Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 032139
Mlle G...
Séance du 25 octobre 2004
Décision lue en séance publique le 4 novembre 2004
Vu ensemble enregistré le 30 décembre 2002, la requête du président du conseil général de la Dordogne et le mémoire ampliatif de ce dernier en date du 24 juillet 2003, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler une décision de la commission départementale daide sociale de la Dordogne en date du 31 octobre 2002, renvoyant à lautorité judiciaire le soin de statuer sur la question posée par la demande de Mme Paule L... dirigée contre la décision de la commission cantonale dadmission à laide sociale de Périgueux-Centre du 13 juin 2002, décidant de la récupération à lencontre de Mme Paule L... de 21 342,86 euros à titre de donataire, par les moyens quen renvoyant pour question préjudicielle à lautorité judiciaire, la commission départementale daide sociale est restée en deçà des limites de sa compétence ; que la méconnaissance de la charge et des modalités dexercice du droit par la décision dont recours est fortement préjudiciable au département ; que Mlle Gilberte G... a délibérement désigné Mme Paule L... comme bénéficiaire écartant six autres cousins ; quà plusieurs reprises, Mme Paule L... relève dans ses correspondances quelle était plus âgée que Mlle Gilberte G... ; quelle précise quelle avait bien mérité de percevoir le montant du contrat dassurance vie nonobstant le principe de gratuité qui sattache aux fonctions de curateur ; que dès lors que la stipulante veut procurer par lintermédiaire dun promettant et leffet du contrat quil conclut avec celui-ci un bénéfice gratuit à un tiers, il y a bien réalisation de la stipulation pour autrui ainsi que les caractéristiques dune donation indirecte sans aléa sérieux ; que lintention libérale est établie ;
Vu enregistré le 10 novembre 2003, le nouveau mémoire du président du conseil général de la Dordogne tendant aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu enregistré le 12 juillet 2003, le mémoire en défense de Mme Paule L... tendant au rejet de la requête par les motifs quon peut sétonner dun appel contre une décision empreinte de bon sens ; quil existait un lien direct entre le promettant et le bénéficiaire et que les sommes versées par le promettant tombent directement dans le patrimoine du bénéficiaire sans transiter par celui du stipulant ; que les créanciers de ce dernier ne peuvent donc pas les saisir ; que cette solution dégagée par la jurisprudence dès le début du siècle est confortée par larticle 132-13 alinéa 2 du code des assurances stipulant que les primes versées par le souscripteur ne sont ni rapportables ni réductibles ; que laide sociale peut exercer un recours sur les sommes versées sil apparaît que leur montant est manifestement excessif au regard des possibilités du souscripteur ; que tel nest pas le cas despèce ; quil ny a pas eu insolvabilité organisée ; que pendant trente-six ans Mme Paule L... sest occupée de Mlle Gilberte G... ; quelle conteste les pièces 15 et 17 fournies par lappelant ; quelle nétait pas présente lors dune enquête diligentée au domicile de Mlle Gilberte G... par le service daide sociale au 4 mai 1995, sa cousine nétant pas sous curatelle à cette époque ; que lactif successoral est de 36 377,28 euros alors que laide nest récupérable que sil est supérieur à 38 112,25 euros ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le décret du 17 décembre 1990 ;
Après avoir entendu à laudience publique du 25 octobre 2004, Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil ressort du dossier quabstraction faite de la participation au délibéré de deux rapporteurs qui serait irrégulière, la décision attaquée na été prise que par quatre membres de la commission départementale daide sociale sans que ne soit réuni le quorum prévu à larticle 8 du décret du 17 décembre 1990 ; que la décision attaquée est ainsi entachée dune irrégularité de nature à en entraîner lannulation et quil y a lieu dévoquer la demande ;
Sans quil soit besoin dexaminer les autres moyens de la demande de Mme Paule L... et de sa défense dappel ;
Considérant quen admettant que toute souscription dun contrat dassurance vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible dêtre appréhendée par laide sociale sur le fondement de larticle 146 b du code de la famille et de laide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans quil soit même besoin dexaminer les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de lappauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être requalifié en donation que si ladministration de laide sociale établit lintention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que lacceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, quau moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
Considérant que la preuve de lintention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être requalifié non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil, « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quaux termes de larticle L. 132-14 du code des assurances « le capital ou la rente garantie au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par larticle L. 132-13, 2e alinéa », selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne sappliquent pas (...) aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins quelles naient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat dassurance vie ne peut être requalifié par le juge de laide sociale en donation que lorsquau regard de lensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation, lintention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à lautorité judiciaire ;
Considérant en lespèce que Mlle Gilberte G... a souscrit le contrat dassurance-vie décès litigieux à lâge de soixante-douze ans en 1993 ; que la bénéficiaire désignée était plus âgée dun an ; que le montant de la prime lors de la souscription du contrat en 1992 est inférieur à celui des capitaux mobiliers faisant partie de lactif brut de la succession au décès de la bénéficiaire le 10 août 2000 (15 979,94 euros et 21 132,38 euros respectivement) ; que la désignation de Mme Paule L..., sa cousine, qui sétait occupée delle depuis une trentaine dannées, plutôt que les autres parents de la stipulante est par elle-même sans incidence sur lintention libérale de Mlle Gilberte G..., alors surtout que les éléments fournis par le président du conseil général conduiraient sil en était autrement à admettre que la donation effectuée à titre rémunératoire était dépourvue dintention libérale ; quaucune disposition noblige lassisté à déclarer à ladministration la souscription de contrats dassurance-vie décès où il désigne un bénéficiaire de second rang ; quen cet état, le président du conseil général de la Dordogne nétablit pas lintention libérale de Mlle Gilberte G... ; que dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Dordogne du 31 octobre 2002 est annulée.
Art. 2. - Il ny a lieu à récupération à lencontre de Mme Paule L... à raison du contrat dassurance-vie décès souscrit le 28 septembre 1993 par Mlle Gilberte G... la désignant comme bénéficiaire.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 25 octobre 2004 où siégeaient M. Lévy, président, M. Nouvel, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 4 novembre 2004.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pouvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer