Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2400 |
OBLIGATION ALIMENTAIRE | ||
Mots clés : Personnes âgées - Placement - Obligation alimentaire |
Dossier no 002211
Mme O...
Séance du 22 juin 2004
Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004
Vu la requête, enregistrée le 25 février 2000 au secrétariat de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de Paris, présentée par M. André O... ; M. André O... demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 10 décembre 1999 par laquelle la commission départementale daide sociale de Paris a confirmé la décision du 11 septembre 1998 de la commission dadmission à laide sociale du 13e arrondissement de Paris autorisant la récupération, sur la succession de Mme Camille O..., sa mère, à concurrence de lactif net successoral, de la créance du département née de ladmission de cette dernière au bénéfice de laide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite de lhôpital Dupuytren, à Draveil (91), pour la période allant du 16 décembre 1992 au 7 septembre 1997, date de son décès ;
2o Dannuler la décision de la commission dadmission à laide sociale du 13e arrondissement de Paris en date du 11 septembre 1998 ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2000, présenté par le président du conseil de Paris siégeant en formation de conseil général, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la circonstance que le requérant sest acquitté de son obligation alimentaire et a pris en charge, à ce titre, une partie des frais dhébergement de sa mère est sans incidence sur le droit du département de récupérer sa créance daide sociale ; que la vente de lappartement quil possédait en copropriété avec sa mère ne grèvera pas son patrimoine personnel ; que le capital qui en résultera pourra être placé ;
Vu les nouvelles observations, enregistrées le 15 juin 2004, présentées par M. André O..., qui reprend les conclusions de sa requête, il soutient, à titre principal, que les dispositions des articles 43-1 de la loi du 30 juin 1975 et 168 du code de la famille et de laide sociale font obstacle à la récupération des prestations daide sociale sur la succession dun bénéficiaire daide sociale handicapé, lorsque les héritiers de ce dernier sont ses enfants ; quen lespèce, Mme Camille O... était, selon les termes mêmes de la décision par laquelle la commission cantonale lavait admise à laide sociale aux personnes âgées, « invalide » ; à titre subsidiaire, que le recours sur succession quentend exercer le département le placerait dans une situation dimpécuniosité ; quil est invalide ; que sa modeste pension dinvalidité ne suffit pas à assurer sa subsistance ; quil a besoin du loyer quil perçoit au titre de lappartement dont il possède les trois huitièmes et dont sa mère possédait les cinq huitièmes restants ; que la vente dudit appartement, quimpliquerait nécessairement lexercice de la récupération, lui serait donc gravement préjudiciable ; quil a toujours contribué financièrement à lentretien de sa mère en sacquittant de son obligation alimentaire ; que le juge de laide sociale dispose dun pouvoir de modération ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu la loi no 75-534 du 30 juin 1975 ;
Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954 portant règlement dadministration publique pour lapplication de lensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953 relatif à la réforme des lois dassistance, modifié par le décret no 61-495 du 15 mai 1961 ;
Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961 modifiant certaines dispositions du code de la famille et de laide sociale, dans sa rédaction issue du décret no 97-426 du 28 avril 1997 ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 22 juin 2004, M. Crepey, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, aujourdhui repris à larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux faits de lespèce : « Des recours sont exercés par le département (...) : 3o Contre le légataire./ En ce qui concerne les prestations daide sociale à domicile, de soins de ville prévus par larticle L. 111-2, la prestation spécifique dépendance et la prise en charge du forfait hospitalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, lexistence dun seuil de dépenses supportées par laide sociale en deçà duquel il nest pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire./ Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; quaux termes de larticle 4 du décret du 15 mai 1961 susvisé, pris pour lapplication de ces dispositions : « Les recours prévus à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale sont exercés, dans tous les cas, dans la limite des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale. (...)/ Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission dadmission saisie par le préfet » ;
Considérant que Mme Camille O... a été admise au bénéfice de laide sociale aux personnes âgées au titre de la prise en charge de ses frais dhébergement à la maison de retraite de lhôpital Dupuytren, à Draveil, pour la période allant du 16 décembre 1992 au 7 septembre 1997, date de son décès ; quil en est résulté, déduction faite du prélèvement légal sur ses ressources de toute nature et de la participation aux frais de lensemble de ses obligés alimentaires, une créance départementale dun montant non contesté de 501 181,92 F (76 404,69 euros ; quà la suite du décès de Mme Camille O..., le département de Paris a entendu exercer le recours sur succession prévu par les dispositions précitées du code de la famille et de laide sociale ; que, par une décision en date du 11 septembre 1998, confirmée le 10 décembre 1999 par la commission départementale daide sociale de Paris, la commission dadmission à laide sociale du 13e arrondissement de Paris a autorisé cette récupération à hauteur de lactif net successoral, dun montant de 460 677,05 F (70 229,76 euros) ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que lunique héritier de Mme Camille O... a participé à la prise en charge de ses frais dhébergement au titre de lobligation alimentaire qui lui incombait, serait-ce volontairement et dans une proportion importante eu égard à son niveau de ressources est, par elle-même, sans incidence sur le droit à récupération ouvert à la collectivité débitrice de laide sociale par les dispositions précitées ;
Considérant, en deuxième lieu, que si larticle 168 du code de la famille et de laide sociale prévoit, dans son cinquième alinéa, que les frais dhébergement des personnes handicapées prises en charge par laide sociale ne peuvent faire lobjet dun recours en récupération sur la succession du bénéficiaire lorsque les héritiers de ce denier sont « son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé », ces dispositions ne trouvent à sappliquer que lorsque la personne handicapée est accueillie dans lun des établissements visés par cet article, cest-à-dire « les foyers de rééducation professionnelle et daide par le travail ainsi que les foyers et foyers logements réservés aux personnes handicapées » ; que la maison de retraite de lhôpital Dupuytren nentre pas dans le champ dapplication de cet article ; que M. André O... ne peut, dès lors et en tout état de cause, utilement invoquer le bénéfice de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, quaux termes de larticle 43 de la loi du 30 juin 1975 dorientation en faveur des personnes handicapées : « Il ny a pas lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé de façon effective et constante la charge du handicapé » ; que ces dispositions ont pour objet, par dérogation aux dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, de limiter lexercice du recours en récupération pour lensemble des dépenses daide sociale exposées au titre du chapitre VI du même code relatif à « laide sociale aux personnes handicapées », issu de larticle 48 de la loi précitée du 30 juin 1975 ; que, cependant, elles ne sétendent pas aux prestations daide sociale versées, dans les conditions du droit commun, notamment dâge et de ressources, en application des autres chapitres du code ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est inopérant dans le cas despèce ;
Considérant toutefois, en quatrième et dernier lieu, quil résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées quil appartient aux juridictions de laide sociale de modérer le montant de la récupération si létat dimpécuniosité, la situation sociale, la santé des intéressés ou dautres circonstances particulières le justifient ; quelles ont en outre la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, den reporter les effets dans le temps ; quil résulte de linstruction, et quil nest pas contesté, que M. André O..., aujourdhui âgé de 73 ans, dispose, pour seules sources régulières de revenus, dune pension dinvalidité de lordre de 4 100 F (625 euros) par mois et du loyer de 3 542 F (540 euros) quil retire de la location dun appartement dont il possède les trois huitièmes, les cinq huitièmes complémentaires étant restés la propriété de sa mère jusquau décès de celle-ci ; que la récupération de la créance daide sociale du département le contraindrait à vendre ledit appartement ; que les revenus quil serait, il est vrai, susceptible de tirer du placement du capital mobilier qui résulterait pour lui de cette vente ne présenteraient ni la même stabilité ni la même importance que les loyers quil perçoit actuellement ; que cette récupération serait ainsi de nature à le plonger dans un état de précarité ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la situation du requérant en reportant la récupération de la créance du département à la date de son décès ; que la décision de la commission départementale daide sociale en date du 10 décembre 1999 doit être réformée en ce sens ;
Décide
Art. 1er. - La récupération des sommes exposées par le département de Paris au titre de laide sociale attribuée à Mme Camille O... est reportée jusquau décès de M. André O..., son fils et unique hériter.
Art. 2. - La décision de la commission départementale de Paris en date du 10 décembre 1999 est réformée en ce quelle a de contraire à la présente décision.
Art. 3. - Le surplus des conclusions de la requête de M. André O... est rejeté.
Art. 4. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 22 juin 2004 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, et M. Crepey, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 16 septembre 2004.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer