Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Recours en récupération - Donation
 

Dossier no 011642

Mme A...
Séance du 30 juin 2003

Décision lue en séance publique le 6 août 2003

    Vu, enregistré le 15 février 2001 par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de l’Allier, le recours sommaire introduit par M. Christophe A..., demeurant à Vichy (03200), 26, boulevard de Lattre-de-Tassigny, et tendant à l’annulation de la décision du 28 novembre 2000 de la commission départementale d’aide sociale de confirmer celle de la commission d’admission à l’aide sociale de Ganot de récupérer sur l’intéressé la somme de 100 000 F dont sa mère, Mme Angela A..., décédée le 13 septembre 1999 et bénéficiaire de son vivant de l’allocation compensatrice du 14 décembre 1993 au 14 juillet 1998, puis de la prestation spécifique dépendance ultérieurement, lui aurait fait donation à la suite de la vente d’un immeuble, le 27 mai 1993, provenant de l’indivision constituée entre M. A... et ses fils au décès de leur père, le 13 avril 1974 ;
    Vu, enregistré comme ci-dessus, le 16 février 2001, le mémoire complémentaire de M. Christophe A... par lequel il appuie les conclusions de son recours initial sur les moyens qu’il n’aurait pas la qualité de donataire et qu’en tout état de cause les juridictions de l’aide sociale ne seraient pas compétentes pour apprécier si la remise en sa faveur du montant litigieux constituait ou non une donation ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense du 3 août 2001 du président du conseil général du département de l’Allier tendant au rejet des conclusions de recours susvisé par les motifs que celui-ci ne serait pas suffisamment étayé et que le versement par Mme A... au profit de M. Christophe A... du montant de 100 000 F représentant sa part dans la vente de l’immeuble sus évoqué pour un prix total de 200 000 F constituerait une donation au sens de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors en vigueur ;
    Vu, enregistré le 20 septembre 2001 par le secrétariat de la commission de céans, le mémoire en réplique de Me V..., de la société civile professionnelle d’avocats V... -G... -R..., conseil de M. A..., tendant aux mêmes fins que le recours initial par les moyens que :
    1o  la commission départementale d’aide sociale ne pouvait directement trancher la question préjudicielle de la qualification de donation ou pas de la remise de la somme de 100 000 F par M. A... à son fils Christophe ;
    2o  une donation « ne peut être établie que par acte notarié » ;
    3o  le notaire ayant authentifié la vente de 1993 a indiqué dans une attestation du 20 avril 1993 qu’il avait été mandaté par les vendeurs « pour remettre l’intégralité du prix à Monsieur Christophe A... » mais que cela n’aurait pas valu consentement « d’une libéralité » au profit du bénéficiaire comme il le mentionne dans sa lettre du 3 juillet 2000 adressée à Me V... ;
    4o  enfin, la succession de M. A... n’était pas réglée à la date de la décision contestée, M. Christophe A... ne disposant sur celle-ci que de droits inférieurs à 100 000 F ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 30 juin 2003, M. Goussot, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la compétence des juridictions de l’aide sociale :
    Considérant qu’aux termes de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale en vigueur à la date de la demande d’aide sociale « des recours sont exercés par le département (...) : (...) b) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à (celle-ci) ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; que les juridictions de l’aide sociale sont compétentes pour statuer sur les litiges nés de l’application de ces dispositions ; que seules revêtent un caractère préjudiciel pour les commissions départementales d’aide sociale les questions qui, soulevées à titre principal, échapperaient à la compétence des juridictions administratives et présenteraient des difficultés sérieuses ; qu’en l’espèce, comme il va être dit, ces dernières conditions ne sont pas réunies ; que la commission départementale d’aide sociale de l’Allier, comme la commission centrale d’aide sociale peuvent ainsi, statuer sans renvoi préjudiciel à l’autorité judiciaire ;
    Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours :
    Considérant qu’aux termes de l’article 931 du code civil « tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats, et il en restera minute, sous peine de nullité » ; qu’est soumis à ces formalités notamment l’acte par lequel, dans le cadre d’un partage anticipé, il est fait abandon par l’épouse survivante au profit de ses enfants, dans une institution libérale, de son droit d’usufruit et de sa part en pleine propriété dans la communauté ;
    Considérant toutefois, qu’échappe aux dites formalités, le don manuel entraînant la dépossession du donateur et manifestant une intention libérale ;
    Considérant en l’espèce qu’au décès de son mari, survenu le 13 avril 1974, Mme A... se trouvait titulaire d’un droit de pleine propriété sur l’immeuble figurant dans la communauté des époux réduite aux acquêts, à concurrence de la moitié de sa valeur, et d’un droit d’usufruit sur le bien en cause tandis que ses trois fils, venant à la succession de leur père, devenaient nus propriétaires de l’autre moitié, à raison d’un tiers de celle-ci pour chacun d’eux ; que cet immeuble en indivision a été vendu aux termes d’un acte enregistré par Me J... le 27 mai 1993 ;
    Considérant que Mme A... a renoncé à recevoir la moitié du produit de la vente, soit 100 000 F ; qu’elle a remis cette somme à M. Christophe A... par l’intermédiaire de Me J... ; qu’il résulte clairement du dossier soumis à la commission centrale d’aide sociale que cette remise, fût-elle qualifiée de « mise à disposition » par le notaire instrumentaire de l’acte de vente constituait un don manuel de Mme A... à son fils Christophe de la somme lui revenant du fait de la vente effectuée ; qu’à supposer même que Mme A... et ses deux autres fils aient entendu pourvoir à ce don dans le cadre d’une avance sur succession, ce qui n’est d’ailleurs pas établi, un tel don, pas davantage qu’une donation partage en avancement d’hoirie devant notaire, n’échapperait à l’emprise du recours prévu par l’article 146 b du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable ; qu’ainsi M. Christophe A... n’est pas fondé à se prévaloir, comme il l’a fait en première instance, des dispositions prévues par le code en faveur des héritiers de la personne handicapée ; que le défaut d’acte notarié est dès lors, en l’espèce, sans incidence ;
    Considérant que Mme A... a fait un don manuel en faveur de son fils Christophe, ayant entraîné une dépossession ; que l’attestation de Me J... selon laquelle « il s’agit d’une simple mise à disposition de fonds » (à titre d’avance) « et non d’une donation » n’est pas de nature à établir que les fonds remis par Mme A... à son fils n’aient pas constitué un tel don manuel ; qu’alors même que le notaire indique que « les vendeurs » (seule est en cause en l’instance, Mme A...) « n’ont pas consenti une libéralité » aucune pièce du dossier, à la date de la présente décision ne corrobore un telle qualification ; qu’à la différence des mentions des actes établis par les officiers ministériels, une telle qualification ne s’impose pas en l’espèce, au juge de l’aide sociale ; qu’enfin, l’absence d’acte authentique enregistrant la volonté des parties demeure sans incidence, dès lors qu’il est constant que les dons manuels peuvent échapper aux formalités prévues par l’article 931 du code civil ; qu’il résulte de tout ce qui précède que l’appréhension par M. Christophe A... de la part du produit de la vente revenant à sa mère entrait bien dans le champ du b de l’article 146 du code de l’action sociale et des familles alors applicable ; que dès lors, le département de l’Allier était fondé à exercer un recours contre M. Christophe A... en qualité de donataire pour recouvrer une part du montant de l’allocation compensatrice pour tierce personne et de la prestation spécifique dépendance versées au profit de Mme A... ;

Décide

    Art. 1er - Le recours introduit par M. A... est rejeté.
    Art. 2 - La présente décision sera notifiée à Me V... et au président du conseil général du département de l’Allier.
    Art. 3 - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 juin 2003 où siégeaient M. Lévy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Goussot, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 6 août 2003.
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer