Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Conseil dEtat statuant au contentieux
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 254797
M. R...
Séance du 5 novembre 2004
Lecture du 19 novembre 2004
Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentée par M. Jean R..., demeurant à Vichy (03200), agissant aussi pour le compte de son frère François R..., demeurant à Courbevoie (92400) ; MM. R... demandent au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision en date du 13 novembre 2002 par laquelle la commission centrale daide sociale a rejeté leurs recours tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 5 décembre 2000, confirmant la décision en récupération daide sociale du 16 septembre 1999 prise à leur encontre par la commission daide sociale de Vichy ;
2o Denjoindre au département de lAllier de leur rembourser la somme de 49 664,95 F (7 571,38 euros) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Philippe Lafouge, conseiller dEtat ;
- les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions, alors en vigueur, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale (...) » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132-1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant toutefois que ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération ; que le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quà ce titre, un contrat dassurance vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle interviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant quil ressort des énonciations non contestées de la décision attaquée de la commission centrale daide sociale que Mme R..., qui bénéficiait depuis 1991 de laide sociale de la part du département de lAllier au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne, a souscrit en 1996, alors quelle était âgée de quatre-vingt-neuf ans, deux contrats dassurance vie dune durée de huit années, pour des montants respectifs de 155 120 F (23 647,89 euros), et de 50 000 F (7 622,45 euros) et dont les bénéficiaires étaient la contractante elle-même et, en cas de décès de celle-ci avant le terme, ses deux fils ; quaprès le décès de Mme R... en 1999, ses deux fils ont accepté le bénéfice des assurances vie ;
Considérant quen se fondant sur lâge de Mme R... à la date de souscription des contrats dassurance vie, rapproché de leur durée, ainsi que sur limportance des primes versées par rapport à lactif disponible de lintéressée, la commission centrale daide sociale, qui a souverainement estimé que la durée des contrats rendait très probable que les capitaux assurés seraient versés aux enfants de Mme R..., a pu légalement en déduire que ces derniers devaient être regardés comme les bénéficiaires dune donation ;
Considérant quen jugeant que la circonstance que les enfants de Mme R... auraient aidé financièrement leur mère en lui abandonnant leur part dhéritage sur la succession de leur père décédé en 1977 était, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de laction en récupération, la commission centrale daide sociale na pas commis derreur de droit ;
Considérant, enfin, que laction en récupération engagée par le département de lAllier ne portait pas sur des frais dhébergement et dentretien en établissement mais sur des sommes versées au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne ; que, par suite, la commission na pas davantage commis derreur de droit en écartant lapplication des dispositions de larticle 168 du code de la famille et de laide sociale, reprises à larticle L. 344-5 du code de laction sociale et des familles, excluant dans certains cas le recours en récupération des prestations daide sociale au titre des frais dhébergement dans les établissements pour personnes adultes handicapées ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que MM. R... ne sont pas fondés à demander lannulation de la décision du 13 novembre 2002 par laquelle la commission centrale daide sociale a maintenu laction exercée par le département de lAllier pour la récupération dune créance daide sociale dun montant de 49 664,95 F (7 571,38 euros) ;
Art. 1er. - La requête présentée par MM. R... est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à M. Jean R..., au département de lAllier et au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale.