Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Délai - Personnes handicapées |
Dossier no 022078
Mme D...
Séance du 30 avril 2004
Décision lue en séance publique le 10 juin 2004.
Vu enregistré le 28 janvier 2002, la requête de maître S..., avocat, pour M. Simon D..., tendant à ce quil plaise à la Commission centrale daide sociale dannuler une décision de la commission départementale daide sociale de Paris du 15 juin 2001, confirmant la décision de la commission dadmission de Paris du 12 avril 2001, récupérant les prestations daide sociale à hauteur du montant de la donation, à la vente concernée ou au décès de loccupant au motif quil na pas été tenu compte des seuils de récupération relatifs au recours sur les successions des bénéficiaires de lallocation compensatrice ; que les prestations daide ménagère nont pas été effectuées de manière satisfaisante ; que lors du précédent recours M. D... avait produit témoignages et certificats médicaux faisant état des difficultés liées au fonctionnement de laide ménagère de Mme Marcelle D... ; quils prouvent que les personnes qui venaient au domicile de Mme Marcelle D... ne le faisaient quirrégulièrement, manifestaient de lagressivité envers elle et lhumiliaient constamment ; que M. Armand D..., frère du requérant a pu constater labsence et lirrégularité des horaires des aides ménagères ayant dû lui-même les remplacer pour subvenir aux besoins de sa mère ; quil est trop aisé de sappuyer sur des textes selon lesquels Mme Marcelle D... naurait pas dû faire une donation de son appartement à son fils car si larticle L. 132-8 du code de laide sociale et des familles stipule que les recours doivent être contre la succession du bénéficiaire ou contre la donation, il faut que les prestations daide sociale à domicile soient exercées, ce qui nest pas le cas en lespèce ; que M. D... se réserve tous droits et moyens, dans le cas où son recours ne serait pas recevable, dentreprendre toute action à lencontre des responsables qui ont été à lorigine des graves perturbations ayant entraîné la détérioration de létat de santé de sa mère qui était laissé dans un état de total abandon par les services compétents ; que M. D... sest plaint à plusieurs reprises par téléphone auprès des services de la mairie du XIXe arrondissement du mauvais traitement infligé à sa mère ; quil na pas eu de réponse ; que léchange de lettre avec lADIAM montrait quun contentieux existait ;
Vu les observations du président du conseil général de Paris en date du 10 octobre 2002, tendant au rejet de la requête par les moyens que le requérant invoque le fait que les prestations daide ménagère dont a bénéficié sa mère nétaient pas effectuées dans des conditions optimales, son frère M. Armand D... devant assurer régulièrement les tâches ménagères dévolues à lassociation comme semble le démontrer les nombreuses attestations fournies par M. Simon D..., ce que conteste lassociation ; que, quand bien même ces prestations nauraient pas été effectuées correctement, cela naurait aucune incidence sur le recours exercé par le département de Paris sur la donation consentie ; quen effet, Mme Marcelle D... étant bénéficiaire de laide sociale, des heures daide ménagère ayant été effectuées et facturées à ce titre, une créance est née et peut être récupérée conformément à larticle L. 132-8 du code de la famille et de laide sociale ; que cela est confirmé par une décision de la Commission centrale daide sociale du 21 avril 1997, qui, face à une argumentation similaire, indiquait que : « Le moyen tiré de la prestation offerte (...) ne peut être discuté utilement dans le cadre du litige et demeure inopérant par rapport au recours sur succession » ; quen ce qui concerne le seuil de récupération, il convient de rappeler que ceux-ci ne sont pris en compte que dans le cadre dun recours sur succession et non celui dun recours contre donataire, comme le confirme larrêt du Conseil dEtat Riera ; que sil est vrai que la donation consentie par Mme Marcelle D... est antérieure au décret du 28 avril 1997, prévoyant un recours contre donataire pour les donations consenties durant ladmission à laide sociale ou dans les dix ans précédant ladmission à laide sociale, il convient de rappeler que lancienne rédaction de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale précisait que des recours pouvaient être exercés par le département « contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; quainsi, lintéressée ayant sollicité le bénéfice de laide sociale en 1992 alors que la donation est intervenue le 20 mai 1996, le département de Paris est en droit dexercer son recours conformément à la réglementation en vigueur au moment de ladmission à laide sociale, puisque le Conseil dEtat a considéré dans larrêt COUTEAU que le texte applicable dans le cadre dun recours contre donataire doit être celui en vigueur au moment de louverture des droits à laide sociale ; quil ressort que les arguments développés par le conseil de M. D... se doivent dêtre écartés et quaucun argument tangible ne permet de faire droit à la requête de M. D... ; quil convient enfin de préciser que tant la commission dadmission statuant à titre successoral que la commission départementale ont décidé de reporter le recours à la vente du bien ou au décès de M. D... tenant ainsi compte de sa situation sociale et de son statut de personne handicapée ;
Vu le nouveau mémoire de maître S... en date du 19 février 2004, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que larrêt COUTEAU du Conseil dEtat fait référence à une donation antérieure à louverture des droits à laide sociale ; quil est rappelé que la donation faite par Mme Marcelle D... à son fils handicapé a été faite le 20 mai 1996, et que louverture des droits est de juillet 1992 ; que la décision de la commission départementale daide sociale du 15 juin 2001, repose sur une fausse application des dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale ; que la donation est également antérieure tant à la loi du 24 janvier 1997 quau décret dapplication du 28 avril 1997 ; quen ce qui concerne les prestations fournies par lADIAM, celle-ci na pas fourni les prestations que Mme Marcelle D... était en droit dexiger ; quelle na pas rempli son obligation de résultat comme cela résulte de lensemble des pièces versées aux débats ; que les termes de la lettre de Mme E..., directrice générale de lADIAM du 27 août 2002, sont inadmissibles car ils portent gravement atteinte à lhonneur de la famille D... ; quelle est dautant plus inacceptable que Mme Marcelle D... est décédée le 2 février 1998, et que cette lettre a été faite le 27 août 1998 ; quil est rappelé que ni Mme Marcelle D..., ni son fils nont été informés de la demande de remboursement des aides ménagères qui serait effectuée après son décès ; quil ne faut pas oublier que Mme Marcelle D..., outre être grabataire, était également illettrée ; quelle a été admise à laide sociale dans le cadre de laide médicale à domicile et quà ce titre les sommes ne doivent pas être récupérables ; que lallocation compensatrice nest pas récupérable lorsque ce sont les enfants qui assurent la charge effective et constante du bénéficiaire ; que dans son réquisitoire à lencontre de la famille D..., lADIAM omet de signaler que son personnel a été incapable de faire face à ses obligations en raison de létat de Mme Marcelle D... et de son fils handicapé Simon ; que Mme Marcelle D... a souscrit une donation pour que son fils gravement handicapé puisse continuer de vivre de façon décente et quil soit dégagé de tout souci matériel ; que le principe de laide à domicile devait répondre à lattente des familles qui ont la charge des personnes âgées et malades et privées de leur autonomie ;
Vu le nouveau mémoire en réplique du président du conseil général de Paris en date du 9 mars 2002, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens et les moyens que maître D... entend faire remarquer que larrêt COUTEAU rendu par le Conseil dEtat du 21 février 2000 est inapplicable à la situation présente ; quil précise que la donation litigieuse est intervenue postérieurement à louverture des droits à laide sociale, contexte différent de celui de laffaire COUTEAU pour laquelle la donation a été consentie dans les cinq ans précédant la demande daide sociale ; quil apparaît sur ce point que le requérant méconnaît la réglementation en vigueur au moment de ladmission de Mme Marcelle D... et notamment des dispositions de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale qui précisait que des recours pouvaient être exercer par le département contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé la demande ; que le fait que la donation soit en lespèce postérieure à la date de dépôt de la demande daide sociale renforce encore lassise réglementaire du recours contre donataire ; que maître S... fait encore porter la discussion sur la qualité des prestations daide ménagère dispensées par lADIAM et sur le contenu des réponses apportées par la directrice aux réclamations des enfants de Mme Marcelle D... ; que la réglementation de ce litige ne relève pas de la compétence de la juridiction daide sociale mais du tribunal de grande instance sagissant dun litige de droit privé ;
Vu le nouveau mémoire de maître S... en date du 11 mars 2004, fournissant des pièces complémentaires dont un témoignage de Mme A... de lADIAM du 23 octobre 1996, concernant un accident domestique, un signalement dune assistante sociale sur la situation sociale et de santé dégradée de Mme D... et de son fils, une lettre de la fondation CASIP-COJASOR du 14 décembre 1995, attirant lattention de son fils sur la nécessité de régulariser la situation administrative de sa mère, un certificat médical du docteur B... du 29 janvier 1997, mentionnant une agression et un courrier non daté de M. Armand D... à lattention de la DDASS ;
Vu enregistré le 22 avril 2004 le nouveau mémoire présenté par M. D... exposant les moyens suivants :
- la prescription biennale est applicable ;
- les prestations versées à Mme D..., handicapée, nétaient pas récupérables ;
- lallocation compensatrice et les services ménagers ne semblent pas cumulables, la première ne peut être récupérée en vertu de larticle 39 de la loi du 30 juin 1975 ;
- ladmission du recours pour retour à meilleure fortune contre Mme D... et ladmission du présent recours conduiraient à un véritable non-sens ;
Vu enregistré le 27 avril 2004 le nouveau mémoire du président du conseil de Paris qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les motifs que :
- la prescription est trentenaire ;
- il sagit dun recours contre donataire ;
- aucun texte ninterdit le cumul de lallocation compensatrice et des services ménagers ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu la lettre du 12 janvier 2004, convoquant les parties à laudience de la Commission centrale daide sociale ;
Après avoir entendu à laudience publique du 30 avril 2004, Mlle Erdmann, rapporteur, maître S... avocat pour M. D..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que dans sa requête dirigée contre une décision motivée de la commission départementale daide sociale, M. D... se borne à mettre en cause la quotité et la qualité des prestations daide ménagère dispensées par le prestataire des services, personne morale de droit privé, qui intervenait au domicile de sa mère ; quun tel litige échappe à la compétence de la juridiction administrative et ainsi au juge de laide sociale ; que la quotité des prestations avancées par laide sociale au titre tant de lallocation compensatrice que de laide ménagère nest pas sérieusement contestée ;
Considérant que le requérant soutient en réplique que dès lors que la donation est postérieure à louverture des droits à laide sociale (pour les deux prestations récupérées), la récupération contre le donataire ne serait pas susceptible dêtre exercée ; que toutefois les textes applicables au recours contre donataire sont ceux applicables lorsque les deux conditions de lexistence dune donation et de ladmission à laide sociale sont réunies ; que la donation étant postérieure aux demandes daide sociale sont applicables les textes en vigueur à la date de la donation ; quen toute hypothèse aux dates des demandes daide sociale et de la donation la législation applicable prévoyait que la récupération pouvait être recherchée lorsque la donation était postérieure à ladmission à laide sociale, ce qui est le cas pour les deux prestations ; quainsi le moyen est sans fondement ;
Considérant que si en réplique M. D... expose que Mme D... avait été admise à laide sociale « dans le cadre de laide sociale à domicile » et que la récupération nest pas recherchée « lorsque ce sont les enfants qui assurent la charge effective et constante du bénéficiaire », les dispositions invoquées ne sappliquent quen cas de recours contre la succession et au surplus le requérant, seul à prendre en compte nétait pas à même dassumer la charge dont sagit ;
Considérant que les premiers juges ont suffisamment répondu aux autres moyens de la demande non expressément repris en appel ;
Considérant en dernier lieu que, dans son mémoire enregistré le 27 avril 2004, M. D... soulève divers moyens nouveaux insusceptibles également dêtre accueillis ; quen effet premièrement le délai de prescription biennale applicable à laction en répétition dindu ne lest pas à laction en récupération sur le donataire dont la prescription est trentenaire en vertu de larticle 2262 du code civil, différence dailleurs justifiée, contrairement à ce quallègue M. D... par les caractéristiques spécifiques des actions dont il sagit ; que, deuxièmement, il nexiste pas de statut dadulte handicapé (non travailleur) mais des dispositions législatives et réglementaires applicables aux différentes prestations et aux différentes procédures daide sociale aux handicapés et que lexonération de récupérations instituée par le législateur pour ce qui concerne laction contre la succession na pas été étendue à laction contre le donataire ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, lallocation compensatrice et les services ménagers dont les objets sont différents sont cumulables dans les limites de leurs conditions respectives dattribution et quen tout état de cause du reste, M. D... ne conteste pas que Mme D... a bien perçu les deux prestations et ne saurait se prévaloir de ce que lune et/ou lautre auraient été irrégulièrement perçues pour échapper à la récupération en invoquant, notamment, la prétendue applicabilité de la prescription biennale applicable en matière dallocation compensatrice ; quenfin le prétendu « non-sens » de laction litigieuse au motif que M. D... échapperait au recours pour retour à meilleure fortune est doublement inexistant dune part parce que les règles concernant le recours contre lassisté revenu à meilleure fortune (M. D... étant lui-même handicapé) et contre le donataire sont distinctes, dautre part, et en tout état de cause, parce que la décision de la commission départementale en date du 12 avril 2001 statuant sur laction en récupération contre le donataire dont la situation était juridiquement constituée est antérieure à lentrée en vigueur de la loi du 22 janvier 2002 supprimant le recours en récupération pour retour à meilleure fortune en matière dallocation compensatrice ;
Mais considérant que la jurisprudence libérale du Conseil dEtat impose au juge du fonds de laide sociale de statuer sur la remise ou la modération de la créance même quil nest pas saisi de conclusions à cette fin ; quen conséquence il y a lieu à une telle mesure si le dossier en justifie suffisamment ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier que M. Simon D..., handicapé mental adulte dont le taux dinvalidité est supérieur à 80 %, ne perçoit pas, ainsi quil a été confirmé à laudience, dautres revenus sociaux que lallocation aux adultes handicapés et une aide sociale facultative denviron 100 Euro par mois ; que la donation était constituée du seul appartement dune valeur de 300 000 francs quhabitait Mme Marcelle D... avec le requérant et quil continue à habiter après la mort de sa mère ; que dailleurs il napparaît pas du dossier que le requérant bénéficie dune aide financière de fait de M. Armand D.., qui assiste en revanche son frère pour les tâches matérielles, le prestataire de service nétant plus employé ainsi quil a été indiqué à laudience, non plus que ses trois autres frères ou surs ; que dans cette situation il y a lieu, compte tenu des modestes ressources du requérant et de labsence de disposition dun patrimoine autre que lappartement dont il sagit, à remise de la créance de laide sociale ; que dans la mesure ou ils lestimeraient opportun, il appartient aux services sociaux dans les limites de leurs compétences de pourvoir à louverture dune mesure de protection de M. Simon D..., handicapé mental adulte dont le taux dinvalidité est supérieur à 80 % ;
Décide
Art. 1er. - Il ny a lieu à récupération à lencontre de M. Simon D... des arrérages dallocation compensatrice et des services ménagers avancés de son vivant par laide sociale à Mme Marcelle D..., sa mère.
Art. 2. - La décision départementale daide sociale de Paris en date du 15 juin 2001, ensemble décision de la commission dadmission à laide sociale de Paris 19e en date du 12 avril 2001 sont annulées.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale auxquels qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la Commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 30 avril 2004 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 10 juin 2004.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président : Le rapporteur :
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer