Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Juridictions de laide sociale - Compétence |
Le Conseil dEtat statuant au contentieux, sur le rapport de la 1re sous-section, de la section du contentieux
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 236421
M. Bernardi
Séance du 9 janvier 2003
Lecture du 29 janvier 2003
Au nom du peuple français,
Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 23 juillet, 22 novembre et 4 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Marcel Bernardi, demeurant quartier Peissonel à Vidauban (83550), M. Bernardi demande au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision en date du 5 décembre 2000, par laquelle la commission centrale daide sociale a rejeté sa requête dirigée contre la décision du 24 septembre 1998 par laquelle la commission départementale daide sociale du Var a rejeté son recours dirigé contre la commission dadmission à laide sociale du Luc du 19 mars 1998 décidant la récupération dune somme de 163 644,18 F en remboursement des avances consenties à sa mère au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne ;
2o De condamner le département du Var à lui verser la somme de 15 000 F au titre de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, conseiller dEtat ;
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. Bernardi ;
- les conclusions de Mlle Fombeur, commissaire du Gouvernement,
Considérant que la requête de M. Bernardi doit être regardée comme ne portant que sur la récupération des sommes avancées par le département du Var à sa mère au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne ;
Considérant quaux termes de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale alors en vigueur : « Des recours sont exercés par le département, par lEtat si le bénéficiaire de laide sociale na pas de domicile de secours, ou par la commune lorsquelle bénéficie dun régime spécial daide médicale :
a) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ;
b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ;
c) Contre le légataire (...) » ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui laccepte » ;
Considérant quaux termes de larticle 900-1 du même code : « Les clauses dinaliénabilité affectant un bien donné ou légué ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime » ;
Considérant que, pour écarter le moyen présenté par M. Bernardi pour contester la légalité de la décision du 24 septembre 1998 par laquelle la commission départementale daide sociale du Var a confirmé la décision de récupération dune somme de 163 644,18 F (24 947,39 Euro) en remboursement des avances consenties à sa mère au titre de lallocation compensatrice pour tierce personne, et tiré de ce que la donation effectuée par sa mère à son profit était une avance dhoirie assortie de conditions telles quil nen était résulté aucun appauvrissement de la donatrice, la commission centrale daide sociales sest bornée à relever que, « dans les circonstances de lespèce, les clauses de la donation et dailleurs lexécution de celle-ci ne sont pas de nature à révéler une absence dappauvrissement de la donatrice (...) » ; quune telle motivation, qui ne met pas le juge de cassation à même dexercer son contrôle, est insuffisante ; que si, en outre, la commission a entendu se fonder également sur « la règle générale de procédure applicable devant toute juridiction administrative », selon laquelle « les requêtes doivent être motivées dans le délai de recours contentieux », cette commission, juridiction administrative devant laquelle la procédure a un caractère écrit, peut rejeter pour défaut de motivation un appel lorsque le requérant, invité préalablement à régulariser sa requête, sest abstenu de le faire mais ne peut, en labsence de texte précisant les modalités de sa saisine, exiger que la motivation écrite soit exposée avant lexpiration du délai de recours ; que la commission a ainsi entaché sa décision derreur de droit ; que M. Bernardi est, par suite, fondé à en demander lannulation ;
Considérant quil y a lieu, par application de larticle L. 821-2 du code de justice administrative, de régler laffaire au fond ;
Considérant que, par acte notarié du 10 février 1994, Mme Bernardi a fait donation à son fils, M. Marcel Bernardi, de la nue-propriété de biens immobiliers, pour une valeur de 693 000 F, situés à Vidauban (Var) ; que ni la circonstance que cet acte de disposition, consenti en avancement dhoirie et qui ne révèle pas lintention de Mme Bernardi de sappauvrir volontairement, ait été assorti dune clause dinaliénabilité de la vie durant de la donatrice, ni la circonstance que Mme Bernardi soit décédée en février 1999 ne lui ôte son caractère de donation au sens des articles précités du code civil ; quainsi, une action en récupération peut être engagée par le département du Var sur le fondement des dispositions précitées du b de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale ;
Considérant quil convient de se prononcer sur le bien-fondé de laction en récupération engagée daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune ou lautre parties ; que la situation financière de M. Bernardi est modeste ; quil y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de réduire à 5 000 Euro le montant de la somme pouvait être récupérée par le département du Var ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que M. Bernardi est fondé à demander lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale du Var du 24 septembre 1998 refusant de réduire le montant de la somme dont la récupération avait été décidée par la commission dadmission ;
Sur les conclusions de M. Bernardi tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstance de lespèce, il y a lieu de faire application de larticle L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le département du Var à payer M. Bernardi la somme de 1 500 Euro au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide
Article 1er. - La décision de la commission centrale daide sociale en date du 5 décembre 2000 et la décision de la commission départementale daide sociale du Var en date du 24 septembre 1998 sont annulées.
Article 2. - La somme que le département du Var est autorisé à récupérer sur M. Bernardi est réduite à 5 000 Euro.
Article 3. - Le département du Var versera à M. Bernardi la somme de 1 500 Euro sur le fondement de larticle L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4. - Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5. - La présente décision sera notifiée à M. Marcel Bernardi, au département du Var et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.