Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 259662
Département de lAllier
Séance du 3 février 2005
Lecture du 14 mars 2005
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 5 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du conseil dEtat, présentés par le département de lAllier, représenté par le président du conseil général régulièrement autorisé par une délibération de la commission permanente du conseil général du 26 septembre 2003 ; le département de lAllier devant le Conseil dEtat :
1o) Dannuler la décision en date du 4 avril 2003 par laquelle la commission centrale daide sociale a annulé la décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 16 janvier 2001 rejetant la demande de Mmes Marcelle F..., Suzanne R... et Solange S... née D... dirigée contre la décision de la commission dadmission à laide sociale de Dompierre-sur-Besbre du 6 juin 2000 décidant la récupération des frais daide sociale avancés à leur mère au titre dune donation réalisée par une assurance vie ;
2o) Statuant au fond, de rejeter lappel formé par Mme F... et autres devant la commission centrale daide sociale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Lafouge, conseiller dEtat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de Mme F... et autres,
- les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant quil appartient au juge dappel de sassurer, alors même que cette question nest pas discutée devant lui, que le juridiction dont la décision est contestée a siégé dans une composition conforme aux dispositions législatives ou réglementaires qui déterminent cette composition, ainsi quaux principes qui gouvernent la mise en uvre de ces dispositions ; que, dès lors, la commission centrale daide sociale na pas commis derreur de droit en soulevant doffice le moyen dordre public tiré de la méconnaissance du principe dimpartialité et dindépendance de la juridiction daide sociale dont la décision lui était soumise ; quen particulier, elle na pas examiné la conformité des dispositions législatives et réglementaires applicables au regard des stipulations de larticle 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales mais a simplement relevé que les principes dindépendance et dimpartialité des juridictions sont rappelés dans cette convention ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions, alors en vigueur, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale (...) » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, dans lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant, toutefois, que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscription vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant que la commission centrale daide sociale, qui na pas commis derreur de droit en se fondant sur les critères rappelés ci-dessus, a estimé souverainement, et sans dénaturer les éléments du dossier, que lintention libérale de Mme D... qui aurait été la sienne à légard de ses enfants en souscrivant un contrat dassurance vie en 1995, nétait pas avérée ; que, dès lors, le département de lAllier nest pas fondé à demander lannulation de la décision du 4 avril 2003 de la commission centrale daide sociale ;
Sur les conclusions de Mmes F..., R... et S... tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant quil y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de faire application des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du département de lAllier la somme globale de 3 000 que demandent Mmes F..., R... et S... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépenses ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que les conclusions présentées par le département sur ce fondement soient accueillies,
Décide
Art. 1er. - La requête du département de lAllier est rejetée.
Art. 2. - Le département de lAllier versera à Mmes F..., R... et S... une somme globale de 3 000 au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative.
Art. 3. - La présente décision sera notifiée au département de lAllier, à Mme Marcelle F..., à Mme Suzanne R..., à Mme Solange S... née D... et au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer