Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Assurance vie |
Dossier no 011970
Mme D... épouse T...
Séance du 26 mai 2003
Décision lue en séance publique le 28 mai 2003
Vu la requête formée par le président du conseil général de lOise en date du 20 juillet 2001 tendant à lannulation de la décision du 28 février 2001 de la commission départementale daide sociale de lOise annulant la décision de la commission dadmission à laide sociale de Noyon du 4 octobre 1999 prononçant la récupération au titre dun recours sur donation sur le capital dassurance vie en cas de décès de 150 000 F versé à la fille de Mme Emilienne C... veuve D..., décédée le 6 avril 1999, des sommes versées au titre de lallocation compensatrice pour un montant de 113 460,25 F ;
La requête du président du conseil général soutient que la nature exacte du contrat dassurance vie est une donation indirecte, en raison de son caractère de dépouillement volontaire sans quil y ait besoin que cet acte prenne la forme authentique et soumise à ce titre au recours sur donation visé par larticle 146, 2e alinéa ;
Vu les observations présentées par Me B... pour sa cliente, faisant valoir que la décision de la commission cantonale daide sociale de Noyon en date du 4 octobre 1999 ne lui a jamais été notifié, que le contrat souscrit par Mme Emilienne C... veuve D... est un contrat de capitalisation qui doit être inclus dans la succession, et quà ce titre il bénéficie des dispositions relatives aux recours sur succession, qui ne peut sexercer à lencontre des enfants de la personne bénéficiaire de laide sociale au décès de cette dernière ;
Vu le recours formé par Mme Christiane D... épouse T..., contre la décision de la commission cantonale de Noyon en date du 28 avril 2000 qui soutient que le contrat souscrit par sa mère est un contrat dassurance vie, qui ne peut pas être considéré comme un acte par lequel le souscripteur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du bénéficiaire, ni comme un contrat passé devant notaire selon larticle 931 du code civil ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu la lettre en date du 14 février 2003 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale daide sociale si elles souhaitent être entendues à laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 26 mai 2003 le rapport de M. Courault (Fabrice), rapporteur, les observations de Me B..., avocat, pour Mme T..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que la recevabilité de la demande devant la commission départementale daide sociale nest pas contestée et que lirrecevabilité ne ressort pas, dailleurs, du dossier ;
Considérant quil ressort de lexamen de la décision attaquée de la commission départementale daide sociale de lOise quelle a suffisamment répondu aux moyens soulevés devant elle par le président du conseil général de lOise pour conclure au maintien de la décision de la commission dadmission à laide sociale de Noyon ayant décidé la récupération litigieuse ; que lappelant nest par suite pas fondé à soutenir que le premier juge a insuffisamment motivé sa décision ; quil y a lieu dès lors de statuer dans le cadre de leffet dévolutif de lappel ;
Considérant quen admettant que toute souscription dun contrat dassurance vie ne constitue pas au profit du bénéficiaire une donation indirecte susceptible dêtre appréhendée par laide sociale sur le fondement de larticle 146-b du code de la famille et de laide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans quil soit même besoin dexaminer les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de lappauvrissement du stipulant à ladite hauteur au profit du bénéficiaire acceptant, sans contrepartie de celui-ci, un tel contrat ne peut être requalifié en donation que si ladministration de laide sociale établit lintention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable en donation entre vifs, alors même que lacceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, quau moment où le promettant lui a versé les sommes dues en application du contrat après le décès du stipulant ;
Considérant que la preuve de lintention libérale doit être rapportée alors même que le contrat peut être requalifié non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil, « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quaux termes de larticle L. 132-14 du code des assurances « le capital ou la rente garantie au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant, ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes dans le cas indiqué par larticle L. 132-13, 2e alinéa », selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne sappliquent pas... aux sommes versées par le contractant à titre de prime à moins quelles naient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat dassurance vie ne peut être requalifié par le juge de laide sociale en donation que lorsquau regard de lensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation, lintention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation indirecte, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse de question préjudicielle à lautorité judiciaire ;
Considérant en lespèce quau moment de la souscription du contrat improprement qualifié « dassurance vie » puisquil comportait lattribution du capital promis à un bénéficiaire de second rang en cas de décès du souscripteur avant son échéance, la stipulante était âgée de quatre-vingt quatorze ans ; que le montant de la prime unique versée était plus de deux fois supérieur au montant de lactif successoral apparu au décès de la stipulante cinq ans plus tard ; que dans ces circonstances ladministration établit lintention libérale de Mme D... au bénéfice de Mme T... bénéficiaire du capital en cas de décès de Mme D... avant lexpiration du contrat souscrit pour huit ans ; que si Mme T... navait pas accepté la stipulation avant le décès de lassistée elle ne saurait se prévaloir dun retrait qui na pas été effectué et que son acceptation après décès rétroagit comme il a été dit à la date de signature du contrat ; que largument selon lequel « si largent du contrat était resté sur le compte bancaire courant de Mme D..., « la question ne se serait même pas posée » est inopérant dans la mesure où, précisément, les choses ne se sont pas passées ainsi mais bien ainsi quelles se sont passées ;
Considérant il est vrai que Mme T... soutient que « si le moindre doute avait pu subsister il est complètement dissipé par larrêt L... rendu par la Cour de cassation » par lequel la haute juridiction affirme quun contrat de capitalisation doit être inclus dans la succession ; la question est donc tranchée » ;
Considérant que cet arrêt sest borné à juger que les dispositions des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances ne sappliquent pas à un contrat de capitalisation alors quune telle qualification du contrat souscrit retenue par le juge du fond nétait pas contestée par le pourvoi ; quà aucun moment larrêt ne saurait être regardé comme confirmant la position de lappelante selon laquelle en aucun cas un contrat dassurance vie décès ne pourrait être considéré comme une donation indirecte ; quainsi la décision L... na clairement pas par elle-même pour effet dinterdire à ladministration et au juge administratif de laide sociale de requalifier un contrat dassurance vie en donation indirecte si les clauses le justifient, ni même, ainsi ne contraint le juge administratif à considérer quil existe une difficulté sérieuse de nature à lui imposer dinviter les parties à saisir à titre préjudiciel lautorité judiciaire ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le président du conseil général de lOise est fondé à soutenir que cest à tort que la commission départementale daide sociale a infirmé la décision de la commission dadmission à laide sociale en jugeant que Mme D... avait souscrit un contrat de capitalisation « faisant partie » comme tel de la succession de lassurée et que Mme T... ne pouvait être recherchée en sa qualité de fille héritière de la personne handicapée pour le recouvrement de prestations avancées par laide sociale ;
Considérant quil y a lieu pour la commission centrale daide sociale saisie dans le cadre de leffet dévolutif de lappel dexaminer les autres moyens qui au vue des diverses correspondances de Mme T... peuvent être regardés comme ayant été soulevées devant les premiers juges ;
Considérant que le défaut dinformation de lassisté au moment dune demande daide sociale sur léventualité dune récupération nentache pas la légalité et le bien-fondé dune telle mesure ;
Considérant que les dispositions de larticle L. 132-14 du code des assurances selon lesquelles « le capital ou la rente garantis au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par le créancier du contractant » sont sans application, dès lors quil résulte de ce qui précède que la stipulation pour autrui a pu être requalifiée en donation indirecte ; que, par ailleurs, et enfin, lensemble des moyens tirés des diverses dispositions concernant la récupération contre la succession de la personne handicapée bénéficiaire de laide sociale est inopérant sagissant dans la présente instance dun recours contre le donataire, alors même que la déclaration de succession non produite aurait (à tort) inclus le versement du capital par le promettant au bénéficiaire au décès du stipulant au contrat dassurance vie à lactif de la succession, selon lettre du notaire du 21 septembre 1999 (paragraphe 3) ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que la requête du président du conseil général de lOise doit être accueillie ;
Considérant que le département de lOise nétant pas partie perdante dans la présente instance il ny a lieu en tout état de cause de faire droit aux conclusions tendant au remboursement des frais exposés par Mme T... sur le fondement de larticle 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Décide
Art. 1er - La décision de la commission départementale daide sociale de lOise du 28 février 2001 est annulée.
Art. 2 - La demande présentée par Mme T... devant la commission départementale daide sociale de lOise est rejetée.
Art. 3 - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 26 mai 2003 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Courault, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 28 mai 2003.
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer