Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 032120
Mme B...
Séance du 30 juin 2004
Décision lue en séance publique le 30 juillet 2004
Vu le recours formé par M. et Mme René B..., représentés par Me Thierry G..., avocat, en date du 4 décembre 2000, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 12 septembre 2000 confirmant la décision de la commission dadmission à laide sociale de Saint-Pourçain-sur-Sioule en date du 8 juillet 1999 relative à Mme Germaine-Marcelle P... veuve B... née le 12 février 1921, décédée le 2 décembre 1996, qui a décidé la récupération de la somme de 57 068,81 F, créance daide sociale constituée par le versement de lallocation compensatrice pour tierce personne sur les donataires en raison de leur acceptation du bénéfice des contrats dassurance vie souscrits par Mme Germaine-Marcelle P... veuve B... le 22 juillet 1993 ;
Les requérants soutiennent que les contrats dassurance vie ne sont pas des donations, faute de dessaisissement irrévocable ; que comme les époux B... nont jamais été bénéficiaires acceptant à la souscription du contrat, Mme Germaine-Marcelle P... veuve B... pouvait à tout moment désigner un autre bénéficiaire ou demander le remboursement de tout ou partie de son épargne ; quen conséquence, il ne peut y avoir de recours en récupération à leur encontre ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de lAllier en date du 17 décembre 2002, communiqué aux requérants en date du 12 mars 2004, où il soutient que le fait davoir réalisé des placements au profit de tiers tout en demandant laide de la collectivité pour lobtention dune aide sociale doit permettre la récupération ; que lacceptation post mortem entraîne la rétroactivité des droits du bénéficiaire au jour de la souscription sans que ceux-ci soient passés par le patrimoine du stipulant ; que le fait davoir effectué une donation au profit de son fils qui semble ensuite lavoir totalement ignorée prouve lintention libérale au profit de ses cousins par alliance ; que seuls les contrats souscrits après les 70 ans de Mme Germaine-Marcelle P... veuve B... ont fait lobjet du recours en récupération et que le montant de la récupération est inférieur aux cotisations versées au titre des deux contrats souscrits le 22 juillet 1993 et le 7 avril 1994 ; quen conséquence, il demande le rejet du recours des époux B... ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code des assurances ;
Vu la lettre en date du 12 mars 2004, invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale daide sociale si elles souhaitent être entendues à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 30 juin 2004, M. Courault, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil ressort des mentions de la décision attaquée que le rapporteur était un fonctionnaire de la direction en charge de laide sociale notamment aux handicapés dans le département de lAllier ; que le principe dindépendance et dimpartialité des juridictions administratives a été méconnu ; quil y a lieu dannuler la décision attaquée et dévoquer la demande ;
Considérant quen admettant que toute souscription dun contrat dassurance vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible dêtre appréhendée par laide sociale sur le fondement de larticle 146 b du code de la famille et de laide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans quil soit même besoin dexaminer les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de lappauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être requalifié en donation que si ladministration de laide sociale établit lintention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que lacceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, quau moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
Considérant que la preuve de lintention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être requalifié non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ; quaux termes de larticle L. 132-14 du code des assurances le capital ou la rente garantie au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par larticle L. 132-13, 2e alinéa, selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire ne sappliquent pas... aux sommes versées par le contractant à titre de prime à moins quelles naient été manifestement exagérées au regard de ses facultés ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat dassurance vie ne peut être requalifié par le juge de laide sociale en donation que lorsquau regard de lensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation, lintention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à lautorité judiciaire ; quen conséquence, le seul fait davoir effectué une donation au profit de son fils qui semble ensuite lavoir totalement ignoré ne suffit pas à prouver lintention libérale au profit de ses cousins par alliance, comme largumente le président du conseil général de lAllier dans son mémoire du 17 décembre 2002 ;
Considérant que lacceptation du bénéficiaire peut comme il a été dit ci-dessus intervenir, avec effet de la date de la souscription du contrat, au décès du stipulant ; que par ailleurs sagissant dun recours contre le donataire la circonstance que les requérants ne soient pas légataires de lassistée est inopérante ; que les deux seuls moyens soulevés en première instance et repris en appel par lavocat des requérants sont inopérants ou non fondés ;
Considérant cependant dune part que dans la demande en date du 10 août 1999 à la commission départementale daide sociale les époux B... font eux-mêmes valoir le caractère rémunératoire de la donation ; que le président du conseil général relève lui-même que la donatrice a été lobjet de soins constants des requérants tant quelle demeurait à son domicile ; que ladministration nétablit pas, comme elle en a la charge en faisant valoir que lassistée a voulu « gérer sa succession » au bénéfice de ses cousins « qui se sont occupés delle », que, dans ces circonstances, la donation nait pas présenté un caractère rémunératoire et que lintention libérale de la donatrice puisse être regardée comme avérée ; que dautre part ladministration nétablit pas davantage si elle-même soutient que la situation financière alléguée en première instance par les requérants, retraités, dont rien ne permet de présumer que les ressources sont élevées et/ou la situation patrimoniale aisée naurait pas justifié remise de la créance dans lhypothèse où le moyen précédemment pris en compte serait infondé ; quil y a lieu ainsi pour la commission centrale statuant dans le cadre de lévocation de retenir (le second en tant que de besoin) ces deux moyens de la demande ;
Considérant dailleurs encore, même si le moyen nest pas soulevé, que le juge de plein contentieux de laide sociale peut relever quil nest pas établi quà lâge où elle a souscrit les contrats (72 ou 73 ans) et compte tenu de ses autres revenus et de sa situation patrimoniale Mme B... ait souscrit un contrat qui, eu égard à laléa quil aurait comporté et à labsence dune gestion patrimoniale normale de lintéressée, pourrait être, ainsi que ladministration le demande, requalifié comme donation indirecte ;
Considérant ainsi quen tout état de cause mais à titre principal, en raison de ce que le caractère rémunératoire de la donation recherchée nest pas utilement infirmé par ladministration et les pièces du dossier, que la récupération recherchée nest pas fondée et quil y a lieu dès lors dannuler les décisions attaquées ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 12 septembre 2000, et la décision de la commission dadmission à laide sociale de Saint-Pourçain-sur-Sioule en date du 8 juillet 1999, relative à Mme Germaine-Marcelle P... veuve B... sont annulées.
Art. 2. - Il ny a pas lieu à récupération à lencontre des époux B...
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 30 juin 2004 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Le Meur, assesseure, M. Courault, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 30 juillet 2004.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer