Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Conseil dEtat statuant au contentieux
Mots clés : Recours en récupération - Donation |
Dossier no 249358
M. R...
Séance du 5 novembre 2004
Lecture du 19 novembre 2004
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 19 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Robert R... ; M. R... demande au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision de la commission centrale daide sociale en date du 23 avril 2002 en tant que, après avoir annulé la décision de la commission départementale daide sociale de lHérault du 18 février 1997, la commission centrale daide sociale a autorisé la récupération de la somme de 7 000 euros à son encontre au titre des sommes avancées par laide sociale à sa mère, Mme Jeanne M... veuve R... ;
2o De mettre à la charge du département de lHérault le versement de la somme de 1 700 euros au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment ses articles 894, 953, et 1134 ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Anne Courrèges, auditeur ;
- les observations de Me Blanc, avocat de M. R... ;
- les conclusions de M. Christophe Devys, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, dune part, quen vertu des dispositions, alors en vigueur, de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, ultérieurement reprises au 2o de larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale (...) » ;
Considérant, dautre part, quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui laccepte » ; que, selon larticle 953 du même code : « La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause dinexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause dingratitude, et pour cause de survenance denfants » ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la mère de M. R... a bénéficié de laide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de services ménagers à son domicile du 21 janvier 1986 au 30 mars 1996 et pour le portage de ses repas du 1er avril 1992 au 30 mars 1994, pour un montant total de 146 832,84 F (22 384,52 euros) ; que, par acte notarié du 24 janvier 1994, elle a fait donation à son fils de divers biens immobiliers à concurrence dune valeur totale évaluée à 88 200 F (13 446 euros) ; que le 13 février 1996, le département de lHérault a fait connaître à M. R... son intention de récupérer auprès de lui, du fait de cette donation, le montant de laide sociale versée à sa mère ; que, par un nouvel acte passé devant notaire le 18 septembre 1996, M. R... et sa mère ont décidé de « révoquer » lacte du 24 janvier 1994, avec effet rétroactif à cette dernière date ; que, par la décision attaquée, la commission centrale daide sociale, après avoir annulé pour irrégularité, par larticle 1er, non contesté, la décision de la commission départementale daide sociale de lHérault en date du 18 février 1997 et évoqué laffaire, a autorisé la récupération dans la limite de la somme de 7 000 euros ;
Considérant que, pour déclarer non opposable lacte authentique signé le 18 septembre 1996 et en déduire que, du fait de la donation consentie le 24 janvier 1994, le département de lHérault était en droit dexercer une action en récupération à légard de M. R..., la commission centrale daide sociale a jugé quen vertu des dispositions précitées de larticle 953 du code civil, une donation qui a été acceptée nest pas révocable, fût-ce dun commun accord, hormis les cas que prévoit cet article ; quen statuant ainsi, alors que ces dispositions ne concernent que la révocation unilatérale par le donateur et ne font pas par elles-mêmes obstacle à une révocation par consentement mutuel, la commission centrale daide sociale a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans quil soit besoin dexaminer lautre moyen du pourvoi, M. R... est fondé à demander lannulation des articles 2 à 4 de la décision de la commission centrale daide sociale en date du 23 avril 2002 ;
Considérant que, dans les circonstances de lespèce, il y a lieu de régler, dans cette mesure, laffaire au fond en application de larticle L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, dune part, quil appartient aux juridictions de laide sociale de se prononcer sur lexistence du droit à récupération dune créance daide sociale en fonction des éléments de droit existant à la date à laquelle la situation de la personne contre laquelle cette action est exercée peut être regardée comme ayant été définitivement constituée ; que, sagissant dun recours exercé contre un donataire, il en est ainsi lorsque les deux conditions de lexistence dune donation et de ladmission du donateur à laide sociale sont réunies, sans que puissent y faire obstacle déventuels actes de disposition accomplis ultérieurement par le donataire ; que, dautre part, il appartient à ces mêmes juridictions, en leur qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction en récupération daprès lensemble des circonstances de fait ont il est justifié par lune et lautre parties à la date de leur propres décision ; quà ce dernier titre, elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération ;
Considérant que, dès lors que Mme R... avait été antérieurement admise au bénéfice de laide sociale, lintervention de lacte de donation du 24 janvier 1994 a ouvert au profit du département de lHérault et à lencontre du donataire le droit à récupération prévu à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale ; quil en est résulté une situation juridiquement constituée, à laquelle les parties à lacte du 18 septembre 1996 nont pu porter atteinte en y insérant une clause de rétroactivité ; que, par suite, le département de lHérault est fondé à soutenir que, contrairement à ce qua estimé la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas, cette collectivité dispose à légard de M. R... dun droit à récupération de sa créance daide sociale ;
Considérant toutefois, quil résulte de linstruction que M. R... a régulièrement contribué aux charges dentretien de sa mère et aux dépenses de réparation de la propriété occupée par celle-ci ; que, dans les circonstances de lespèce, il y a lieu de limiter à 7 000 euros le montant récupérable par le département ;
Considérant, enfin, que les dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de lHérault, qui nest pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. R... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide
Art. 1er. - Les articles 2 à 4 de la décision de la commission centrale daide sociale en date du 23 avril 2002, ainsi que la décision de la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas en date du 3 septembre 1996 sont annulés.
Art. 2. - La somme que le département de lHérault est autorisé à récupérer à lencontre de M. R... est fixée à 7 000 euros.
Art. 3. - Le surplus des conclusions de la requête de M. R... est rejeté.
Art. 4. - La présente décision sera notifiée à M. Robert R..., au département de lHérault et au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale.