Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2330
 
  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 020034

Mme M...
Séance du 27 novembre 2003

Décision lue en séance publique le 8 janvier 2004

    Vu les recours formés par Mme Christiane B... demeurant 34, rue des Bois, à Paris (75019) et par M. Dominique M... demeurant à Champlost (89210) en date du 2 novembre 2001, tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision du 6 septembre 2001 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne confirmait la décision de la commission d’admission de Brienon-sur-Armançon en date du 15 décembre 2000 de récupération sur donataire aux motifs que le montant versé par le conseil général à leur mère a servi à financer une partie du coût de l’établissement où elle était placée depuis 1995 ; qu’ils estiment être victimes de l’absence d’information et de l’incompétence du personnel qui les condamnent aujourd’hui à verser 100 000 F (15 244,90 Euro) chacun ; que l’administration a attendu six ans avant de demander le remboursement des sommes avancées ; qu’ils sont dans l’incapacité de s’acquitter de la somme demandée ; que le frère ne dispose que d’un salaire mensuel de 7 000 F (1 067,14 Euro) et que Mme Christiane B... bénéficiant d’un revenu de 25 000 F (3 811,23 Euro) est mariée ; qu’elle a deux enfants à charge dont l’un est étudiant sans ressources et l’autre, âgée de 11 ans, est atteinte d’une maladie grave depuis l’âge de 4 ans et doit fréquenter un établissement privé pour un coût trimestriel de 3 900 F (594,55 Euro) ; qu’elle doit également rembourser un emprunt de 4 900 F (747 Euro) ; qu’ils sollicitent une exonération totale ou partielle compte tenu de leur bonne foi et de leurs difficultés financières ; qu’ils précisent que leur mère très dépendante qui ne se nourrit plus seule et n’est plus mise au fauteuil est en établissement médicalisé pour un coût mensuel de 8 300 F (1 265,33 Euro) financé par 2 940 F (448,20 Euro) d’allocation compensatrice pour tierce personne, 1 200 F (182,94 Euro) d’allocation logement et 4 100 F (625,04 Euro) à charge de leur père qui ne perçoit qu’une retraite artisanale de 6 700 F (1 021,41 Euro) par mois et par eux-mêmes qui subviennent indirectement afin de permettre au père d’avoir un minimum vital (présence du frère la semaine, de la sœur le week-end depuis 1995 lui assurant divers achats, travaux et soutien moral) ; que suite à une hospitalisation du père à Auxerre après une atteinte cardiaque importante, ils assument en outre toute l’aide pour le retour à domicile ; que leur mère est décédée le 24 octobre 2001 ;
    Vu l’avis du président du conseil général de l’Yonne en date du 18 avril 2002 qui conclut au rejet de la requête par les moyens que Mme Denise M... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er novembre 1994 au 24 octobre 2001 pour un montant de 235 569,57 F (35 912,35 Euro) ; que par acte du 8 juin 1991 devant maître M... notaire à Brienon-sur-Armançon, M. et Mme M... ont consenti une donation à titre de partage anticipé à deux de leurs trois enfants : Mme Christiane M... et M. Dominique M..., d’une valeur de 100 000 F chacun (15 244,90 Euro) ; que le troisième enfant, M. François M... a reçu la toute propriété d’un immeuble par donation consentie en avancement d’hoirie par acte du 3 septembre 1980 ; qu’il souhaite l’application de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, la donation consentie le 8 juin 1991 étant intervenue moins de dix ans avant la demande d’allocation compensatrice ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Dominique M... et de Mme Christiane B... en date du 21 mars 2002, qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens et les moyens que l’administration du conseil général de l’Yonne n’a jamais respecté son devoir d’information en matière de possibilité de récupération sur les donataires alors que leur mère a toujours rempli les formalités pour justifier de son état de santé et des conditions de ressources et d’utilisation de cette allocation, que sur l’imprimé « déclaration de tierce personne » du 20 août 1995 leur mère a bien répondu « oui » à la question sur la donation ; qu’il a fallu attendre jusqu’au 30 novembre 2000 pour que le conseil général souhaite diffuser, clarifier et faire signer un formulaire précisant les conditions de récupération ;
    Vu le mémoire complémentaire de M. Dominique M... en date du 2 septembre 2003 produisant les pièces justificatives de ses ressources et de ses charges ;
    Vu le mémoire complémentaire de Mme Christiane B... en date du 2 septembre 2003 produisant les pièces justificatives de ses ressources et de ses charges ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale et les textes subséquents ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code civil ;
    Vu la lettre en date du 17 juin 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2003, Mlle Erdmann, rapporteure, Mme Christiane B... en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que par sa décision du 4 avril 2001, la commission d’admission à l’aide sociale de Brienon-sur-Armançon a décidé d’opérer un recours sur donataire ; que par sa décision du 6 septembre 2001, la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne a confirmé cette décision ; qu’il n’est pas contesté que, d’une part, Mme Denise M... a bénéficié de l’allocation compensatrice pour tierce personne du 1er novembre 1994 au 24 octobre 2001 et que la créance départementale s’élève à 235 569,57 F (35 912,35 Euro) ; que, d’autre part, M. et Mme M... ont fait donation en avancement d’hoirie à leurs deux enfants Christiane et Dominique de biens immobiliers d’une valeur de 100 000 F (15 244,90 Euro) chacun en date du 8 juin 1991 devant maître M..., notaire à Brienon-sur-Armançon ; que Mme Denise M... est décédée le 24 octobre 2001 ;
    Considérant que la donation a bien été effectuée dans la période définie par l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale devenu l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles ;
    Considérant que le défaut d’information préalablement à l’admission à l’aide sociale ou ultérieurement sur l’éventualité d’une récupération comme le délai de quatre ans de réclamation de la créance par l’administration, dans le cours du délai des prescription, qui est trentenaire, demeurent sans incidence par eux-mêmes sur la légalité et le bien-fondé du recours ;
    Considérant que les requérants n’ont pas abandonné, même s’ils ne les ont pas expressément repris en appel, leurs moyens de première instance auxquels il n’a pas été répondu par le premier juge, faisant valoir que leur frère François a été exclu de l’action du département de l’Yonne ;
    Considérant que les deux actes de donation du 3 septembre 1980 et du 8 juin 1991 quoique séparés dans le temps n’apparaissent pas dissociables et sont à la date de la présente décision indivisibles ; que les 50 000 F (7 622,45 Euro) donnés par l’assistée en 1980 à son fils François ont été incorporés dans le partage du 8 juin 1991 faisant par tiers à chaque enfant donation d’une part égale de biens de leurs parents ; que dans ces conditions, si eu égard à l’antériorité de plus de 5 ans par rapport à la demande d’aide sociale, de l’acte du 3 septembre 1980, seuls 200 000 F (30 489,80 Euro) pouvaient être récupérés, ils devaient l’être à hauteur du tiers pour chacun des donataires copartagés et non à la hauteur de la moitié de 200 000 F donnés le 8 juin 1991, propres de l’assistée à l’encontre de ces donataires seulement ; que toute autre solution léserait les deux requérants ou les contraindrait à intenter à l’encontre de leur frère une action civile dont il n’apparaît pas que le juge de l’aide sociale doive opposer l’éventualité dans la présente instance ; qu’ainsi le département de l’Yonne n’était fondé à récupérer à l’encontre de chacun des requérants que 10 154,63 Euro (66 610 F) ;
    Mais considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, au vu des éléments du dossier soumis à son appréciation, d’estimer si une modération ou une remise de la somme demandée au titre notamment d’un recours en récupération sur donataires est justifiée ;
    Considérant qu’il résulte des éléments fournis par les requérants sur leur situation financière, leurs revenus et leurs charges, en ce qui concerne Mme Christiane B..., la situation financière des époux B..., même s’ils ont deux enfants à charge dont une fille handicapée, n’apparaît pas à la date de la présente décision telle qu’il y ait lieu à remise ou modération ; que par contre les revenus de M. Dominique M..., qui est célibataire sont modestes (13 660 Euro) ; que s’il vit avec son père, il apparaît clairement du dossier que les revenus de ce dernier, au surplus dépendant, sont également modestes ; qu’il y a lieu en ce qui concerne M. Dominique M... à remise de la créance de l’aide sociale,

Décide

    Art. 1er.  -  Il n’y a lieu à récupération à l’encontre de M. Dominique M....
    Art. 2.  -  A l’encontre de Mme Christiane B... la récupération par le département de l’Yonne des prestations d’allocation compensatrice accordées à Mme Denise M... est limitée à 10 154,63 Euro (66 610 F) ;
    Art. 3.  -  La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Yonne en date du 6 septembre 2001 et la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Brienon-sur-Armançon en date du 15 décembre 2000 sont réformées en ce qu’elles ont de contraire aux articles 1er et 2.
    Art. 4.  -  Le surplus des conclusions de la requête de Mme Christiane B... est rejeté.
    Art. 5.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2003 où siégeaient M. Levy, président, M. Reveneau, assesseur, Mlle Erdmann, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 8 janvier 2004.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer