Garonne ne semble vraisemblablement possible quaprès le séjour au service daccueil temporaire ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 6 septembre 2004, tendant au rejet de la requête par les moyens que M. Nicolas B... a acquis son domicile de secours en Gironde le 16 septembre 2003, du fait de sa présence au domicile de ses parents depuis le 16 juin 2003 ; que les circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour doivent sentendre comme des circonstances extérieures à la personne même du bénéficiaire de laide sociale et ne sauraient par suite résulter de la seule situation de dépendance physique et psychique de lintéressé ;
Vu enregistré le 19 juillet 2005, le mémoire en réplique du président du conseil général de la Gironde persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la Santé publique ;
Après avoir entendu à laudience publique du 27 octobre 2005, Mlle Erdmann, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les dispositions des articles L. 122-1 sq du code de laction sociale et des familles relatives à limputation financière des dépenses daide sociale ne sappliquent quaux dépenses daide sociale légale et non aux prestations daide sociale facultative créées à leur propre initiative par les départements dans le cadre de règlement départemental daide sociale et/ou dune convention à valeur réglementaire passée avec le gestionnaire dune structure de prise en charge ;
Considérant que selon larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles laide sociale légale nintervient au titre de la prise en charge de frais supportés par les adultes handicapés que pour autant que soient supportées des dépenses dhébergement et dentretien ; quavant comme après lentrée en vigueur des dispositions des articles L. 312-1 et L. 313-1 du code de laction sociale et des familles dans leur rédaction issue de la loi du 2 janvier 2002, laide sociale légale nintervient pas pour le financement de services dont la tarification ne comporte pas de frais dhébergement et dentretien ; quainsi avant comme après cette entrée en vigueur lintervention dun service de la sorte ne saurait conférer, à la convention passée au titre de laide sociale par le département qui a autorisé la structure conventionnée, le caractère dune convention de prise en charge de frais daide sociale légale (I.E. Régis par les dispositions législatives et réglementaires du code de laction sociale et des familles et non par le seul règlement départemental daide sociale et/ou une convention) ;
Considérant que laccueil dans la « section occupationnelle » du « service daccueil temporaire » géré à Mérignac par le GIHP - dont les frais sont en litige - ne comporte de prise en charge au titre de lintervention de laide sociale daucune dépense dhébergement ou dentretien (cf. not. document de présentation du service page 7) de la nature de celles financées au titre de larticle 168 du code de la famille et de laide sociale devenu L. 344-5 du code de laction sociale et des familles ; que lassisté est dispensé de toute participation quels que soient ses revenus par délibération du conseil général de la Gironde ; quil sacquitte lui-même de lensemble de ses dépenses de loyer et de vie courante, laide sociale nintervenant que pour le financement des frais correspondant à lintervention dun service daccompagnement à la vie sociale renforcée, compte tenu de la nature « intermédiaire » entre structure protégée et structure « ordinaire » de la prise en charge ;
Considérant que sagissant de modalités de prise en charge identiques ou comparables la présente juridiction qui a rendu de nombreuses décisions depuis six ans environ et a fixé sa position en 2002, (cf. notamment Drôme/Vaucluse du 28 octobre 2002, aux CJAS 2003/03 page 27) considère dabord que les litiges relatifs à de telles prises en charge relevant de laide sociale facultative nen demeurent pas moins dans le domaine de laide sociale à lhébergement et à laccueil des adultes handicapés de la compétence du juge de laide sociale en raison de létroite imbrication entre prestations daide sociale légale et prestations daide sociale facultative et des difficultés pratiques considérables quil y aurait à scinder les litiges des deux catégories en en attribuant la connaissance à deux juridictions différentes ; que les dispositions législatives et réglementaires relatives tant à ladmission à laide sociale quà limputation financière des dépenses par détermination dun domicile de secours ne peuvent trouver application dès lors quun département versant une aide sociale facultative ne saurait en imposer la prise en charge à un autre département en labsence de convention le liant à celui-ci ; enfin, quen matière daide sociale facultative la dépense est imputable au département signataire de la convention en toute hypothèse pour les personnes résidant, comme en lespèce, sur son territoire à la date de la demande daide sociale, sous réserve de ce que les dispositions du règlement départemental daide sociale ne méconnaissent pas le principe dégalité devant le service public lorsque lassisté réside dans un autre département ce qui nest pas le cas de lespèce ;
Considérant quil résulte de linstruction quen 2004, au moment de la demande daide sociale pour la prise en charge des frais dans la section occupationnelle du service daccueil temporaire de Mérignac, M. Nicolas B... résidait en Gironde chez ses parents, étant en réadaptation fonctionnelle en externat depuis le 16 juin 2003, dans le centre où il avait dabord été hospitalisé, pris en charge à plein temps du 2 juillet 2002, au 13 juin 2003 ; quune telle résidence, alors même que M. Nicolas B... conservait en location son appartement de Toulouse où il résidait et travaillait, avant laccident, dans la perspective essentiellement « thérapeutique » dun retour à sa résidence antérieure après sa réadaptation, comportait un caractère de permanence et de stabilité de la nature de ceux caractérisant au moment de la demande une résidence stable et régulière en Gironde ; que dès lors que, comme il a été rappelé, le département de la Gironde ne pouvait en tout état de cause imposer en labsence de convention au département de la Haute-Garonne la prise en charge de frais afférents à une forme daide sociale facultative créée et/ou financée de sa propre initiative, lesdits frais sont à la charge du département de la Gironde ;
Considérant quil ressort du dossier que si la décision de la COTOREP prévoit une orientation à compter du 19 mai 2004, pour compter de la date dentrée dans létablissement, M. Nicolas B... na été admis dans la section occupationnelle du service daccueil temporaire de Mérignac que pour compter du 23 août 2004 ;
Considérant cependant que les parties ne situent pas le litige dans le cadre qui est celui de la jurisprudence de la présente juridiction ; quelles considèrent lune et lautre que les dispositions législatives relatives au domicile de secours sappliquent en lespèce ; que ni sur la compétence du juge de laide sociale ni sur léligibilité de lintervention dont il sagit à laide sociale légale le Conseil dEtat na eu loccasion de se prononcer depuis que la présente juridiction a constitué sa jurisprudence, nayant pas été saisi par une collectivité daide sociale, nonobstant la difficulté à traiter de tels litiges tant que le législateur et le pouvoir réglementaire nauront pas adapté la législation et la réglementation applicables à lévolution des formes de prise en charge depuis trente ans, la loi du 30 juin 1975, ayant été élaborée pour des foyers « traditionnels » et non des structures de la nature de celle constituée par le service daccueil temporaire de Mérignac ; quau demeurant le GIHP gestionnaire de la structure est conscient des difficultés juridiques de la situation actuelle nonobstant lautorisation donnée à un « service » (et non un établissement) en 1983, puisque dès le 13 février 1989, il indiquait (cf. dossier de presse joint à la brochure de présentation du service au dossier) « ce que nous faisons nest pas prévu par la loi... le GIHP nest donc pas hors la loi mais sans doute un peu en avance sur la loi »..., force étant de relever que nonobstant les fréquents rappels de la précarité de cette situation par la présente juridiction le législateur et le gouvernement nont pas adapté à lheure actuelle les textes en vigueur à lévolution des formes de prise en charge depuis trente ans et seize ans neuf mois ; que dans ces conditions il paraît utile de relever que si le litige eut du être considéré comme relevant de laide sociale légale la solution quil y aurait eu lieu de lui apporter aurait été selon la présente juridiction la même ;
Considérant en effet, que M. Nicolas B... résidait à Toulouse Haute-Garonne où il travaillait lorsquil a été victime à dix-neuf ans dun accident qui a occasionné un traumatisme crânien ; quaprès avoir été hospitalisé en court séjour au centre hospitalier universitaire de Bordeaux il a été accueilli au centre de rééducation fonctionnelle de la Tour de Gassies (33) qui est un « établissement assurant avec ou sans hébergement des soins de suite ou de réadaptation » au sens du premièrement de larticle L. 6111-2 du code de la santé publique dabord en hospitalisation complète puis du 16 juin 2003 au 6 mai 2004, en hospitalisation de jour avec retour quotidien au domicile de ses parents au Pian Médoc (Gironde) puis du 7 mai 2004 au 23 août 2004, au dit domicile en attendant son admission au service daccueil temporaire, que le gestionnaire avait, avec une prudence dont lexpérience de la présente juridiction permet de confirmer le bien fondé, retardé jusquà lintervention dune décision dadmission à laide sociale dans le département de la Gironde lequel a admis provisoirement M. Nicolas B... jusquà décision de la présente juridiction sur la charge des frais ;
Considérant que le litige porte sur lapplication de larticle L. 122-3 dernier alinéa aux termes duquel « si labsence résulte de circonstances excluant toute liberté de choix du lieu de séjour ou dun traitement dans un établissement de santé situé hors du département où réside habituellement le bénéficiaire de laide sociale le délai de trois mois ne commence à courir que le jour où ces circonstances nexistent plus » ;
Considérant dabord, que pour soutenir quen application de ces dispositions la charge des frais est au département de la Haute-Garonne le président du conseil général de la Gironde soulève deux moyens qui doivent être lun et lautre écartés ; que dune part la circonstance que M. Nicolas B... ait, dans la perspective essentiellement « thérapeutique » susrappelée conservé en location son appartement de Toulouse dans lattente de lissue de sa réadaptation nest pas de nature à faire échec aux effets de sa résidence durant plus de trois mois dans le département de la Gironde et de son absence de plus de trois mois du département de la Haute-Garonne si la résidence en Gironde est effective hors établissement dhébergement ; que dautre part les circonstances qui ont motivé labsence de M. Nicolas B... du département de la Haute-Garonne et son admission au CHU de Bordeaux et au CRF de la tour de Gassies puis sa résidence chez ses parents dans lattente de son admission au service daccueil temporaire de Mérignac ne peuvent être regardées comme des circonstances ne résultant pas de sa seule situation de dépendance et ne constituent pas dès lors des circonstances extérieures à sa personne seules susceptibles de faire relever son absence du département de la Haute-Garonne des dispositions du dernier alinéa de larticle L. 123-2 ;
Considérant ensuite quen admettant même que le traitement dans un établissement de santé faisant obstacle à la perte du domicile de secours dans le département de résidence et à lacquisition de ce domicile dans le département de traitement soit un traitement non seulement en hospitalisation complète mais aussi comme du 16 juin 2003 au 1er mai 2004, en hospitalisation de jour, il est en tout état de cause constant que du 7 mai 2004 au 23 août 2004, soit plus de trois mois, M. Nicolas B... a résidé déjà en Gironde au domicile de ses parents ; que de même (cf. Conseil dEtat 25 mars 1998, Côte-dOr contre Gironde) quun séjour temporaire dans sa famille en fréquentant un centre daide par le travail en attente de ladmission dans un foyer nempêche pas, après plus de trois mois dune telle situation dacquérir le domicile de secours dans le département de la résidence en famille, de même le séjour durant plus de trois mois de M. Nicolas B... chez ses parents dans le département de la Gironde après sortie du centre de rééducation fonctionnelle et en attente dadmission au service daccueil temporaire après décision dadmission « provisoire » à laide sociale dans lattente de la présente décision a fait en tout état de cause, acquérir, nonobstant son caractère transitoire, de par la résidence ininterrompue de plus de trois mois hors établissement sanitaire ou social dans le département de la Gironde à M. Nicolas B... son domicile de secours dans ledit département et quainsi la solution du litige ne serait pas différente si contrairement à la jurisprudence de la présente section de la commission centrale daide sociale non encore soumise à lexamen du Conseil dEtat les dispositions du code de laction sociale et des familles relatives à limputation financière des dépenses daide sociale légale devaient trouver application en lespèce ;
Considérant dans ces conditions que la charge des frais exposée par laide sociale pour la prise en charge de M. Nicolas B... au service daccueil temporaire de Mérignac du 23 mai 2004 au 22 août 2005, incombe au département de la Gironde ;
Décide
Art. 1er. - La charge des frais daide sociale exposée pour la prise en charge de M. Nicolas B... au SAT de Mérignac du 23 mai 2004 au 22 août 2005, est au département de la Gironde ;
Art. 2. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé des solidarités à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 octobre 2005, où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseure, Mlle Erdmann, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 4 novembre 2005.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, de la cohésion sociale et du logement, au ministre de la santé et des solidarités, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à lexécution de la présente décision.
Le président La rapporteure
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer