Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance-vie
 

Dossier no 032136

PCG Dordogne (24)
Séance du 2 mai 2005

Décision lue en séance publique le 12 mai 2005

    Vu le recours formé par le président du conseil général de la Dordogne, en date du 12 février 2003, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale en date du 11 décembre 2002, relative à la récupération de la somme de 50 286,18 euros, au titre du versement de l’allocation compensatrice pour la période du 1er octobre 1980 au 30 novembre 2001, dans le cadre du recours contre les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie ;
    Le requérant soutient que la requalification en donation indirecte est du domaine des juridictions d’aide sociale en l’absence d’une difficulté sérieuse d’interprétation ; que la preuve de l’intention libérale - donc de la qualification de donation indirecte des contrats d’assurance-vie - de Mme Andrée R... peut être apportée en raison des circonstances qui ont entouré leur souscription (rédaction d’un testament, désignation des bénéficiaires comme légataires à titre universel de la quotité disponible, dons manuels) qu’en conséquence, il demande de confirmer le recours contre donataire ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en réplique de Mme Martine R... épouse D..., en date du 17 février 2004, transmis au requérant par courrier en date du 26 octobre 2004, et celui de M. Michel R... en date du 5 mars 2004, qui soutiennent que la désignation d’un bénéficiaire dans le cadre de l’assurance-vie est légale, que le conseil général s’immisce à tort dans le règlement d’une succession qui a été réglée définitivement ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code des assurances ;
    Vu la loi no 2005-102 du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
    Vu la lettre en date du 24 janvier 2005, invitant les parties à l’instance à se présenter à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 2 mai 2005, M. Courault, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que dans sa décision PCG de la Dordogne contre Mme H... du 4 avril 2003 déférée au juge de cassation, qui n’a pas encore statué, la présente juridiction a manifesté son souci de ne pas enserrer l’appréciation des juridictions de premier degré de soumettre à l’autorité judiciaire à titre préjudiciel la question de la requalification en donation indirecte d’un contrat assurance vie-décès à des conditions trop rigoureuses et de respecter tant que faire se pouvait leur appréciation du caractère sérieux de la difficulté d’apprécier dans chaque cas d’espèce s’il y avait lieu de procéder à la requalification dont il s’agit ; que toutefois il appartient au juge d’appel de contrôler la régularité des décisions du premier juge et d’infirmer des renvois à titre préjudiciel de questions dont la difficulté ne présenterait pas le caractère sérieux, seul de nature à justifier un tel renvoi ;
    Considérant d’une part, qu’en se bornant après avoir rappelé le montant, d’ailleurs du capital et non des primes, des deux contrats souscrits par Mme R... au bénéfice de deux de ses enfants à constater « qu’un problème de droit se pose pour requalifier le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme Andrée R... en donation indirecte » et en ne précisant pas davantage dans quelle mesure les seuls faits de l’espèce relevés par sa décision impliquaient que se présente à juger un « problème de droit » de la nature de ceux constitutifs d’une difficulté sérieuse justifiant le renvoi à titre préjudiciel à l’autorité judiciaire, la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne a insuffisamment motivé sa décision ; qu’elle a d’ailleurs également, alors que, comme il va être dit ci-après, il était clair qu’en l’espèce le contrat d’assurance-vie-décès souscrit par Mme R... au bénéfice des intimés devait être requalifié en donation indirecte, méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant à l’autorité judiciaire à titre préjudiciel en l’absence de difficulté sérieuse une question qui ne le justifiait pas ;
    Considérant qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée et d’évoquer la demande ;
    Considérant qu’en règle générale l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat est établie s’il apparaît qu’à cette date, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, il s’y dépouille de manière à la fois actuelle et non aléatoire au bénéfice du bénéficiaire de second rang ; que toutefois, il appartient au juge de l’aide sociale de tenir compte eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce d’éléments de nature à établir que la souscription à été essentiellement déterminée par l’intention libérale du stipulant ; qu’alors même que son office n’est pas de rechercher si s’appliquent aux primes versées les règles du rapport à succession et de la réduction par prélèvement sur la réserve héréditaire, il lui appartient pour apprécier si l’intention libérale est avérée de tenir compte outre l’âge et la situation patrimoniale, de la situation familiale du souscripteur ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme R..., décédée le 11 août 2001 à soixante-quatre ans, a souscrit au bénéfice de deux de ses enfants le 20 décembre 1994 et le 25 juin 2001, des contrats qui ont donné lieu après son décès à des versements de capitaux de 16 017,10 Euro et 34 219,08 Euro ; que concomitamment à la souscription du second de ces contrats elle a désigné les mêmes deux enfants comme légataires à titre universel et à titre particulier de la quotité disponible de sa succession et leur a en outre versé respectivement 5 640,61 Euro et 3 048,90 Euro dont les intimés se bornent à alléguer sans aucunement l’établir et même en justifier tant soit peu le caractère de prêt ;
    Considérant dans une telle situation, que si l’âge de la requérante ne corrobore pas l’intention libérale qu’il appartient à l’administration d’établir, il n’est pas allégué qu’au moment de la souscription du second contrat son état de santé ne fût pas de nature à générer des craintes de la nature de celles corroborées par son décès quelques mois plus tard ; qu’il ressort, par ailleurs, du dossier qu’au moment de son décès, les actifs de capitaux mobiliers s’élevaient à 12 500,00 F (1 905,61 euros) ; que par ces éléments qu’elle verse au dossier, qu’elle qu’en puisse être l’origine, l’administration apporte un commencement de preuve substantiel de l’existence d’une intention libérale de la défunte lors de la signature des contrats litigieux à l’égard de ses deux enfants intimés ;
    Considérant que de leur côté ceux-ci n’apportent aucun élément de nature à infirmer les éléments ainsi fournis par l’appelant ; qu’après avoir uniquement soutenu en première instance qu’« en aucun cas ce type de contrat ne peut être considéré comme une donation », ils font valoir en appel que les contrats souscrits étaient « parfaitement légaux », le souscripteur ayant « toute latitude » pour désigner le bénéficiaire ; qu’étaient également « tout à fait légales » leur désignation comme légataires à titre universel et particulier ; qu’ils ajoutent qu’en définitive les deux enfants non gratifiés ont accepté le règlement de la succession, ce qui confirme qu’il n’y a eu « aucune illégalité », ni « aucune libéralité qui n’aurait pas été permise dans le cadre législatif » ;
    Considérant que les circonstances ainsi alléguées sont inopérantes à infirmer les présomptions apportées par l’administration, qui a la charge de la preuve de l’intention libérale de la souscriptrice à l’égard des bénéficiaires ; que la légalité des transferts de valeurs litigieux et de ceux concomitants est sans incidence sur l’existence d’une intention libérale de la souscriptrice ; que si cette intention est établie, elle permet à l’administration sous le contrôle du juge de l’aide sociale de requalifier les contrats en donation indirecte ; qu’en l’espèce elle apporte cette preuve sans que ne s’élèvent de difficultés sérieuses pour l’apprécier ; qu’il y a lieu par suite de faire droit aux conclusions du président du conseil général de la Dordogne en rejetant la demande des consorts Rongier devant la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne ;
    Considérant que le dossier ne permet pas de déterminer le montant des primes versées ; qu’il appartiendra au président du conseil général de le déterminer soit consensuellement, soit à défaut en procédant à la saisine de l’autorité judiciaire pour y pourvoir, si besoin en référé ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Dordogne du 26 février 2003 est annulée.
    Art. 2.  -  Dans la limite des montants des primes versées par Mme R... pour la souscription des contrats Excelius et GMO, il est procédé à la récupération du montant des prestations d’allocation compensatrice qui lui ont été avancées par l’aide sociale à l’encontre, par parts égales conformément à leurs droits, de M. Michel R... et de Mme Martine D...
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 2 mai 2005 où siégeaient M. Levy, président, M. Peronnet, assesseur, M. Courault, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 12 mai 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer