Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération. - Donation. - Assurance-vie. - Modération
 

Dossier no 022428

Mme P...
Séance du 30 avril 2004

Décision lue en séance publique le 2 juin 2004

    Vu enregistré le 3 août 2002, les requêtes de Mme Henriette R... et de M. Pierre P..., tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale d’annuler une décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Oise du 5 mars 2001, confirmant la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Chantilly du 15 décembre 1999, de récupération de la créance départementale à hauteur de la donation sur les donataires, bénéficiaires du contrat d’assurance-vie aux motifs qu’au décès de leur père, M. Joseph P..., leur part de la succession a été laissée intégralement à la disposition de leur mère en tant qu’usufruitière ; que les fonds correspondants sont restés placés en banque et caisse d’épargne pour faire face au risque de dégradation de l’état de santé de leur mère ; qu’une partie des sommes ont été conservées dans un plan d’épargne populaire ; qu’en 1998, le rendement de ce placement ayant sensiblement diminué et des retraits étant devenus possibles, le banquier a conseillé un placement plus rémunérateur en assurance-vie ; que la décision d’attribution de l’allocation compensatrice ne faisait pas état de cette possibilité ; que l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale qui leur est appliqué figure pour la première fois à leur connaissance dans la loi no 97-60 du 24 janvier 1997, relative à la prestation spécifique dépendance ; que depuis la première demande de récupération ils ont appris qu’il n’est exercé aucun recours en récupération de l’allocation compensatrice à l’encontre de la succession du bénéficiaire lorsque les héritiers sont les enfants, ce qui est leur cas ; qu’il convient de préciser que les droits de succession qui auraient été appliqués sur le montant consacré à l’assurance-vie n’auraient pas été élevés ; que récemment l’article 232-19 de la loi no 2001-647 du 20 juillet 2001, relative à l’allocation personnalisée d’autonomie, stipule « les sommes servies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie ne font pas l’objet de recouvrement sur la succession du bénéficiaire, sur le légataire ou sur le donataire » ; qu’ainsi la méconnaissance des textes législatifs en vigueur pour leur mère risque de leur être préjudiciable ; qu’ils sollicitent la mansuétude de la commission afin qu’elle leur accorde une modération des sommes récupérées ;
    M. le président du conseil général de l’Oise n’a pas fourni de mémoire en défense ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Vu le code des assurances ;
    Vu la lettre du 12 janvier 2004, convoquant les parties à l’audience de la commission centrale d’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 avril 2004 Mlle Erdmann, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, devenue l’article L. 132-8-2o du code de l’action sociale et des familles relatif à la récupération des allocations d’aide sociales, « des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : a) contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé la demande ; contre le légataire » ;
    Considérant que ces dispositions sont applicables à la récupération d’une allocation compensatrice instituée par l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, d’orientation, en faveur des personnes handicapées qui figure au nombre des prestations d’aide sociale ; que si le II de l’article 39 de la loi précitée énonce qu’il n’est exercé aucun recours en récupération « à l’encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque les héritiers sont ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé, ces dernières dispositions ont pour objet de faire obstacle à une action en récupération introduite contre la succession du bénéficiaire au titre du a de l’article 146 du code précité, mais non d’interdire une action en récupération auprès d’un donataire dans l’hypothèse visée au b du même article » ;
    Considérant que Mme Albertine P... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er juillet 1990 au 30 avril 1996 ; que la créance départementale s’élevait à 145 710,98 F (22 213,49 Euro) ; qu’elle a également touché la prestation expérimentale dépendance du 1er mai 1996 au 19 février 1999 ; que la créance départementale s’élevait à 102 809,98 F (15 673,28 Euro) ;
    Considérant que le présent recours n’étant pas un recours contre la succession de Mme Albertine P..., alors même que celle-ci est décédée, mais un recours contre les donataires, ceux ci ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions de l’article 39 de la loi du 30 juin 1975, concernant le recours en récupération contre la succession du bénéficiaire lorsque ses héritiers sont les enfants, alors que la circonstance que le dossier d’attribution de l’allocation compensatrice n’ait pas fait mention de l’éventualité d’une récupération au titre des donations éventuellement susceptibles d’être constituées par la souscription d’un contrat d’assurance-vie décès par l’assisté est sans incidence sur la légalité et le bien-fondé de celle-ci ;
    Considérant que l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable issu de dispositions bien antérieures à la loi du 24 janvier 1997, instituant la prestation spécifique dépendance, est applicable à la récupération des prestations avancées « prestation expérimentale dépendance », au même titre qu’à l’allocation compensatrice pour tierce personnes prestation légale d’aide sociale ;
    Considérant que les dispositions de la loi du 20 juillet 2001, exonérant de toute récupération les sommes versées par l’aide sociale au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie prestation, différente des prestations dont la récupération est en litige, sont sans incidence dans la présente instance ;
    Considérant qu’en admettant que toute souscription d’un contrat d’assurance-vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible d’être appréhendée par l’aide sociale sur le fondement de l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, du seul fait de l’appauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être qualifié en donation que si l’administration de l’aide sociale établit l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que l’acceptation du bénéficiaire serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, qu’au moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
    Considérant que la preuve de l’intention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être qualifié non comme une donation déguisée mais comme une donation indirecte ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’aux termes de l’article 312614 du code des assurances « le capital ou la rente garantie au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par l’article L. 132613, 2o alinéa, selon lequel les règles relatives au rapport à la succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne s’appliquent pas (...) aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat d’assurance-vie ne peut être qualifié par le juge d’aide sociale en donation que lorsque, au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, l’intention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation par autrui peut être qualifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à l’autorité judiciaire ;
    Considérant en l’espèce que, compte tenu de l’âge de la stipulante au moment de la souscription du contrat (95 ans révolus) et nonobstant le montant du placement en assurance-vie 213 538,00 F (32 553,66 Euro), par rapport à l’actif net successoral de celle-ci 644 881,17 F (98 311,50 Euro), à son décès, procédant d’ailleurs d’un actif comportant à hauteur de 215 000,00 F, la part de Mme P... dans la maison des époux P..., bien de communauté, le surplus de l’actif étant seulement constitué d’éléments mobiliers, le président du conseil général établit l’intention libérale de la stipulante à l’égard des bénéficiaires ;
    Considérant que les circonstances ci-dessus rappelées alléguées par les requérants ne sont pas par elles-mêmes en l’absence de tout élément sur leur situation financière et leurs charges de famille à la date de la présente décision de nature à permettre de faire droit à la demande de modération de la créance de l’aide sociale ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête des consorts P... est rejetée.
    Art. 2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 avril 2004 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 2 juin 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer