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  Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  DÉTERMINATION DE LA COLLECTIVITÉ DÉBITRICE  
 

Mots clés : Domicile de secours
 

Dossier no 022440

M. Z...
Séance du 29 septembre 2003

Décision lue en séance publique le 9 octobre 2003

    Vu le recours formé par le préfet des Bouches-du-Rhône, enregistré le 31 juillet 2002 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale, tendant à :
    1.  -  déterminer le domicile de secours de M. Jean Z... pour la prise en charge de ses frais d’hébergement en maison de retraite ;
    2.  -  annuler la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon en date du 21 mai 2002 rejetant la demande d’aide sociale présentée par M. Jean Z... pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à la maison de retraite « Villa David » ;
    Le requérant soutient que les frais d’aide sociale n’incombent à l’Etat que pour les personnes dont la présence sur le territoire métropolitain résulte de circonstances exceptionnelles et qui n’ont pas pu choisir librement leur résidence, ou pour les personnes pour lesquelles aucun domicile fixe ne peut être déterminé, conformément à l’article L. 111-3 du code de l’action sociale et des familles ; que ces circonstances ne peuvent concerner M. Jean Z... qui, d’une part, a choisi son lieu d’hébergement et en a assuré le paiement, d’autre part, a toujours travaillé et vécu dans les Hautes-Alpes ; que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon en date du 21 mai 2002 rejetant la demande d’aide sociale n’est pas motivée, se bornant à affirmer que l’intéressé est « sans domicile fixe » ; que ladite décision aurait dû être prise en formation plénière, conformément à l’article L. 131-5 du même code ; que cette décision ne comporte pas les voies de recours ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vue et enregistrée le 29 septembre 2003 à 7 h 48 la transmission par télécopie du mémoire en défense du président du conseil général des Hautes-Alpes tendant au rejet de la requête « des services de la DDASS des Bouches-du-Rhône » par les motifs que nonobstant l’absence de communication des voies et délais de recours au préfet des Bouches-du-Rhône, celui-ci n’était pas censé ignorer la loi ; qu’il n’y avait pas lieu de statuer en formation plénière puisque la perte du domicile de secours dans les Hautes-Alpes ne faisait aucun doute ; qu’à la suite de son départ des Hautes-Alpes, M. Z... n’a pas résidé de façon ininterrompue et continue pendant une période de trois mois dans ce département avant son entrée à la maison de retraite ; qu’il peut être admis que M. Z... était sans domicile fixe, l’assistante sociale de l’association tutélaire de protection Méditerranée ayant fait savoir qu’il avait été trouvé par les pompiers de Marseille en juin 2001 et qu’il était alors sans domicile fixe, sans aucun papier ; que reconnu errant dans les Bouches-du-Rhône, il a été recueilli par l’accueil de nuit de Saint-Jean-de-Dieu puis a connu divers placements sans avoir acquis un nouveau domicile de secours ; qu’il ne relève donc pas de l’aide sociale du département des Hautes-Alpes et a perdu son domicile de secours puisqu’il a quitté le département le 20 décembre 2000 et n’y a plus résidé avant son entrée en établissement sanitaire en mai 2001 ; qu’il peut être qualifié de personne sans résidence stable puisqu’il a été reconnu errant par le département des Bouches-du-Rhône avant son entrée dans des établissements sanitaires et sociaux ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu la lettre en date du 23 juin 2003 informant les parties de la date de la séance au cours de laquelle le recours sera examiné ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 29 septembre 2003, M. Peronnet, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant que les productions du préfet des Bouches-du-Rhône et de l’association tutélaire de protection Méditerranée constituent en réalité deux requêtes dirigées contre une même décision du 21 mai 2002 de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une même décision ;
    Considérant que M. Z... a demandé l’aide sociale aux personnes âgées dans les Hautes-Alpes à compter du 6 août 2001 ; que par décision du 21 mai 2002 la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon nord a rejeté cette demande aux motifs qu’elle relevait de la prise en charge par l’Etat, « l’intéressé étant SDF » et que le dossier a été transmis au préfet des Bouches-du-Rhône ;
    Considérant que l’association tutélaire de protection a été nommée mandataire spécial de M. Z... sous sauvegarde de justice notamment pour « percevoir les revenus de toute nature dont il peut se trouver titulaire », qu’à ce titre ainsi qu’elle l’indique dans sa requête du 7 août 2002 (3e paragraphe) et qu’il résulte de l’instruction elle a présenté la demande d’aide sociale de son protégé ; qu’elle s’est pourvue par requête enregistrée le 12 août 2002 contre la décision intervenue ; que par ailleurs cette décision ayant rejeté la demande au seul motif qu’elle était de la compétence financière de l’Etat dans les Bouches-du-Rhône, le préfet des Bouches-du-Rhône, à qui elle a été notifiée, s’est pourvu par requête du 31 juillet 2002 ;
    Considérant que la requête de l’association tutélaire de protection Méditerranée présentée pour M. Z... est dirigée contre la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon nord statuant sur la demande d’aide sociale qu’elle avait formulée statuant pour son protégé ; qu’aucune fin de non-recevoir tirée de son incapacité à le représenter en l’instance n’est opposée par le président du conseil général des Hautes-Alpes ; qu’en tout état de cause l’incapacité du mandataire spécial à la supposer avérée est instituée au bénéfice du majeur protégé qui peut seul s’en prévaloir ; que d’ailleurs si le conseil d’Etat a jugé (Mme Gadon 12 mars 1993) qu’un mandat spécial comportant notamment la perception des revenus d’un majeur sous sauvegarde de justice ne donne pas qualité au mandataire spécial pour « agir en lieu et place » de la personne protégée, la présente juridiction considère que, dès lors que le mandat confié par le juge des tutelles prévoit que le mandataire spécial percevra seul les revenus, il lui appartient de pourvoir à la prise en charge des frais d’hébergement par l’aide sociale qui détermine le montant des revenus disponibles de son protégé ; qu’ainsi il n’y a lieu en tout état de cause d’opposer une fin de non-recevoir à la demande de l’association tutélaire de protection Méditerranée sans qu’il soit besoin de régulariser en la communiquant à M. Z... ;
    Considérant par ailleurs que la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon a été notifiée au préfet des Bouches-du-Rhône par bordereau de transmission du 10 juin 2002 ; que si elle rejette la demande d’aide sociale de M. Z..., elle n’en attribue pas moins à l’Etat la charge des frais à assumer lorsqu’il aura été statué sur les droits à l’aide sociale ; que dans cette mesure elle fait grief à celui-ci ;
    Considérant qu’aux termes de l’article L. 134-3 du code de l’action sociale et des familles : « Les recours formés contre les décisions prises en vertu de l’article L. 111-3 relèvent en premier et dernier ressort de la compétence de la commission centrale d’aide sociale » ; qu’à ceux de l’article L. 111-3 « les personnes pour lesquelles un domicile fixe n’a pu être déterminé ont droit aux prestations d’aide sociale sur décision de la commission mentionnée à l’article L. 131-5 » ; qu’à ceux de ce dernier article « lorsqu’elle statue en application de l’article L. 111-3 la commission siège en formation plénière » ;
    Considérant qu’il résulte de ses termes mêmes que la décision attaquée de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon nord, alors même qu’elle rejette la demande d’aide sociale de M. Z... sans statuer sur ses droits à cette aide, a statué « en application de l’article L. 111-3 » ; qu’ainsi et dans cette mesure ladite décision est au nombre de celles susceptibles d’être soumises en premier et dernier ressort à la commission centrale d’aide sociale pour statuer sur l’imputation financière de la dépense ; que par contre il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale de statuer en premier et dernier ressort sur les droits du demandeur à l’aide sociale ;
    Sur les conclusions du préfet des Bouches-du-Rhône tendant à l’imputation financière de la dépense au département des Hautes-Alpes ;
    Considérant que contrairement à ce que croit devoir soutenir le président du conseil général des Hautes-Alpes, l’absence de mention par la décision attaquée, alors même que la contestation ne relève pas des dispositions du code de justice administrative mais des seules dispositions du décret du 28 novembre 1983, par ailleurs reprises à ce code, des voies et délais de recours contentieux est de nature à empêcher le délai de recours de courir, les textes ayant dans ce cas fait exception à l’adage invoqué par le président du conseil général selon lequel « nul n’est sensé ignorer la loi » ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon nord statuant sur l’imputation financière des frais d’aide sociale à l’Etat ne l’a pas fait dans la formation prévue à l’article L. 131-5 précité, seuls siégeant les représentants du département sans convocation de ceux de l’Etat ; que la prétendue « absence de doute sur la perte de domicile de secours » opposée par le président du conseil général des Hautes-Alpes était d’ailleurs à cet égard en tout état de cause inopérante ; que l’instance d’admission a statué dans une composition irrégulière ; qu’il y a lieu d’annuler sa décision et de statuer sur l’imputation financière des frais litigieux ;
    Considérant qu’il ressort des éléments non contestés versés au dossier que M. Z... avait un domicile de secours à Briançon (Hautes-Alpes) le 7 octobre 2000 ; qu’il a été accueilli dans des établissements sanitaires et sociaux jusqu’au 7 décembre selon le département des Hautes-Alpes ; qu’ensuite il a résidé à Marseille à diverses adresses ; qu’il a été ensuite admis du 6 février au 2 mai 2001 dans une section d’urgence d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale financé par dotation globale et conventionné par l’aide sociale alors qu’il ne résulte ni des pièces versées au dossier du juge ni de son instruction que la section d’urgence n’ait pas été en l’espèce autorisée en tant que structure d’hébergement relevant du huitièmement de l’article 3 de la loi du 30 juin 1975 modifiée alors applicable ; qu’il a été admis dans un hôpital gériatrique du 1er juin au 6 août 2001 puis dans la maison de retraite au titre de laquelle l’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées est demandée du 6 août 2001 au 22 juin 2002, en ayant été exclu après l’intervention de la décision de la commission d’admission à l’aide sociale, alors qu’il ne pouvait plus payer sur ses ressources autres que d’assistance la totalité de la charge du tarif, l’Etat n’ayant pas cru devoir avancer les frais en l’attente de la décision du juge ; qu’après son exclusion il a été admis successivement dans deux cliniques dont rien au dossier soumis au juge ne permet de présumer qu’elles n’auraient pas été autorisées au titre de l’article L. 6122-1 du code de la santé publique ; qu’il résulte des éléments ci-dessus rappelés que M. Z... après avoir acquis un domicile de secours dans les Hautes-Alpes ne l’a jamais perdu pour avoir été accueilli dans des établissements sanitaires ou sociaux comportant l’hébergement et n’avoir jamais, lorsque tel n’était pas le cas, résidé plus de deux mois hors du département des Hautes-Alpes et de même dans un autre département, qu’en effet les deux périodes où il n’était pas admis en établissement sont d’environ de deux mois et d’un mois ; qu’ainsi en tout état de cause M. Z... n’avait pas perdu son domicile de secours dans les Hautes-Alpes et n’en avait pas acquis un autre ; qu’une personne qui a acquis et n’a pas perdu un domicile de secours en application des articles L. 122-2 et L. 122-3 du code de l’action sociale et des familles ne relève pas des dispositions précitées de l’article L. 111-3 du même code ; que la charge des frais litigieux est ainsi au département des Hautes-Alpes ;
    Sur les conclusions de l’association tutélaire de protection Méditerranée tendant à l’admission de M. Z... à l’aide sociale :
    Considérant que saisie par l’association tutélaire de protection Méditerranée pour M. Z... d’une demande d’admission à l’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées, la commission d’admission à l’aide sociale n’a pas statué sur les droits du demandeur à l’aide sociale, se bornant à écarter la demande au motif de l’imputation financière des frais à l’Etat ; qu’il n’appartient pas à la commission centrale d’aide sociale statuant en premier et dernier ressort, nonobstant la difficulté d’interprétation des textes précités dont il ne ressort pas clairement qu’ils aient entendu déroger aux critères généraux de détermination de la compétence de la commission centrale d’aide sociale statuant en premier et dernier ressort, et lui permettre au cas particulier de statuer à ce titre non seulement sur l’imputation financière de la dépense mais sur les droits de l’assisté à l’aide sociale, en dérogation aux règles générales prévoyant en ce dernier domaine le double degré de juridiction ; qu’au contraire d’ailleurs l’article L. 134-3 n’attribue compétence en premier et dernier ressort à la commission centrale d’aide sociale hors le cas des décisions intervenues au fondement de l’article L. 111-3 que pour connaître de décisions strictement limitées au champ de l’imputation financière des dépenses ; qu’au demeurant dans la rédaction antérieure du code de la famille et de l’aide sociale relative à la compétence respective des commissions départementales d’aide sociale et de la commission centrale d’aide sociale sur laquelle la modification du code de l’action sociale et des familles n’a pas eu pour objet et pour effet de revenir, il résultait des dispositions combinées des articles 195, 194 5e alinéa et 126 que la commission centrale d’aide sociale n’était compétente en premier et dernier ressort que pour connaître des litiges relatifs à l’imputation financière de la dépense et non de ceux relatifs aux droits de l’assisté à l’aide sociale ; que d’ailleurs il ne serait en l’espèce pas possible en l’état du dossier qui ne fait apparaître ni les tarifs de l’établissement où M. Z... a été admis d’août 2001 juillet 2002, ni ses tarifs à l’heure actuelle, ni les dates exactes de cessation de paiement de la totalité du tarif, de statuer sur la demande d’aide sociale tant sur son principe qu’en l’absence de mise en cause des obligés alimentaires sur son quantum ; que l’association tutélaire de protection Méditerranée a déposé la demande dans les Hautes-Alpes ; que la commission d’admission à l’aide sociale compétente pour statuer sur une demande d’aide sociale est celle du domicile de secours de l’assisté ; qu’il résulte de ce qui précède que ce domicile de secours est dans les Hautes-Alpes ; qu’il appartient donc à la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes de connaître des conclusions de l’association tutélaire de protection Méditerranée pour M. Z... ; qu’il y a lieu dès lors de lui transmettre le dossier afin qu’elle statue sur les droits de M. Z... à l’admission à l’aide sociale aux personnes âgées à compter de la date d’effet de la demande qu’il a présentée en janvier 2002 ;

Décide

    Article 1er : La décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Briançon nord en date du 21 mai 2002 est annulée.
    Art. 2 : Les frais à charge de l’aide sociale entraînés par l’hébergement en maison de retraite de M. Z... à compter de la date d’effet de la demande présentée à ce titre seront supportés par le département des Hautes-Alpes.
    Art. 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. Z... tendant à ce qu’il soit statué sur les montants de la participation de l’aide sociale à ses frais d’hébergement est renvoyé au président de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes pour être soumis à cette juridiction.
    Art. 4 : La présente décision sera notifiée par les soins du secrétariat de la commission centrale d’aide sociale à M. Z..., à l’association tutélaire de protection Méditerranée, au préfet des Bouches-du-Rhône, au président du conseil général des Hautes-Alpes et au président de la commission départementale d’aide sociale des Hautes-Alpes.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 29 septembre 2003 où siégeaient M. Levy, président, M. Pages, assesseur, M. Peronnet, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 9 octobre 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer