Dispositions spécifiques aux différents types daide sociale |
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REVENU MINIMUM DINSERTION (RMI) | ||
Mots clés : Couverture maladie universelle (CMU) - Revenu minimum dinsertion (RMI) - Ressources |
Dossier no 000869
M. S...
Séance du 6 novembre 2001
Décision lue en séance publique le 13 novembre 2001
Conclusions du commissaire du Gouvernement dossier no 000869
Le requérant a déposé une demande dallocation de revenu minimum dinsertion. Celle-ci a été refusée au motif que, ressortissant communautaire, il est en possession dun titre de séjour « non actif », délivré sur le fondement de la directive 90-364 en date du 28 juin 1990. Il a saisi la commission départementale daide sociale qui, par une décision en date du 28 janvier 2000, a rejeté le recours. Le demandeur fait appel devant votre commission de cette décision.
La directive du Conseil du 28 juin 1990 prévoit, dans son article 1er, que les Etats membres accordent le droit au séjour aux ressortissants des Etats membres qui ne bénéficient pas de ce droit en vertu dautres dispositions du droit communautaire à condition quils disposent, pour eux-mêmes et pour les membres de leur famille, dune assurance maladie couvrant lensemble des risques dans lEtat membre daccueil et de ressources suffisantes pour éviter quils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour lassistance sociale de lEtat membre daccueil. Les ressources sont suffisantes lorsquelles sont supérieures au niveau de ressources en deçà duquel une assistance sociale peut être accordée par lEtat membre daccueil à ses ressortissants. Lorsque ces dernières dispositions ne peuvent sappliquer, les ressources du demandeur sont considérées comme suffisantes lorsquelles sont supérieures au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par lEtat membre daccueil. La directive prévoit, dans son article 2, que les Etats membres peuvent, lorsquils lestiment nécessaire, demander la revalidation de la carte de séjour, dont la validité peut être limitée à cinq ans, au terme des deux premières années de séjour. Elle prévoit également dans le même article que, pour la délivrance de la carte de séjour, lEtat membre ne peut demander au requérant que de présenter une carte didentité ou un passeport en cours de validité et de fournir la preuve quil répond aux conditions prévues. Larticle 3 précise que le droit de séjour demeure tant que les bénéficiaires répondent aux conditions prévues par larticle 1er.
De son côté, la circulaire DSS/DIRMI no 93-05 du 26 mars 1993 (point 1221) précise que les ressortissants titulaires dune carte de séjour délivrée en application des directives quelle énumère, dont notamment celle portant le no 90-364, ne peuvent prétendre au bénéfice de lallocation de revenu minimum dinsertion. Elle ajoute que lorsque le titre de séjour présenté fait mention de lune de ces directives, une proposition de non-ouverture du droit au revenu minimum dinsertion doit être faite par lorganisme payeur au préfet, « au motif que lintéressé est présumé disposer de ressources suffisantes » (cf. rapport pour la commission centrale daide sociale établi le 23 mai 2000 par la préfecture du Tarn).
La commission départementale daide sociale a maintenu le refus proposé au préfet par la caisse dallocations familiales au motif : « titre de séjour non valable ». Elle aurait pu annuler cette décision pour motivation irrégulière. Sa propre motivation, si elle évite à juste titre de citer la circulaire du 26 mars 1993 dépourvue de valeur réglementaire, nen est pas moins contestable du fait quelle reprend les dispositions mêmes de cette circulaire. Pour lensemble de ces raisons, vous pourriez annuler la décision de la commission départementale daide sociale et, par leffet dévolutif de lappel, régler laffaire au fond.
A ce stade, votre commission pourrait, dans un premier temps, surseoir à statuer et saisir le ministère des affaires étrangères, comme elle lavait fait dans laffaire 7/86 du 30 novembre 1988 afin quil donne son interprétation de larticle 1er de la convention dassistance sociale et médicale, voire, si une telle possibilité est prévue, saisir directement la Cour de justice des Communauté européennes, afin de connaître linterprétation quils donnent de léventuelle incidence, sur le droit à lallocation de revenu minimum dinsertion, de la condition de ressources prévue par la directive 90-364.
Vous pourriez également décider de trancher le litige au fond, sur la base de trois principes suivants :
1. Le principe de lautonomie des corpus juridiques. Ce principe soppose à ce que des conditions applicables à une législation soient évoquées à loccasion de lexamen des droits au bénéfice dune autre législation. Or, la condition relative au niveau des ressources est prévue pour la délivrance de la carte de séjour délivré en application notamment de la directive 90-364. Elle ne peut être retenue pour lapplication de la législation relative à lallocation de revenu minimum dinsertion qui prévoit des conditions spécifiques de détermination et de niveau de ressources.
2. Le principe de non-discrimination. Ce principe, de portée générale, est reconnu par le droit interne et également par le droit communautaire qui attache au statut de citoyen de lUnion les devoirs et les droits prévus par le traité, dont celui, prévu par larticle 6 du traité, de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ dapplication rationae materiae du traité. Ce principe est mis en uvre de manière affirmée par la Cour de justice des Communautés européennes, en particulier dans sa décision du 12 mai 1998 (Martinez Sala). Dans larticle 3 de sa décision, la Cour précise que « le droit communautaire soppose à ce quun Etat membre exige des ressortissants des autres Etats membres autorisés à résider sur son territoire quils produisent une carte de séjour en bonne et due forme, délivrée par ladministration nationale, pour bénéficier dune allocation déducation, alors que les nationaux sont uniquement tenus davoir leur domicile ou leur lieu de résidence ordinaire dans cet Etat membre ». Lallocation déducation en cause est une prestation prévue par la loi fédérale allemande sur laide sociale accordée automatiquement aux personnes répondant à certains critères objectifs, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels et qui vise à compenser les charges de famille. Certes, au cas despèce, le refus daccorder cette prestation était que la requérante, en séjour régulier, ne disposait pas dun titre de séjour, dont la délivrance était retardée par ladministration de lEtat membre daccueil.
Sagissant du revenu minimum dinsertion, cette prestation entre dans le champ dapplication rationae materiae du traité. Pour sa part, le requérant relève du domaine dapplication rationae personae des dispositions du traité consacrées à la citoyenneté européenne. Toute discrimination à son encontre, et notamment celle découlant dune demande de la part des services instructeurs davoir à se justifier sur son niveau de ressources, serait inacceptable.
3. Le principe de subsidiarité. Ce principe, tel quil est prévu par la loi du 1er janvier 1988 dans son article 23, devenu larticle L. 262-35 du Code de laction sociale et des familles, est spécifique au revenu minimum dinsertion. Sappliquant de manière générale, cet article ne peut être suspecté dintroduire une discrimination entre ressortissants nationaux et ressortissants communautaires. Larticle L. 262-35 prévoit que le versement de lallocation de revenu minimum dinsertion est subordonné à la condition que le demandeur fasse valoir ses droits aux prestations sociales, légales, réglementaires et conventionnelles ainsi quaux créances daliments qui lui sont dues au titre des dispositions visées par le deuxième alinéa de larticle L. 262-35.
On peut légitimement estimer quil existe une présomption que le requérant, du fait de son statut, est susceptible, comme on le ferait vis-à-vis dun autre demandeur se trouvant dans une des situations prévues par cet article, dentrer dans le champ dapplication de celui-ci. Dans un tel cas, les organismes instructeurs et les organismes payeurs assistent les demandeurs dans les démarches rendues nécessaires pour la réalisation des conditions ci-dessus. Dautre part, lallocation est versée à titre davance et, dans la limite des prestations allouées, lorganisme payeur est subrogé, pour le compte de lEtat, dans les droits des bénéficiaires vis-à-vis des organismes sociaux ou de ses débiteurs.
Sur la base de ces trois principes, vous seriez amené, après avoir annulé les décisions précitées du préfet et de la commission départementale daide sociale, à accorder au requérant lallocation de revenu minimum dinsertion, à titre davance, dans les conditions prévues par larticle L. 262-35 du Code de laction sociale et des familles.
Je conclus en ce sens.
L. Dessaint