Procédure dans le contentieux de laide sociale générale |
1111 |
PRINCIPES PROCÉDURAUX | ||
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 240028
M. T...
Séance du 22 novembre 2002
Lecture du 6 décembre 2002
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 2001 et 11 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, présentés pour M. Jacques T..., demeurant rue de la Panneterie, à Saint-Rémy-du-Nord (59330) ; M. T... demande au Conseil dEtat :
1o dannuler sans renvoi la décision en date du 13 août 2001 par laquelle la commission centrale daide sociale a rejeté son recours formé contre une décision de la commission départementale daide sociale du Nord en date du 5 octobre 1999 confirmant une décision le radiant du dispositif du revenu minimum dinsertion ;
2o de condamner lEtat à lui verser la somme de 1 900 Euro en application de larticle L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laction sociale ;
Vu lordonnance no 2000-1249 du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de laction sociale et des familles ;
Vu la loi modifiée no 88-1088 du 1er décembre 1998 relative au revenu minimum dinsertion ;
Vu le décret modifié no 88-1111 du 12 décembre 1998 relatif à la détermination du revenu minimum dinsertion et à lallocation du revenu minimum dinsertion, et modifiant le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Salins, maître des requêtes ;
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. T... ;
- les conclusions de Mlle Fombeur, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité de la composition de la commission centrale daide sociale :
Considérant quaux termes des dispositions de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale maintenues en vigueur à la date de la décision attaquée, par larticle 5 de lordonnance du 21 décembre 2000 relative à la partie législative du code de laction sociale et des familles : « (...) La commission centrale daide sociale est composée de sections et de sous-sections dont le nombre est fixé par décret en Conseil dEtat. Le président de la commission centrale est nommé par le ministre chargé de laide sociale, sur proposition du vice-président du Conseil dEtat parmi les conseillers dEtat en activité ou honoraires. Chaque section ou sous-section comprend, en nombre égal, dune part, des membres du Conseil dEtat, des magistrats de la Cour des comptes ou des magistrats de lordre judiciaire en activité ou honoraires désignés respectivement par le vice-président du Conseil dEtat, le premier président de la Cour des comptes ou le garde des sceaux, ministre de la justice, dautre part, des fonctionnaires ou des personnes particulièrement qualifiées en matière daide ou daction sociale désignés par le ministre chargé de laide sociale. Les membres de la commission centrale sont nommés pour une durée de quatre ans renouvelable. Le président et le vice-président de chaque section ainsi que le président de chaque sous-section sont désignés parmi les membres de la section ou de la sous-section par le ministre chargé de laide sociale. Des rapporteurs chargés dinstruire les dossiers sont nommés par le ministre chargé de laide sociale soit parmi les membres du Conseil dEtat et les magistrats de la Cour des comptes, soit parmi les fonctionnaires des administrations centrales des ministères, soit parmi les personnes particulièrement compétentes en matière daide ou daction sociale. Ils ont voix délibérative dans les affaires dont ils sont rapporteurs (...) » ;
Considérant quaux termes de larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale portée contre elle (...) » ; que la décision attaquée de la commission centrale daide sociale en date du 13 août 2001 rejetant lappel formé par M. T... contre la décision de la commission départementale daide sociale du Nord relative à la récupération dun trop-perçu par M. T... au titre du revenu minimum dinsertion tranche une contestation relative à des droits et obligations à caractère civil, au sens de ces stipulations ;
Considérant quen vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et sans recevoir quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit ; que dès lors, la présence de fonctionnaires de lEtat parmi les membres dune juridiction ayant à connaître de litiges auxquels celui-ci peut être partie ne peut, par elle-même, être de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur limpartialité de celle-ci ; que, sagissant de la commission centrale daide sociale, eu égard à ses attributions et aux conditions de son fonctionnement, ni la circonstance que les sections ou sous-sections appelées à statuer sur les litiges dont elle est saisie comprennent, en vertu des dispositions précitées de larticle 129 du code de la famille et de laide sociale, des membres nommés par le ministre chargé de laide sociale pouvant être choisis parmi les fonctionnaires en activité ou honoraires, ni le fait que certains des rapporteurs chargés dinstruire les dossiers et qui ont voix délibérative dans les affaires quils rapportent peuvent être, comme ces dispositions le permettent, des fonctionnaires dadministration centrale, ne sont de nature à faire obstacle, par eux-mêmes, à ce que cette juridiction puisse être regardée comme un tribunal indépendant et impartial, au sens des stipulations précitées de larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales ;
Considérant, il est vrai, que les dispositions régissant la composition des formations de jugement de la commission centrale daide sociale doivent être mises en uvre dans le respect du principe dimpartialité qui sapplique à toute juridiction, et que rappellent ces mêmes stipulations ; quil peut être porté atteinte à ce principe lorsque, sans que des garanties appropriées assurent son indépendance, les fonctions exercées par un fonctionnaire appelé à siéger dans une des formations de jugement de la commission centrale daide sociale le font participer à lactivité des services en charge des questions daide sociale soumises à la juridiction ; quil suit de là que lorsquelles statuent, comme en lespèce, sur un litige portant sur des prestations daide sociale relevant de lEtat, ces formations ne peuvent comprendre, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres membres, des fonctionnaires exerçant leur activité au sein du service ou de la direction en charge de laide sociale au ministère des affaires sociales ;
Mais considérant quil ressort des pièces du dossier que la formation de jugement qui a statué sur lappel formé par M. T... devant la commission centrale daide sociale comprenait, outre un conseiller honoraire à la cour dappel de Paris et un directeur général honoraire des services législatifs du Sénat, une attachée principale dadministration centrale en activité à la direction des relations du travail du ministère du travail et dont les fonctions étaient sans lien avec les services en charge de laide sociale ; que le requérant nest, par suite, pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été rendues en méconnaissance du principe dimpartialité ;
Sur la procédure suivie devant la commission centrale daide sociale :
Considérant quaux termes du dernier alinéa de larticle 129 du Code de la famille et de laide sociale : « (...) Le demandeur, accompagné de la personne ou de lorganisme de son choix, est entendu lorsquil le souhaite » ; que ces dispositions, qui doivent être interprétées, conformément aux règles générales de procédure applicables devant les juridictions administratives, comme sappliquant à toutes les parties présentes dans une même instance devant la commission centrale daide sociale, imposent à celle-ci de mettre ces parties à même dexercer la faculté qui leur est ainsi reconnue ; quà cet effet, elle doit, soit avertir les parties de la date de la séance, soit les inviter à lavance à lui faire connaître si elles ont lintention de présenter des explications verbales pour quen cas de réponse affirmative de leur part, elle avertisse ultérieurement de la date de la séance celles des parties qui ont manifesté une telle intention ;
Considérant quen lespèce, il ressort des pièces du dossier et des mentions de la décision attaquée que la commission centrale daide sociale ayant, par lettre du 20 février 2000, invité M. T... et le préfet du Nord à lui faire savoir sils souhaitaient présenter des observations orales, et seul M. T... ayant exprimé une telle intention, elle a, en conséquence, contrairement à ce que soutient le requérant, informé son avocat, par lettre du 24 avril 2001 dont il a accusé réception, du jour et de lheure de la séance publique au cours de laquelle cet avocat a présenté des observations orales ; que, dans ces conditions, la commission centrale daide sociale na pas commis dirrégularité en ninformant pas le préfet de la date et de lheure de cette séance ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que M. T... nest pas fondé à soutenir que la procédure devant la commission centrale daide sociale aurait été irrégulière ;
Sur la motivation de la décision attaquée :
Considérant quen indiquant dans sa décision que « le courrier du 15 mars 1999 de la mutualité sociale agricole du Nord a informé le requérant de ce que le préfet lavait radié du dispositif du revenu minimum dinsertion par une décision du 1er juillet 1998 », la commission centrale daide sociale a nécessairement jugé quil existait une décision du préfet du Nord en date du 1er juillet 1998 radiant M. T... du bénéfice du revenu minimum dinsertion ; quainsi, le requérant nest pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée dirrégularité pour navoir pas répondu à son moyen tiré de lincompétence de la mutualité sociale agricole du département du Nord pour le radier du bénéfice du revenu minimum dinsertion en labsence de toute décision préfectorale en ce sens ;
Sur le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier :
Considérant quen jugeant que la cessation de tout versement du revenu minimum dinsertion à compter du 1er septembre 1998 et la demande de reversement des sommes perçues par M. T... au titre de ce revenu pour les mois de juillet et août 1998 faisaient suite à une décision préfectorale en date du 1er juillet 1998 le radiant du bénéfice du revenu minimum dinsertion, la commission centrale daide sociale a porté sur les pièces du dossier une appréciation exempte de toute dénaturation ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le requérant nest pas fondé à demander lannulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à lapplication des dispositions de larticle L. 761-1 du Code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que lEtat, qui nest pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. T... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Décide
Art. 1er. - La requête de M. T... est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à M. Jacques T... et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.