Dispositions communes à tous les types daide sociale |
2330 |
RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Recours en récupération - Donation - Qualification |
Dossier no 000313
Mme R...
Séance du 19 mars 2002
Décision lue en séance publique le 23 avril 2002
Vu la requête présentée le 22 juillet 1999 par M. Robert R..., tendant à lannulation de la décision du 18 février 1997, qui lui a été notifiée le 9 juillet 1999, par laquelle la commission départementale daide sociale de lHérault, saisie par le président du conseil général du même département, a, dune part, annulé la décision du 3 septembre 1996 par laquelle la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas a décidé ny avoir lieu à récupération de la créance daide sociale représentative de services ménagers et de portage de repas détenue sur Mme Jeanne Michel veuve R..., mère et donatrice du requérant, dautre part, décidé de procéder, au décès de la postulante, à la récupération de cette créance à lencontre de M. R..., dans la limite du montant de la donation reçue par lintéressé le 24 janvier 1994, soit 88 200,00F (13 446,00 Euro) ;
Le requérant fait valoir que la décision de la commission départementale daide sociale a été prise au terme dune procédure irrégulière, dès lors quil na pas été informé de la possibilité de se faire entendre par la commission, ni de la date à laquelle laudience sest tenue ; que cette décision ne lui a été notifiée que le 9 juillet 1999, soit plus de deux ans après quelle a été prise ; quil a toujours subvenu seul au besoins de sa mère ; que la donation en cause a été évoquée par acte notarié en date du 18 septembre 1996, en vertu duquel Mme Jeanne R... a repris rétroactivement la propriété des biens litigieux à compter du 24 janvier 1994 ; que si sa mère est décédée le 19 octobre 1998, les sommes qui ont été avancées par laide sociale ne sauraient davantage être récupérées à lencontre des successeurs de lintéressée, dès lors que lactif net successoral est inférieur au seuil réglementaire ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les observations du président du conseil général de lHérault en date du 30 décembre 1999 qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les observations complémentaires présentées le 20 avril 2000 par M. Robert R..., qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre avoir été classé soutien de famille, à lâge de 21 ans, par décision du préfet de lHérault en date du 2 février 1956 ; quen particulier, le montant des frais quil a exposés depuis lannée 1985 pour lentretien courant du foyer et les soins médicaux administrés à sa mère sélève à 36 535,00 F environ ; quil a lui-même financé la majeure partie du coût dacquisition et la quasi-totalité des frais de réparation du bien immobilier ayant fait lobjet principal de la donation litigieuse, à concurrence de 145 000,00 F environ ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code civil, notamment ses articles 953 et 956 ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Après avoir entendu à laudience publique du 19 mars 2002, M. Bereyziat, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Sans quil soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant quaux termes de larticle L. 5 du code de justice administrative : « Linstruction des affaires est contradictoire (...) » ; quaux termes de larticle L. 6 du même code : « Les débats ont lieu en audience publique » ;
Considérant que le requérant soutient sans être contredit navoir pas été informé de la possibilité de se faire entendre par la commission départementale daide sociale de lHérault, ni de la date daudience à lissue de laquelle cette commission a statué sur le recours introduit par le président du conseil général de ce département et le mettant en cause en qualité de défendeur ; que, dès lors, la décision susvisée du 18 février 1997 de la commission départementale daide sociale de lHérault doit être réputée prise au terme dune procédure irrégulière au regard des dispositions législatives précitées, qui sont applicables aux juridictions de laide sociale, et doit, par suite, être annulée ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le président du conseil général de lHérault devant la commission départementale daide sociale ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme Jeanne Michel veuve R..., décédée le 19 octobre 1998, a bénéficié de laide sociale aux personnes âgées pour la prise en charge de services ménagers à son domicile, du 21 janvier 1986 au 30 mars 1996, et pour le portage de ses repas, du 1er avril 1992 au 30 mars 1994, à concurrence dune somme totale de 146 832,84 F (22 384,52 Euro) ; que, le 24 janvier 1994, Mme R... a donné à son fils, M. Robert R..., la nu-propriété de biens immobiliers à concurrence de 88 200,00 F (13 446,00 Euro) ; que, par une décision du 13 février 1996, les services daide sociale de lHérault ont avisé M. R... de ce quun recours en récupération des sommes avancées par laide sociale à sa mère serait engagé à son encontre ; que, toutefois, par une décision du 3 septembre 1996, la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas a jugé équitable de ne pas poursuivre cette récupération, aux motifs, dune part, quen labsence de toute donation, M. R... aurait seul hérité des biens immobiliers en cause, dont la valeur, qui constituait lessentiel de lactif successoral de sa mère, était nettement inférieure au seuil prévu à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, dautre part, que M. R... soutenait avoir contribué aux frais de réparation desdits biens ; quen outre, par un acte notarié du 18 septembre 1996, la donation susmentionnée a été révoquée, avec effet au 1er janvier 1994 ; que le président du conseil général de lHérault relève néanmoins appel de la décision susmentionnée du 3 septembre 1996 ;
Considérant, en premier lieu, quaux termes de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause : « Des recours sont exercés par le département, par lEtat, (...) b) Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle 4 du décret du 15 mai 1961 modifié : « Les recours prévus à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusquà concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de laide sociale, appréciée au jour de lintroduction du recours (...). Le montant des sommes à récupérer est fixé par la commission dadmission saisie par le préfet » ; quil résulte de ces dispositions que lautorité administrative compétente est tenue dexercer le recours sur donation, dès lors que les conditions prévues à larticle 146 du code de la famille et de laide sociale sont remplies ;
Considérant, en second lieu, que la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour ladministration de laide sociale de rétablir, sil y a lieu, sa nature exacte, sous le contrôle des juridictions de laide sociale et sous réserve pour ces dernières, en cas de difficulté sérieuse, dune question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire ; quaux termes de larticle 953 du code civil : « La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause dinexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause dingratitude, et pour cause de survenance denfants » ; quaux termes de larticle 956 du même code : « La révocation pour cause dinexécution des conditions, ou pour cause dingratitude, naura jamais lieu de plein droit » ;
Considérant quil nest pas soutenu ni même allégué que lacte du 18 septembre 1996 par lequel Mme R... et son fils ont entendu révoquer la donation intervenue entre eux, soit fondé sur lun des motifs prévus à larticle 953 précité ; quà supposer même que Mme R... ait entendu sanctionner lingratitude du donataire ou linexécution des conditions stipulées dans le contrat de donation, il appartenait à lintéressée, conformément aux prévisions de larticle 956 précité, de saisir la juridiction judiciaire compétente afin quelle prononce la révocation dont sagit ; que, dès lors, en tout état de cause, les stipulations de lacte notarié du 18 septembre 1998 ne sont pas opposables à ladministration de laide sociale ; que, par suite, M. R... doit être regardé comme ayant bénéficié de la donation des biens litigieux en cause et pour lapplication des dispositions précitées de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale ;
Considérant toutefois quil appartient à la commission dadmission à laide sociale, sous le contrôle du juge de laide sociale, de modérer le cas échéant la somme récupérée ; que si M. R... établit quil a régulièrement contribué aux charges dentretien courant du foyer maternel et aux dépenses de réparation de la propriété occupée par sa mère, il nallègue pas pour autant se trouver dans une situation financière précaire ; que, dès lors, il sera fait une juste appréciation de lensemble des circonstances de lespèce en limitant à la somme de 7 000,00 Euro (45 916,99 F) le montant de la créance daide sociale récupérable à lencontre de M. R... ;
Décide
Art. 1er. - La décision du 18 février 1997 de la commission départementale daide sociale de lHérault est annulée.
Art. 2. - La somme de 7 000,00 Euro sera récupérée à lencontre de M. Robert R... au titre des sommes avancées par laide sociale à Mme Jeanne Michel veuve R..., sa mère.
Art. 3. - La décision du 3 septembre 1996 de la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas est réformée en ce quelle a de contraire à la présente décision.
Art. 4. - Le surplus des conclusions de la demande présentée par le Président du conseil général de lHérault devant la commission cantonale dadmission à laide sociale de Lunas, ensemble le surplus des conclusions de la requête de M. R... devant la commission centrale daide sociale, sont rejetées.
Art. 5. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi et de la solidarité à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 19 mars 2002 où siégeaient M. Belorgey, président, M. Vieu, assesseur, M. Bereyziat, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 23 avril 2002.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer