Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

2400
 
  OBLIGATION ALIMENTAIRE  
 

Mots clés : Personnes âgées - Placement - Obligation alimentaire - Bénéficiaire - Aide sociale
 

Dossier no 001969

Mme R...
Séance du 11 mars 2003

Décision lue en séance publique le 26 mars 2003

    Vu la requête présentée le 19 janvier 2000 par M. Alain N... au nom de Mme Alice R..., dont il est le gérant de tutelle, tendant à l’annulation de la décision du 22 novembre 1999 de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor maintenant la décision du 29 juin 1999 par laquelle la commission cantonale d’admission à l’aide sociale de Rostrenen a refusé à Mme R... le bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge des frais de son hébergement au centre de long séjour « Résidence Kéramour » de Rostrenen, à compter du 1er décembre 1998, au motif que le dossier de demande d’aide sociale était incomplet ;
    Le requérant fait valoir qu’il a communiqué à l’administration et au juge de l’aide sociale l’ensemble des éléments d’information qu’il lui incombait de produire, notamment ceux relatifs au calcul des ressources de toute nature de la demanderesse de l’aide sociale ; qu’à supposer même que Mme Jeannine C..., obligée alimentaire de l’intéressée, se soit refusée à communiquer les éléments constitutifs de ses propres ressources, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la demande d’aide sociale ; qu’au demeurant, Mmes R... et C... possèdent en indivis des biens immobiliers dont la réalisation permettrait, le cas échéant, aux services de l’aide sociale de récupérer les sommes éventuellement avancées à Mme R... pour la prise en charge des frais de son hébergement ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu les observations présentées le 28 mars 2000 par le président du conseil général des Côtes-d’Armor, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que, faute de renseignements sur la capacité contributive de l’unique obligée alimentaire de Mme R..., les commissions d’admission à l’aide sociale ne pouvaient se prononcer sur la demande d’aide sociale de l’intéressée ; qu’il n’y a pas lieu de dispenser cette obligée de toute contribution ; que le bien immobilier susmentionné ne peut être hypothéqué, dès lors qu’il n’appartient pas en propre à la demanderesse ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale, ensemble le code de l’action sociale et des familles ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 11 mars 2003, M. Bereyziat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que, pour refuser à Mme R... le bénéfice de l’aide sociale qu’elle sollicitait, la commission départementale des Côtes-d’Armor s’est fondée sur la circonstance que Mme C..., unique obligée alimentaire de l’intéressée, avait refusé de faire connaître aux services de l’aide sociale ses capacités contributives ; que c’est par une erreur de plume que, dans la décision attaquée, il est fait mention du défaut d’information concernant la « situation financière de Mme R... », et non de celle de son obligée ;
    Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, reprenant l’article 142 du code de la famille et de l’aide sociale : « Les ressources de quelque nature qu’elles soient, à l’exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l’aide aux personnes âgées ou de l’aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 %. Toutefois, les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l’aide sociale sont déterminées par décret (...) » ; que l’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles, reprenant l’article 144 du code de la famille et de l’aide sociale, dispose : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. La commission d’admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques (...) » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 132-7 du code de l’action sociale et des familles, reprenant l’article 145 du code de la famille et de l’aide sociale : « En cas de carence de l’intéressé, le représentant de l’Etat ou le président du conseil général peut demander en son lieu et place à l’autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l’Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part de l’aide sociale (...) » ;
    Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la circonstance qu’une demande d’aide sociale ne comporte pas l’intégralité des renseignements relatifs à l’ensemble des obligés alimentaires du demandeur, ne peut faire échec à l’admission à l’aide sociale, sauf à priver le demandeur du bénéfice des garanties qui lui sont reconnues par la loi ; que l’administration de l’aide sociale est en mesure de procéder à des recherches dans l’intérêt des familles ou à des recoupements avec les données fiscales ; qu’en tout état de cause, il appartient au président du conseil général, si la carence des intéressés est avérée, de saisir l’autorité judiciaire pour faire fixer le montant éventuel de la dette alimentaire, en application des dispositions précitées de l’article L. 132-7 du code de l’aide sociale et des familles ;
    Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, par sa décision du 22 novembre 1999, la commission départementale du Val-d’Oise s’est fondée sur la circonstance que la demande d’aide présentée par Mme Alice R... ne comportait pas certains renseignements relatifs à son obligée alimentaire, pour refuser à l’intéressée le bénéfice de l’aide sociale ;
    Considérant qu’il appartient à la commission centrale d’aide sociale, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. N..., agissant au nom de Mme R..., devant la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction que les ressources de Mme Alice R... ne peuvent lui permettre de supporter intégralement les frais de son placement au centre de long séjour « Résidence Kéramour » de Rostrenen à compter du 1er décembre 1998 ; qu’il résulte de ce qui précède qu’en l’absence au dossier de tout élément d’information sur les capacités contributives de Mme Jeannine C..., son unique obligée alimentaire qui, au demeurant, soutient sans être contredite qu’elle est privée d’emploi et dénuée de toutes ressources, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’admettre Mme Alice R... au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge des frais d’hébergement susmentionnés ; que, par suite, M. N... est fondé à demander l’annulation de la décision du 22 novembre 1999 de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor ; qu’en application des dispositions précitées de l’article L. 132-7 du code de l’aide sociale et des familles, il appartient au président du conseil général des Côtes-d’Armor, s’il s’y croit fondé, de demander au juge aux affaires familiales la fixation du montant de la dette alimentaire de Mme C... ; qu’il lui revient également, dans les mêmes conditions, d’engager en temps utile l’action prévue à l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles, afin de récupérer sur les successeurs ou légataires d’un bénéficiaire de l’aide sociale les sommes qui lui ont été avancées par celle-ci ;

Décide

    Art. 1er.  -  La décision du 22 novembre 1999 de la commission départementale d’aide sociale des Côtes-d’Armor est annulée.
    Art. 2.  -  Mme Alice R... est admise au bénéfice de l’aide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de ses frais de son hébergement au centre de long séjour « Résidence Kéramour » de Rostrenen à compter du 1er décembre 1998, sous réserve du prélèvement légal sur l’ensemble de ses ressources de toute nature.
    Art. 3.  -  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
    Art. 4.  -  La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 11 mars 2003 où siégeaient M. Belorgey, Président, M. Vieu, assesseur, M. Bereyziat, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 26 mars 2003
    La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer