Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Récupération sur donation - Qualification de lacte - Contrat dassurance vie |
Dossier no 000634
Mme D...
Séance du 24 juin 2002
Décision lue en séance publique le 2 juillet 2002
Vu la requête formée par Mme Simone C... en date du 18 novembre 1999 qui conteste la décision de la commission départementale daide sociale de la Loire en date du 7 octobre 1999 qui confirme la décision de la commission cantonale daide sociale du 15 juin 1999 laquelle a décidé la récupération de la créance de 98 992 F en raison du versement de lallocation compensatrice due à Mme D... Augustine décédée le 10 novembre 1998, complétée par un mémoire en date du 14 janvier 2002 qui affirme quelle a pris soin de Mme D... tant pour ses démarches administratives que pour sa vie courante, et quen conséquence, elle demande lapplication de larticle 39 II de la loi 75-534 ;
Vu le mémoire en défense du président du conseil général de la Loire qui soutient que le contrat est une donation déguisée, que la désignation est une intention libérale envers Mme C... et Mme P... ; que le versement est effectué sous la forme dune prime unique que possédait déjà Mme D... et quen conséquence, il y a lieu dinterpréter la souscription de ce contrat comme une donation, compte tenu du fait que la qualification donnée par les parties à un contrat ne fait pas obstacle au droit de ladministration de rétablir sa nature exacte ;
Vu le mémoire en réplique de Mme C... enregistré le 17 janvier 2002 persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et ceux que le placement a été effectué sur les conseils du responsable local de la Caisse dEpargne ; quil ne peut sagir en aucun cas dune donation déguisée ainsi que laffirme le président du conseil général ; que larticle L. 732-14 du code des assurances interdit cette qualification ; que larticle 48 de la loi du 30 juin 1975 interdit également la récupération ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le décret du 15 mai 1961 ;
Vu le décret du 17 décembre 1990 ;
Après avoir entendu à laudience publique du 24 juin 2002, M. Courault, rapporteur, et les observations de Mme C..., et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quil ressort du dossier que le rapporteur de la commission départementale daide sociale de la Loire qui a rendu la décision attaquée était le fonctionnaire qui suit le dossier de linstance dans les services du département ainsi que le précise le mémoire en défense ; quaucune disposition formelle, en tout état de cause, ne permet décarter la règle selon laquelle un membre dune juridiction administrative ne peut être le fonctionnaire de dadministration en charge du dossier ; quil sagit dailleurs dun principe applicable en labsence de disposition législative, laquelle serait, du reste, contraire à larticle 6 de la convention européenne de sauvegarde droits de lhomme et des libertés fondamentales ; que la décision attaquée doit être annulée et quil y a lieu dévoquer la demande ;
Considérant que la décision de la commission dadmission à laide sociale du 15 juin 1999 récupère sur Mme C... en qualité de légataire universelle lactif net de la succession de Mme D... et auprès de Mme C... et Mme P..., sa sur, en qualité de donataires, le versement effectué au titre dun contrat dassurance vie souscrit par Mme D... et les désignant comme bénéficiaires ; que dans le dernier état de linstruction, Mme C..., seule requérante, indique expressément ne pas contester la décision de la commission dadmission à laide sociale en ce quelle la recherche en qualité de légataire universelle ; que, quelle que puisse être à ce titre le bien-fondé de cette décision, il nexiste pas de litige en ce qui le concerne et il ny a donc pas lieu de lexaminer au fond ;
Considérant quen admettant même, que toute souscription dun contrat dassurance vie au profit du bénéficiaire ne constitue pas une donation indirecte susceptible dêtre appréhendée par laide sociale sur le fondement de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale alors applicable à hauteur du montant des primes, sans quil soit même besoin dexaminer les conditions dans lesquelles chaque contrat de la sorte a été souscrit, du seul fait de lappauvrissement du stipulant à ladite hauteur, au profit du bénéficiaire acceptant, sans contre partie de celui-ci, la stipulation pour autrui, constituée par le contrat dassurance vie ne peut être requalifiée en donation que si ladministration de laide sociale établit lintention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable de donation entre vifs alors même que lacceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait, mais en rétroagissant à la date de la signature du contrat, quau moment où le promettant lui a versé les sommes dues, en application du contrat après le décès du stipulant ;
Considérant que la preuve de lintention libérale peut être rapportée, alors même que le contrat peut être requalifié, non, comme le soutient le président du conseil général de la Loire, comme une donation déguisée, mais comme une donation indirecte ; quil appartient au juge de plein contentieux de laide sociale de pourvoir lui-même à la requalification dont sagit ; que par suite, le moyen tiré par Mme C... de ce que le contrat souscrit par Mme D... ne présentait aucun caractère frauduleux est inopérant ;
Considérant quaux termes de larticle 894 du code Civil, « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte » ; quaux termes de larticle L. 132-14 du code des assurances « le capital ou la rente garantis au profit dun bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement de primes » dans le cas indiqué par larticle L. 132-13, 2e alinéa, selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne sappliquent pas... aux sommes versées par le contractant à titre de primes à moins quelles naient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat dassurance vie ne peut être, requalifié par le juge de laide sociale en donation que lorsquau regard de lensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation lintention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, de renvoi préjudiciel à lautorité judiciaire ;
Considérant quen lespèce eu égard à lâge de la stipulante au moment de la souscription, (88 ans), à la durée du contrat, même assortit dune faculté de rachat, (8 ans) et au montant du versement effectué de 200 000 F alors que le surplus des valeurs mobilières de Mme D... était de lordre de 50 000 F, il résulte clairement de linstruction que Mme D... sest volontairement dépouillée au profit de Mme C... par ailleurs, dailleurs, sa légataire universelle, et de sa sur ; que la décision attaquée a pu requalifier la stipulation pour autrui, en donation indirecte, et récupérer dans la limite du versement effectué des prestations avancées par laide sociale ; que le moyen tiré de ce que les prestations étaient versées postérieurement à lacte est inopérant, dès lors que la demande daide sociale est intervenue moins de cinq ans après sa souscription ;
Considérant que les moyens tirés de ce que les prestations à domicile avancées sont dun montant inférieur à 300 000 F et de ce que Mme C... a assumé ainsi que sa sur, la charge effective et constante au sens des dispositions de larticle 48 de la loi du 30 juin 1975 de Mme D... sont inopérants, dès lors que la récupération nest pas recherchée au titre du a mais du b de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale alors applicable ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme C... ne peut être que rejetée ;
Décide
Art. 1er. - La décision de la commission départementale daide sociale de la Loire du 17 octobre 1999 est annulée.
Art. 2. - La demande formulée par Mme C... devant la commission départementale daide sociale de la Loire est rejetée.
Art. 3. - La présente décision sera transmise au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 24 Juin 2002 où siégeaient M. Levy, président, Mme Kornmann, assesseur, M. Courault, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 2 juillet 2002.
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, chacun en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer