Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 032117
Mme P...
Séance du 30 juin 2004
Décision lue en séance publique le 4 août 2004
Vu le recours formé par Mlle Murielle P... en date du 19 novembre 1999, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 1er juin 1999, notifiée le 21 septembre 1999, confirmant, au motif que lassurance vie est, en lespèce, une donation indirecte, la décision de la commission dadmission à laide sociale du Gannat en date du 8 juillet 1998, relative à Mme Renée B... veuve P... qui décide de la récupération sur le capital versé au titre dun contrat dassurance vie de la somme de 25 858,90 F représentant le versement de lallocation compensatrice du 1er novembre 1994 au 27 février 1997 au motif que lassurance vie est une stipulation pour autrui assimilable à un legs ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de lAllier, en date du 16 juin 2003, communiqué à la requérante en date du 12 mars 2004, qui soutient que le recours de Mlle Murielle P... est parvenu un jour après lexpiration du délai de deux mois ; que lacceptation de Mlle Murielle P..., au décès de sa mère, rend la stipulation à son profit irrévocable, et que la somme versée par Mme Renée B... veuve P... est sensée lui appartenir depuis son versement ; que celle ci a stipulé au profit de tiers alors même que lannée suivante elle sollicitait laide sociale et quenfin le montant de la créance daide sociale est inférieur au montant de la somme versée au titre de lassurance vie ; quen conséquence, il demande de maintenir le recours contre donataire à lencontre de Mme P... ;
Vu le mémoire en réponse de la requérante, en date du 9 avril 2004, communiqué au président du conseil général en date du 20 avril 2004 ;
Le requérant soutient que son recours a été présenté le samedi 20 novembre 1999, que le 21 étant un dimanche, le délai de deux mois était reporté au jour ouvré le plus proche ; que le contrat dassurance vie était utilisé pour compléter laide sociale afin de payer laide à domicile ; que Mme Renée B..., veuve P..., sa mère, avait la possibilité de racheter le contrat qui de ce fait ne pouvait posséder le caractère de dépouillement irrévocable que doit avoir toute donation, que lassurance vie est affranchie des règles de forme et de fond qui régissent les donations, ainsi que les règles du rapport et de la réduction, que la désignation de bénéficiaire nest pas en soi suffisante pour caractériser une libéralité ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code des assurances, notamment les articles L. 132-13 et suivants ;
Vu la lettre en date du 12 mars 2004 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale daide sociale si elles souhaitent être entendues à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 30 juin 2004, M. Courault, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que la décision attaquée a été notifiée le 21 septembre 1999 que la requête a été enregistrée le 22 novembre 1999 soit dans les deux mois prévus à larticle 128 du code de la famille et de laide sociale alors applicable ;
Considérant quen admettant que toute souscription dun contrat dassurance vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible dêtre appréhendée par laide sociale sur le fondement de larticle 146-b du code de la famille et de laide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans quil soit même besoin dexaminer les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de lappauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être requalifié en donation que si ladministration de laide sociale établit lintention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que lacceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, quau moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
Considérant que la preuve de lintention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être requalifié non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil, la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ; quaux termes de larticle L. 132-14 du code des assurances le capital ou la rente garantie au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par larticle L. 132-13, 2e alinéa, selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire ne sappliquent pas (...) aux sommes versées par le contractant à titre de prime à moins quelles naient été manifestement exagérées au regard de ses facultés ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat dassurance vie ne peut être requalifié par le juge de laide sociale en donation que lorsquau regard de lensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation, lintention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à lautorité judiciaire ;
Considérant que la commission départementale daide sociale a requalifié en recours contre le donataire, le recours contre légataire décidé par la commission dadmission à laide sociale ; que cette requalification nest pas contestée quant à la possibilité pour le premier juge dy procéder mais que la requérante conteste que la souscription du contrat litigieux ait constitué une donation indirecte ;
Considérant que la requalification en donation indirecte de lacte neutre constitué par un contrat dassurance vie peut être effectuée alors même que la souscription du contrat na pas été assortie des formalités afférentes à lacte de donation ;
Considérant que la preuve de lintention libérale doit être appréciée en létat de linstruction ; que la circonstance quelle ne pourrait être apportée « de façon irréfragable » évoquée de manière théorique demeure sans incidence sur ladministration de cette preuve ;
Considérant que lacceptation du bénéficiaire après le décès du stipulant rétroagit à la date de signature du contrat ; quainsi la circonstance que du vivant du stipulant le contrat ne présentait pas un caractère irrévocable du fait de la possibilité de rachat est sans incidence à la date de la présente décision ;
Considérant que labsence dinformation de la donatrice et de la donataire lors de ladmission à laide sociale demeure sans incidence sur la légalité et, par elle même, sur le bien fondé de la récupération ; quil nappartient pas à la juridiction daide sociale dapprécier la responsabilité pour faute de ladministration en raison du défaut dinformation évoqué ;
Mais considérant que Mme P... fait valoir devant la commission centrale daide sociale que sa mère a souscrit le contrat dans un but de gestion patrimoniale pour pouvoir bénéficier des intérêts quelle a effectivement perçus et qui ont concouru à lui permettre de supporter les dépenses nécessitées par son maintien à domicile ; quen première instance, dans un mémoire enregistré le jour de laudience mais dont il nest pas allégué que ce fut postérieurement à la clôture de linstruction, le notaire a dailleurs fait valoir que les primes nétaient pas manifestement exagérées par rapport au patrimoine du stipulant ; que la commission départementale daide sociale na pas reporté laudience pour pourvoir à une régularisation de la signature de ce mémoire dont elle devait tenir compte ; quelle na pas répondu au moyen qui doit être considéré comme repris expressément en appel par la requérante elle même, compte tenu de largumentation qui vient dêtre rappelée ;
Considérant quil résulte de linstruction que le contrat litigieux a été souscrit par Mme Renée P... moyennant une prime de 60 000 F en 1993 à lâge de quatre-vingts ans ; que ladministration, qui a la charge de la preuve, nindique pas le montant du patrimoine au décès en 1997 ; que toutefois il résulte de lextrait de la déclaration de succession au dossier que le 28 avril 1997 les trois enfants, héritiers en ligne directe, ont versé à titre dacompte à valoir sur les droits 16 539 F ; que, compte tenu du régime fiscal dont ils bénéficiaient, il apparaît que le patrimoine de lassistée était conséquent ; que les bénéficiaires dun autre contrat souscrit ne sont pas connus ; que, comme il a été dit, Mme Renée P... a perçu les fruits de son placement dont elle avait besoin pour pourvoir aux charges de son âge ; que dans ces conditions ladministration nétablit pas que labsence ou la faiblesse de laléa et/ou le caractère étranger à une gestion patrimoniale normale du contrat souscrit caractérisent lintention libérale de Mme Renée P... à légard de Mme Murielle P... permettant la requalification du contrat litigieux en donation indirecte ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de lAllier en date du 1er juin 1999, et la décision de la commission dadmission à laide sociale de Gannat en date du 8 juillet 1998, sont annulées.
Art. 2. - Il ny a lieu à récupération à lencontre de Mlle Murielle P... des prestations avancées par laide sociale à Mme Renée P...
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 30 juin 2004 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Le Meur, assesseure, M. Courault, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 4 août 2004.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer