Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Report
 

Dossier no 012047

Mme T...
Séance du 1er juillet 2004

Décision lue en séance publique le 2 août 2004

    Vu le recours formé le 26 avril 2001 par Me Xavier G..., SCP Lévy avocats représentant M. André T..., conjoint survivant, Mme Nicole T..., fille de la défunte, épouse G... et, son époux, M. Gérald G..., tendant à l’annulation de la décision du 16 février 2001 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de Paris a confirmé la décision en date du 18 mai 2000 de la commission d’admission à l’aide sociale prononçant la récupération des prestations accordées à Mme Jeanne T..., décédée le 8 septembre 1998, sur sa succession à concurrence de l’actif net successoral, en l’assortissant de modalités particulières appropriées : recouvrement dans l’immédiat des liquidités nettes de la succession et de la moitié de la valeur de la maison sise à Saint-Sulpice-les-Feuilles ; le solde de l’actif restant dû sera recouvré au décès du conjoint survivant ou à la vente du bien immobilier situé 21, avenue Niel, à Paris 17e, sur lequel est pris une hypothèque en garantie de recours ;
    La SCP Lévy Gosselin invoque les moyens suivants :
    L’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale car elle serait entachée d’un vice de procédure pour les motifs suivants : celle-ci violerait le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense, dans la mesure où aucune pièce du département de Paris n’a été communiquée aux requérants ; par ailleurs, la commission départementale d’aide sociale aurait entaché sa décision d’une erreur de droit pour deux motifs : d’une part, l’application de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale n’est soumise à aucun automatisme, les recouvrements éventuels des créances d’aide sociale sur les successions devant être appréciés en équité, au cas par cas ; de ce fait la commission départementale d’aide sociale aurait appliqué l’article 146 susmentionné sans tenir compte des circonstances de fait particulières, et méconnaîtrait ainsi son pouvoir du juge de plein contentieux et, d’autre part, car la récupération des prestations d’aide sociale perçues par l’intéressée ne peut être garantie par une inscription d’hypothèque conformément au dernier alinéa de l’article 146 ;
    L’iniquité d’une récupération des prestations d’aide sociale versées à Mme Jeanne T... par le département de Paris : en effet, l’équité s’oppose à ce que les prestations d’aide sociale dont a bénéficié l’intéressée durant son séjour à l’hôpital Broca puissent être récupérées, alors que les services de cet établissement ont fait preuve, faute de personnel, d’une constante défaillance, situation d’ailleurs établie en fait, et non méconnue des pouvoirs publics, dans les soins apportés à la malade ; les requérants considèrent que ce recours en récupération est d’autant plus inéquitable que la nouvelle législation portant sur l’allocation personnalisée d’autonomie prévoit que les sommes versées au titre de l’APA ne sont pas récupérables sur la succession des bénéficiaires ;
    Les préjudices subis par la famille : la SCP Lévy G... demande que des dommages et intérêts soient alloués par le département de Paris à M. André T... et Mme Nicole G... en réparation des préjudices qu’ils ont subis du fait des défaillances du service public et demande au département de Paris de verser la somme de 1 657 960,48 F assortie des intérêts au taux légal aux requérants. La SCP Lévy G... demande que le département de Paris soit condamné à payer les frais exposés par M. André T... et Mme Nicole G... soit la somme de 30 000 F au titre de la présente instance et non compris dans les dépens, en application de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 20 septembre 2001 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 1er juillet 2004, Mme Mérad, rapporteur, Me Xavier G... de la SCP Lévy en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que Mme Jeanne T... a bénéficié de son vivant de l’aide sociale aux personnes âgées pour son placement en long séjour à l’hôpital Broca pour la période du 6 avril 1989 au 9 septembre 1998, date de son décès, pour un montant de l’ordre de 1 354 289,52 F ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la succession de l’intéressée comprend un actif net successoral d’un montant de 672 989 F composé notamment de liquidités (52 979 F), de la moitié d’un l’appartement sis à Paris 17e (425 000 F), de la moitié de solde du compte de récompense (65 000 F), ainsi que d’une maison sise à Saint-Sulpice-les-Feuilles (130 000 F) ;
    Considérant que le principe du droit contradictoire est un des principes généraux du droit ; que dans ces conditions ces principes s’appliquent aux décisions des juridictions de l’aide sociale ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’aucune pièce relative à l’instruction du recours produite par le département de Paris n’a été communiquée par celui-ci aux requérants comme ces derniers en faisaient la demande par lettre de saisine de la commission départementale d’aide sociale en date du 14 février 2000 ;
    Considérant, toutefois, que l’article 128 alinéa 9 du code de la famille et de l’aide sociale, devenu l’article L. 134-9 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le demandeur (...) est entendu lorsqu’il le souhaite devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale ; qu’en l’espèce les requérants ont bien été invités par lettre en date du 5 janvier 2001 à être entendus par la commission départementale d’aide sociale ; qu’ils pouvaient à cette occasion obtenir communication du dossier constitué auprès de la commission départementale ; qu’ainsi, le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire ne peut être retenu en l’espèce ;
    Considérant que l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles prévoit que des recours sont exercés par le département ou l’Etat a) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire (...) ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 4 du décret no 31-495 du 15 mai 1961 ces recours sont exercés dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (...) que la commission d’admission peut décider de reporter la récupération en tout ou partie au décès du conjoint survivant ;
    Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, et de l’article 4 du décret no 31-495 du 15 mai 1961 qu’il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision ; qu’elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de l’espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en reporter les effets dans le temps ; qu’ainsi en reportant le recouvrement du solde des sommes restant dues au décès du conjoint survivant ou à la vente du bien immobilier situé 21, avenue Niel, à Paris 17e, habité par M. André T..., conjoint survivant, la commission départementale d’aide sociale de Paris a fait une exacte application des textes en indiquant que l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale autorisait la récupération ;
    Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la maladie d’Alzheimer dont était atteinte Mme Jeanne T..., ses proches déclarent avoir dû faire appel à un personnel extérieur, l’association SMP La Source, ainsi qu’à un personnel spécialisé, pour remédier aux carences et défaillances de l’hôpital Broca ; que l’appréciation de la qualité des prestations offertes par l’établissement n’entre pas dans les compétences des juridictions de l’aide sociale ; que par conséquent le moyen selon lequel les circonstances de fait de l’espèce rendent inéquitable la récupération de la créance du département sur la succession de l’intéressée est inopérant au regard du droit à récupération que le département tient de la loi ; qu’il appartient aux requérants de former un recours en responsabilité auprès du juge administratif pour obtenir réparation du préjudice qui découlerait de la mauvaise qualité des prestations offertes par l’établissement hospitalier, ou contester, le cas échéant, la régularité du transfert de la patiente dans ledit établissement ;
    Considérant dès lors que la demande reconventionnelle formulée au titre des préjudices subis par l’intéressée ainsi que la demande d’indemnisation pour dépenses supplémentaires n’entrent pas dans le champ de compétence des juridictions de l’aide sociale ; que, par suite, lesdites demandes ne peuvent qu’être rejetées ;
    Considérant enfin que la commission départementale a fait une exacte application des textes en vigueur en prescrivant la prise d’une hypothèque sur le bien immobilier sis à Paris 17e, pour la garantie du recouvrement des frais d’aide sociale aux personnes âgées exposés par le département du chef de Mme Jeanne T... ; qu’une telle mesure n’est pas de nature, par elle-même, à empêcher la vente du bien dont il s’agit, seules les modalités de règlement du prix de la vente se trouvant mises en cause dans un pareil cas ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le présent recours ne peut être accueilli ; que la demande de condamnation du département au titre de l’article 75.I de la loi du 10 juillet 1991 ne peut qu’être rejetée ;

Décide

    Art. 1er.  -  Le recours formé par Me Xavier G..., SCP Lévy avocats représentant M. André T..., Mme Nicole T... et son époux, M. Gérald G... est rejeté.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 1er juillet 2004 où siégeaient M. Guillaume, président, M. Brossat, assesseur, Mme Mérad, rapporteure.
    Décision lue en séance publique le 2 août 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer