Procédure dans le contentieux de laide sociale générale |
1322 |
INSTANCE | ||
Mots clés : Commission centrale daide sociale (CCAS) - Procédure |
Le Conseil dEtat statuant au contentieux (section du contentieux, 1re et 2e sous-sections réunies), sur le rapport de la 1re sous-section, de la section du contentieux
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 234148
M. Bournigal
Séance du 18 décembre 2002
Lecture du 13 janvier 2003
Au nom du peuple français,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 26 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Yves Bournigal, demeurant 2, rue Hucheloup à Machecoul (44270) ; M. Bournigal demande au Conseil dEtat lannulation de la décision du 18 avril 2000 de la commission centrale daide sociale annulant la décision de la commission départementale daide sociale de la Loire-Atlantique en date du 24 avril 1995 et fixant à 30 000,00 F (4 573,47 Euro) la récupération effectuée sur les donations consenties par M. et Mme Marcel Bournigal à M. Yves Bournigal et rejetant le surplus des conclusions de M. Yves Bournigal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le décret no 61-495 du 15 mai 1961 modifiant le décret du 7 janvier 1969 et notamment ses articles 4 et 4-1 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, conseiller dEtat ;
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, Laugier, avocat de M. Bournigal ;
- les conclusions de Mlle Fombeur, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la composition de la commission centrale daide sociale :
Considérant quaux termes de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de la commission centrale daide sociale, et dont les dispositions ont été reprises à larticle L. 134-2 du code de laction sociale et des familles : « (...) la commission centrale daide sociale est composée de sections et de sous-sections dont le nombre est fixé par décret en Conseil dEtat. Le président de la commission centrale daide sociale est nommé par le ministre chargé de laide sociale, sur proposition du vice-président du Conseil dEtat parmi les conseillers dEtat en activité ou honoraires. - Chaque section ou sous-section comprend, en nombre égal, dune part, des membres du Conseil dEtat, des magistrats de la Cour des comptes ou des magistrats de lordre judiciaire en activité ou honoraires désignés respectivement par le vice-président du Conseil dEtat, le premier président de la Cour des comptes ou le garde des sceaux, ministre de la justice, dautre part, des fonctionnaires ou personnes particulièrement qualifiées en matière daide ou daction sociale désignés par le ministre chargé de laide sociale. - Les membres de la commission centrale sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable. - Le président ou le vice-président de chaque section ou de la sous-section sont désignés parmi les membres de la section ou de la sous-section par le ministre chargé de laide sociale. - Des rapporteurs chargés dinstruire les dossiers sont nommés par le ministre chargé de laide sociale soit parmi les membres du Conseil dEtat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes particulièrement compétentes en matière daide ou daction sociale. Ils ont voix délibérative dans les affaires dont ils sont rapporteurs (...) » ;
Considérant quaux termes de larticle 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales : « I. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale portée contre elle (...) » ; que la décision attaquée de la commission centrale daie sociale en date du 18 avril 2000 annulant la décision de la commission départementale daide sociale de la Loire-Atlantique du 24 avril 1995 et limitant à 30 000,00 F (4 573,47 Euro) la récupération effectuée, au titre de lallocation compensatrice daide de tierce personne dont avaient bénéficié les grands-parents de M. Yves Bournigal, sur la donation quils lui avaient consentie tranche une contestation relative à des droits et obligations à caractère civil, au sens de ces stipulations ;
Considérant quen vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit ; que, dès lors, la présence de fonctionnaires de lEtat parmi les membres dune juridiction ayant à connaître de litiges auxquels celui-ci peut être partie ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur limpartialité de celle-ci ; que, sagissant de la commission centrale daide sociale, eu égard à ses attributions et aux conditions de son fonctionnement, ni la circonstance que les sections ou sous-sections appelées à statuer sur les litiges dont elle est saisie comprennent, en vertu des dispositions précitées de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale, des membres nommés par le ministre chargé de laide sociale pouvant être choisis tant parmi les fonctionnaires en activité ou honoraires, que parmi des personnalités qualifiées en matière daide ou daction sociale, ni le fait que certains des rapporteurs chargés dinstruire les dossiers et qui ont voix délibérative dans les affaires quils rapportent, peuvent être, comme ces dispositions le permettent, des fonctionnaires dadministration centrale, ne sont de nature à faire obstacle, par eux-mêmes, à ce que cette juridiction puisse être regardée comme un tribunal indépendant et impartial, au sens des stipulations précitées de larticle 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Considérant, il est vrai, que les dispositions régissant la composition des formations de jugement de la commission centrale daide sociale doivent être mises en uvre dans le respect du principe dimpartialité qui sapplique à toute juridiction, et que rappellent ces mêmes stipulations ; quil peut être porté atteinte à ce principe lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un fonctionnaire appelé à siéger dans une des formations de jugement de la commission centrale daide sociale le font participer à lactivité des services en charge des questions daide sociale soumises à la juridiction ; quil suit de là que lorsquelles statuent sur un litige portant sur des prestations daide sociale relevant du département, ces formations ne peuvent comprendre, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service du département en charge de laide sociale ;
Considérant que le litige soumis en lespèce à la commission centrale daide sociale a trait à la récupération de sommes versées au titre dune prestation relevant du département de la Loire-Atlantique ; quil est constant quaucun fonctionnaire de ce département na siégé dans la formation de jugement qui a rendu la décision attaquée ; que le requérant nest, par suite, pas fondé à soutenir que cette décision aurait été rendue en méconnaissance du principe dimpartialité ;
Sur la procédure suivie devant la commission centrale daide sociale :
Considérant quaux termes du dernier alinéa de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale : « (...) Le demandeur, accompagné de la personne ou de lorganisme de son choix, est entendu lorsquil le souhaite » ; que ces dispositions, qui doivent être interprétées, conformément aux règles générales de procédure applicables devant les juridictions administratives, comme sappliquant à toutes les parties présentes dans un même instance devant la commission centrale daide sociale, imposent à celle-ci de mettre ces parties à même dexercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; quà cet effet, elle doit soit avertir les parties de la date de la séance, soit les inviter à lavance à lui faire connaître si elles ont lintention de présenter des explications verbales pour quen cas de réponse affirmative de leur part elle avertisse ultérieurement de la date de la séance celles des parties qui ont manifesté une telle intention ;
Considérant quil ressort des pièces du dossier que le président de la 4e section de la commission centrale daide sociale a, par lettre datée du 13 décembre 1999, averti lavocat de M. Yves Bournigal de sa décision dinscrire laffaire au rôle de laudience du 28 février 2000 et que le dossier lui a été transmis par lettre datée du 2 février 2000 ; que, dès lors, M. Yves Bournigal nest pas fondé à soutenir que la procédure devant la commission centrale daide sociale aurait été irrégulière ;
Considérant, il est vrai, que lavocat de M. Yves Bournigal avait demandé le renvoi de laffaire à une date ultérieure mais quil ne pouvait présumer que cette demande de renvoi, qui nest ni automatique ni de droit, serait acceptée ; que, dès lors, et alors même quil naurait pas été informé du refus de sa demande de renvoi, il lui appartenait de se présenter à laudience fixée le 28 février 2000 ou de sy faire représenter ; que la circonstance quil nait reçu quaprès laudience une lettre du président de la formation de jugement refusant le renvoi de laffaire nentache pas dirrégularité la procédure suivie par la commission centrale ;
Sur la motivation de la décision :
Considérant que la commission centrale daide sociale, qui nétait pas tenue de mentionner dans sa décision le détail des charges et ressources de M. Yves Bournigal a suffisamment indiqué les motifs pour lesquels, compte tenu de lensemble des éléments portés à sa connaissance, elle a réduit le montant à récupérer de 62 068,42 francs à la somme totale de 30 000,00 francs (4 573,47 euros) ;
Sur lerreur de droit :
Considérant quaux termes de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, devenu larticle L. 132-8 du code de laction sociale et des familles, des recours peuvent être exercés par le département dans les hypothèses suivantes : « 1o contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire, 2o contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande, 3o contre le légataire » ; que ces dispositions ninterdisent pas une action en récupération auprès dun donataire dans lhypothèse prévue au 2o de larticle L. 132-8 précité ; que, si les dispositions de larticle 4-1 du décret du 15 mai 1961 limitent le recouvrement sur la succession à la partie de lactif net successoral qui excède 46 000,00 euros, elles sont sans application en lespèce dès lors que la récupération est effectuée au titre dune donation ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le requérant nest pas fondé à demander lannulation de la décision attaquée ;
Décide
Article 1er. - La requête de M. Yves Bournigal est rejetée.
Article 2. - La présente décision sera notifiée à M. Yves Bournigal, au département de la Loire-Atlantique et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.