Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Succession - Modération
 

Dossier no 001972

Mme B... ; Mme D... ; Mme G... ; M. M... ; Mme P...
Séance du 15 mars 2004

Décision lue en séance publique le 10 mai 2004

    Vu les requêtes, enregistrées les 12 septembre 2000, 31 août 2000, 30 août 2000, 28 août 2000 et 5 septembre 2000, au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, présentées par Mme Christiane B..., Mme Lucienne D..., Mme Mauricette G..., M. Jean-Claude M... et Mme Marcelle P... ; les requérants demandent à la commission centrale d’aide sociale de réformer la décision du 26 juin 2000, par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Eure a confirmé la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Bernay en date du 26 avril 2001, fixant à 63 300 F (9 650,18 Euro) le montant de la récupération, sur la succession de Mme Germaine D..., leur mère, de la créance du département née de l’admission de cette dernière au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite de Bernay pour la période allant du 5 février 1985 au 4 mars 1995, date de son décès ;
    Les requérants font valoir que la décision du département de procéder à cette récupération est tardive ; qu’ils ont déjà participé à la prise en charge des frais d’hébergement de leur mère au titre de l’obligation alimentaire ; que la somme sur laquelle le département de l’Eure exerce un droit de recours à leur encontre a fait l’objet, avant que l’administration de l’aide sociale ne se soit manifestée, d’un partage et d’une répartition entre les petits-enfants de l’intéressée ; qu’elle n’est donc plus à leur disposition ; qu’au surplus, elle provient des ressources que le département avaient laissées à la disposition de l’intéressée ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations présentées le 30 avril 2001, par le président du conseil général de l’Eure, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le département s’est borné à faire application des dispositions de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ; qu’aucun délai ne lui était imparti pour exercer le recours sur la succession de la bénéficiaire prévu par ces dispositions ; que la mise en œuvre préalable de l’obligation alimentaire ne fait pas obstacle à l’application de ces dernières ; que la circonstance que les sommes en cause proviennent de la part des ressources de Mme D... que le département avait, en application des dispositions de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, laissé à sa disposition pendant son séjour à la maison de retraite de Bernay, est sans incidence sur le droit qu’a la collectivité débitrice de l’aide sociale de les récupérer ; que les requérants n’apportent pas la preuve de difficultés particulières justifiant une modération du montant de la récupération fixé par la commission cantonale et la commission départementale d’aide sociale ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu le décret no 54-883 du 2 septembre 1954, portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ensemble des dispositions du décret du 29 novembre 1953, relatif à la réforme des lois d’assistance, modifié par le décret no 61-495 du 15 mai 1961 ;
    Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961, modifiant certaines dispositions du code de la famille et de l’aide sociale, dans sa rédaction issue du décret no 97-426 du 28 avril 1997 ;
    Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 15 mars 2004, M. Crepey, rapporteur, ainsi que les observations de M. Jean-Claude M..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les requêtes de Mme Christiane B..., de Mme Lucienne D..., de Mme Mauricette G..., de M. Jean-Claude M... et de Mme Marcelle P... présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
    Sur la requête de Mme Christiane B... :
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Eure en date du 26 juin 2000, a été notifiée à Mme Christiane B..., le 6 juillet, suivant ; qu’ainsi sa requête, qui n’a été enregistrée que le 12 septembre 2000, au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, est tardive et doit être rejetée ;
    Sur les requêtes de Mme Lucienne D..., de Mme Mauricette G..., de M. Jean-Claude M... et de Mme Marcelle P... :
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, aujourd’hui repris à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce : « Des recours sont exercés par le département (...) : 3o Contre le légataire. En ce qui concerne les prestations d’aide sociale à domicile, de soins de ville prévus par l’article L. 111-2, la prestation spécifique dépendance et la prise en charge du forfait hospitalier, les conditions dans lesquelles les recours sont exercés, en prévoyant, le cas échéant, l’existence d’un seuil de dépenses supportées par l’aide sociale en deçà duquel il n’est pas procédé à leur recouvrement, sont fixées par voie réglementaire. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article 4 du décret du 15 mai 1961, susvisé, pris pour l’application de ces dispositions : « Les recours prévus à l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale sont exercés, dans tous les cas, dans la limite des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. (...) Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission d’admission saisie par le préfet » ;
    Considérant que Mme Germaine D... a été admise au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées au titre de la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite de Bernay pour la période allant du 5 février 1985 au 4 mars 1995, date de son décès ; qu’il en est résulté, déduction faite du prélèvement légal sur ses ressources de toute nature et de la participation aux frais de l’ensemble de ses obligés alimentaires, une créance départementale d’un montant non contesté de 98 198,54 F (14 970,27 Euro) ; qu’à la suite du décès de Mme Germaine D..., le département de l’Eure a entendu exercer le recours sur succession prévu par les dispositions précitées du code de la famille et de l’aide sociale ; que, par une décision en date du 17 décembre 1999, confirmée le 26 juin 2000, par la commission départementale d’aide sociale de l’Eure, la commission d’admission à l’aide sociale de Bernay a fixé le montant global de la récupération sur les parts de succession qui sont revenues à chacun de ses héritiers à 63 300 F (9 650,18 Euro) ;
    Considérant qu’aucun délai n’est imparti au département par les textes législatifs ou réglementaires précités pour l’exercice des recours qu’ils prévoient ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du département de l’Eure de récupérer sa créance d’aide sociale sur la succession de Mme Germaine D... serait tardive ne peut qu’être écarté ;
    Considérant que la circonstance que les légataires ont participé à la prise en charge des frais d’hébergement de l’intéressée au titre de l’obligation alimentaire qui leur incombait, serait-ce volontairement et dans une proportion importante eu égard à leur niveau de ressources, est sans incidence sur le droit à récupération ouvert à la collectivité débitrice de l’aide sociale par les dispositions précitées ;
    Considérant que l’ensemble des biens devant entrer dans la succession du bénéficiaire de l’aide sociale sont soumis à ce droit à récupération ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il en va notamment ainsi des ressources que le département de l’Eure avait, en application des dispositions de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, laissé à la disposition de Mme Germaine D... pendant son séjour à la maison de retraite de Bernay ;
    Considérant toutefois qu’il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées qu’il appartient à la commission d’admission à l’aide sociale, sous le contrôle du juge de l’aide sociale, de modérer le montant de la récupération si l’état d’impécuniosité, la situation sociale, la santé des intéressés ou d’autres circonstances particulières le justifient ; que la seule circonstance que la somme de 63 300 F (9 650,02 Euro) sur laquelle le département entend exercer son droit à récupération, et qui figurait sur un livret d’épargne de Mme Germaine D..., a été répartie par les requérants entre leurs propres enfants et transmise à ces derniers avant que le département ne leur signifie sa décision d’exercer un recours sur la succession, n’est, il est vrai, pas de nature à établir par elle-même que la récupération de la somme litigieuse les plongerait dans un état de précarité ; mais qu’il résulte de l’instruction qu’en outre, le département a attendu quatre ans avant d’exercer son droit à récupération et que les requérants ne bénéficient que de modestes pensions de retraite ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la situation de ces derniers en fixant à 30 000 F (4 573,47 Euro) le montant de la récupération de la créance d’aide sociale du département de l’Eure ; que la décision de la commission départementale d’aide sociale en date du 26 juin 2000, doit être réformée en ce sens ;

Décide

    Art. 1er.  -  La requête de Mme Christiane B... est rejetée.
    Art. 2.  -  La somme de 30 000 F (4 573,47 Euro) sera récupérée sur la succession de Mme Germaine D... au titre des sommes avancées par l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite de Bernay pour la période du 5 février 1985 au 4 mars 1995, date de son décès.
    Art. 3.  -  La présente décision sera transmise au ministre de la santé et de la protection sociale à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 15 Mars 2004, où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, et M. Crepey, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 10 mai 2004.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, au ministre de la santé et de la protection sociale, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M. Defer