Dispositions communes à tous les types d’aide sociale  

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  RECOURS EN RÉCUPÉRATION  
 

Mots clés : Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) - Recours en récupération - Assurance-vie
 

Dossier no 000262

Mme C...
Séance du 27 février 2002

Décision lue en séance publique le 13 mars 2002

    Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 1999, présentée par le président du conseil général de l’Hérault, tendant à l’annulation de la décision du 28 octobre 1999 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a infirmé la décision du 20 janvier 1998 de la commission d’admission à l’aide sociale de Béziers 4 mettant à la charge de Mme Francine C..., de Mme Nicole G... et de M. André C... la somme de 12 869,86 F correspondant au tiers de la somme reçue par leur mère au titre de l’aide sociale départementale, au titre d’un recours sur donation dirigée contre les primes perçues par ces derniers en vertu du contrat d’assurance vie souscrit par Mme C... ;
    Il soutient qu’il lui était possible d’introduire un recours en récupération sur donation en qualifiant de donation indirecte les versements résultant d’un contrat d’assurance vie ; qu’il y a lieu de rechercher si la souscription d’un contrat d’assurance vie au profit d’un tiers est constitutive en cas de décès du souscripteur sans qu’il ait été mis un terme de son vivant à ce contrat, d’une libéralité au profit de ce tiers, exposant ce dernier à un recours sur donation ; que la souscription d’un contrat d’assurance vie par un bénéficiaire de l’aide sociale est contraire au principe du droit de l’aide sociale, en ce que la personne demande l’aide de la collectivité publique alors que dans le même temps, elle s’appauvrit des primes versées sur le contrat ; que la commission départementale a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur un motif tiré de ce que la requalification d’un contrat d’assurance vie en donation ne pouvait trouver son fondement que dans l’intention frauduleuse du souscripteur ; que le montant des primes est disproportionné au regard de l’actif net successoral de Mme C... et qu’aucun aléa n’était susceptible de se produire au moment de la conclusion du contrat ; que la commission départementale a omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu’un autre recours aurait pu être intenté à l’encontre de M. C... au titre du legs dont il a bénéficié ;
    Vu la décision attaquée ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2001, présenté pour Mme Nicole G..., qui conclut au rejet de la requête ;
    Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2001, présenté pour Mme Francine C..., qui conclut au rejet de la requête ;
    Vu les mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2001 et 14 février 2002, présentés pour M. André C..., qui conclut au rejet de la requête ;
    Ils soutiennent que les primes qui leur ont été versées n’ont pas le caractère d’une donation déguisée ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu le code de l’action sociale et des familles ;
    Vu le code de la famille et de l’aide sociale ;
    Vu la lettre en date du 21 mars 2000 invitant les parties à faire connaître au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale si elles souhaitent être entendues à l’audience ;
    Après avoir entendu à l’audience publique du 27 février 2002, M. Lenica, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;
    Sur la régularité de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 28 janvier 1999 ;
    Considérant que devant la commission départementale d’aide sociale, le président du conseil général de l’Hérault n’avait pas présenté de conclusions tendant à une substitution de base légale de la récupération par substitution du c au b de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale alors applicable ; qu’en soutien des conclusions tendant au rejet des requêtes de Mme G... et de M. C... dirigées contre la décision prise par la commission d’admission à l’aide sociale de Béziers 4 sur le fondement du b de l’article 146, le moyen tiré de la qualité des légataires universels de M. C... était inopérant, qu’en n’y répondant pas, la commission n’a pu ainsi entacher sa décision d’omission de réponse à moyen ;
    Sur les conclusions de Mme C... devant la commission centrale d’aide sociale ;
    Considérant que si le secrétariat de la présente juridiction a, à la suite d’ailleurs d’une demande de l’intéressée elle-même, qui avait changé d’adresse et n’avait pas été destinataire de la requête, communiqué celle-ci à Mme C..., il ressort des pièces versées au dossier, notamment de la lettre du 1er janvier 1998 dans laquelle Mme C... déclare « ne pas refuser de s’acquitter de sa dette » et se borne à solliciter un échéancier de paiements, que seul M. C... et Mme G..., avaient, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des ampliations des décisions de la commission départementale d’aide sociale, présenté des demandes devant celle-ci ; que par suite, Mme C... n’est pas recevable en appel à demander pour la première fois à être déchargée de sa créance ; qu’en ce qui la concerne, la décision de la commission d’admission à l’aide sociale de Béziers 4 est définitive et qu’il lui appartient seulement, en tant que de besoin de solliciter des délais de paiement auprès du payeur départemental ;
    Sur la requête du président du conseil général de l’Hérault dirigée contre M. C... et Mme G... ;
    Sur les conclusions principales ;
    Sur l’application du 2e de l’article L. 132-8 du code de l’action sociale et des familles au contrat d’assurance vie souscrit par Mme C... le 21 octobre 1993 ;
    Considérant que la stipulation pour autrui constituée par le contrat d’assurance vie peut être requalifiée en donation si l’administration de l’aide sociale établit l’intention libérale du souscripteur au moment de la souscription du contrat alors requalifiable de donation entre vifs, alors même que l’acceptation du bénéficiaire ne se serait réalisée en fait mais en rétroagissant la date de la signature du contrat, qu’au moment où le promettant lui a versé les sommes dues, en application du contrat après le décès du stipulant ;
    Considérant que la preuve de l’intention libérale doit être apportée alors même que le contrat peut être requalifié comme le soutien à bon droit, le président du conseil général de l’Hérault et comme d’ailleurs il est actuellement de jurisprudence de la présente juridiction qui est revenue sur ce point sur sa décision du 25 mai 1998 citée dans la requête, non comme donation déguisée mais comme donation indirecte ;
    Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » ; qu’aux termes de l’article L. 132/14 du code des assurances : « le capital ou la rente garantis au profit d’un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement de primes dans le cas indiqué par l’article L. 132-13, 2e alinéa » selon lequel les règles relatives au rapport à succession ou à la réduction pour atteinte à la réserve héréditaire « ne s’appliquent pas...aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins qu’elles n’aient été manifestement exagérées au regard de ses facultés » ; que compte tenu de ces dispositions, un contrat d’assurance vie ne peut être requalifié, par le juge de l’aide sociale en donation que lorsqu’au regard de l’ensemble des circonstances de la souscription du contrat, le stipulant s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière actuelle et, nonobstant la possibilité de résiliation du contrat, non aléatoire, ne se bornant pas ainsi à un acte de gestion de son patrimoine ; que dans une telle situation, l’intention libérale doit être regardée comme établie et la stipulation pour autrui peut être requalifiée en donation, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse d’une question préjudicielle à l’autorité judiciaire ;
    Considérant qu’en l’espèce, eu égard à l’âge de la donatrice au moment de la souscription (81 ans), à la durée minimale du contrat (8 ans), au montant de la souscription constituée d’une prime unique de 200 000,00 F rapportée tant aux revenus et aux charges de Mme C... qu’à son patrimoine (actif successoral 2 ans plus tard de 58 741,00 F) il résulte clairement de l’instruction que Mme C... s’est en réalité dépouillée, au profit de ses enfants du montant de la souscription de la prime et que, compte tenu par ailleurs de l’acceptation intervenue au plus tard après le décès de l’assistée et le versement par le promettant du capital garanti aux bénéficiaires, la commission d’admission à l’aide sociale de Béziers 4 a pu requalifier en donation le contrat souscrit par Mme C... le 21 octobre 1993 ; que c’est à tort que pour infirmer cette décision, la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault s’est fondée sur le motif selon lequel aucune intention frauduleuse de Mme C... n’étant établie, la récupération ne pouvait être recherchée sur le fondement du b de l’article 146 du code de la famille et de l’aide sociale, alors applicable ;
    Considérant toutefois, qu’il y a lieu pour la commission centrale d’aide sociale saisie par l’effet dévolutif de l’appel d’examiner le moyen soulevé par M. C... et Mme G... en première instance, repris en appel par M. C... et non abandonné par Mme G... tiré de ce que leur situation justifie la remise de la créance de l’aide sociale ;
    Sur les demandes de remises de Mme G... et de M. C... ;
    Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté, que Mme G... perçoit à l’heure actuelle des revenus mensuels de l’ordre de 620 Euro (4 100,00 F) ; que les montants respectifs du capital qui lui a été versé en qualité de bénéficiaire du contrat d’assurance vie souscrit par Mme C... et de l’actif net successoral de la succession de celle-ci permettent de tenir comme établi, qu’elle n’est plus, à l’heure actuelle, ainsi qu’elle le soutient, titulaire d’un patrimoine de quelque importance ; que dans ces conditions, et nonobstant le montant modique de la créance recherchée (12 900,00 F), il y a lieu de remettre, en ce qui la concerne, la créance du département de l’Hérault ;
    Considérant qu’il résulte également de l’instruction que M. C..., invalide de 2e catégorie perçoit une pension d’invalidité d’un faible montant ; que s’il n’est pas fourni un avis de non imposition, il ne ressort pas du dossier qu’il soit imposable et le président du conseil général de l’Hérault n’avait pas en première instance contesté la modicité de ses ressources dont il se prévalait seulement ; qu’alors même qu’il a été institué légataire universel de sa mère, dont il avait la charge effective et constante, mais sur un actif successoral du montant sus-rappelé de 58 741,00 F, il y a lieu également, quelle qu’ait pu être l’utilisation du capital perçu, de remettre la créance de M. C... ;
    Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le président du conseil général de l’Hérault n’est pas fondé à se plaindre, de ce que par la décision attaquée, la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ait fait droit aux conclusions de Mme G... et de M. C... ;
    Sur les conclusions de Mme G... tendant à ce que M. C... supporte seul la charge de la créance d’aide sociale ;
    Considérant qu’à supposer même que Mme G... ait entendu formuler de telles conclusions, il résulte de ce qui précède qu’elles seraient sans objet ;

Décide

    Art.  1er.  -  La requête du président du conseil général de l’Hérault est rejetée.
    Art.  2.  -  La présente décision sera transmise au ministre de l’emploi et de la solidarité à qui il revient d’en assurer l’exécution.
    Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 février 2002 où siégeaient M. Levy, président, Mme Covin-Leroux, assesseur, M. Lenica, rapporteur.
    Décision lue en séance publique le 13 mars 2002.
    La République mande et ordonne au ministre de l’emploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale d’aide sociale,
M.  Defer