Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Personnes âgées - Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 001976

Mme V...
Séance du 16 décembre 2004

Décision lue en séance publique le 16 mars 2005

    Vu la requête, enregistrée le 24 mai 2000 à la direction départementale des affaires sociales de l’Hérault, présentée par M. Bernard M..., tendant à l’annulation de la décision du 17 février 2000 de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault rejetant le recours qu’il avait formé contre la décision par laquelle la commission d’admission à l’aide sociale du canton de Béziers du 20 octobre 1998 a décidé la récupération partielle à son encontre de la créance d’aide sociale détenue par le département de l’Hérault en tant que donataire de Mme Ernestine V... ;
    Le requérant soutient que l’acquéreur défaillant ne saurait être assimilé ipso facto à un donataire ; que Mme Ernestine V... n’a jamais entretenu d’intention libérale à son égard ; que le délai de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale est forclos ;
    Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête de M. Bernard M... a été communiquée au département de l’Hérault, qui n’a pas produit d’observations ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu les lettres en date du 7 novembre 2000 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 16 décembre 2004, Mme Marion, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme Ernestine V..., née le 25 janvier 1908, a bénéficié de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais de placement en établissement du 1er juillet 1993 au 11 novembre 1996, date de son décès ; que le 6 décembre 1985, Mme Ernestine V... avait vendu un bien immeuble à M. Bernard M..., moyennant le versement d’une rente viagère annuelle ; que depuis le 1er novembre 1992, M. Bernard M... n’assurait plus le versement de cette rente et était redevable au décès de Mme Ernestine V... d’une somme de 54 967,60 F ; que par une décision en date du 20 octobre 1998, la commission d’admission à l’aide sociale du canton de Béziers a prononcé la récupération partielle de la créance d’aide sociale détenue par le département de l’Hérault à l’encontre de M. Bernard M... en qualité de donataire de Mme Ernestine V..., à hauteur de 54 967,60 F ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a confirmé cette décision le 17 février 2000 ;
    Considérant que l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, devenu L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dispose, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 24 janvier 1997, qu’une action en récupération est ouverte au département : « a)  contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; / b)  contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande. / c) contre le légataire » ; que cette énumération revêt un caractère limitatif ;
    Considérant qu’une donation entre vifs qui consiste essentiellement dans l’aliénation gratuite que le disposant fait de tout ou partie de ses biens ou droits au profit d’une autre personne se distingue d’une vente, y compris viagère, contrat conclu à titre onéreux ; que, toutefois, la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l’administration de l’aide sociale de rétablir, s’il y a lieu et sous le contrôle du juge de l’aide sociale et sous réserve d’une question préjudicielle posée au juge judiciaire en cas de difficulté sérieuse, sa nature exacte ; qu’il lui incombe ainsi de constater, le cas échéant, qu’une vente viagère constituerait en réalité une donation déguisée, en raison notamment de conditions très favorables consenties à l’acquéreur de nature à révéler une intention libérale ;
    Considérant que pour rejeter le recours formé par M. Bernard M..., la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault s’est bornée à relever que le non-paiement d’une rente viagère peut être assimilé à une donation en faveur de l’acquéreur défaillant ; qu’il ne résulte toutefois pas de l’instruction que lors de la signature du contrat de vente à caractère viager en 1985, Mme Ernestine V... ait manifesté une intention libérale à l’égard de M. Bernard M... ; qu’il n’est d’ailleurs pas soutenu que le contrat ainsi conclu aurait été caractérisé par une disparité flagrante entre le prix de la vente et le montant de la rente viagère que M. Bernard M... s’engageait à verser ; que la seule circonstance que M. Bernard M... ait cessé de s’acquitter de ses obligations en 1992 ne saurait être regardée par elle-même, et en tout état de cause, comme de nature à caractériser une intention libérale de la part de Mme Ernestine V... ; que par suite, il y a lieu d’annuler la décision la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault, ensemble la décision de la commission cantonale d’admission à l’aide sociale du canton de Béziers autorisant le conseil général de l’Hérault à récupérer à l’encontre de M. Bernard M... sa créance d’aide sociale à hauteur de 54 967,60 F ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault en date du 17 février 2000, ensemble la décision de la commission cantonale d’admission du canton de Béziers du 20 octobre 1998 sont annulées.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 16 décembre 2004 où siégeaient M. Marette, président, M. Brossat, assesseur, Mme Marion, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 16 mars 2005.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
            Le président La rapporteure            

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer