Dispositions communes à tous les types daide sociale |
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RECOURS EN RÉCUPÉRATION | ||
Mots clés : Récupération sur donation - Qualification de lacte |
Dossier no 992226
Mme D...
Séance du 11 juin 2001
Décision lue en séance publique le 16 août 2001
Vu enregistré à la direction des affaires sanitaires et sociales de lAllier le 23 juin 1998 la requête de Mme Simone D..., tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler les décisions de la commission départementale daide sociale de lAllier et de la commission dadmission à laide sociale de Moulins en date des 27 avril 1998 et 16 septembre 1997 décidant à son encontre dune récupération de 89 286,90 F sur le fondement de larticle 146 c du code de la famille et de laide sociale au titre des prestations versées à Mme Elisabeth L..., sa mère, ayant souscrit en sa faveur des contrats dassurance-vie et décès et lui accorder les intérêts moratoires au taux légal sur les sommes irrégulièrement acquittées par les moyens que lallocation compensatrice nest pas récupérable sur la succession de la fille de lassistée ; quun employé zélé du Crédit Agricole a fait souscrire par une personne très âgée un contrat dassurance-vie alors que son patrimoine natteignait pas les limites de lexonération des droits de mutation en ligne directe ; que lassurance-vie est en quelque sorte une donation indirecte qui ne peut être appréhendée par le donataire quau décès de lassuré et que tant quil ne la pas accepté, ce qui est présentement le cas, la désignation du bénéficiaire peut être modifiée ; quil ny a pas de différence pratique entre une succession, un legs et une donation indirecte lorsque comme en lespèce, le bénéficiaire est lenfant de la défunte et son unique héritière et que la question ne se poserait même pas si largent avait été conservé dans tout autre élément dactif au nom de la défunte ; que si lon assimile lassurance-décès à un legs, on considère par là même quelle fait partie de la succession ou que cela signifie quon doit récupérer lallocation compensatrice sur le patrimoine propre de lhéritier en ligne directe, ce qui nest pas prévu ; que de toute façon, cela est contraire à lesprit de la loi qui exclut la récupération sur le patrimoine du défunt lorsque les héritiers sont les personnes exonérées ; que pour mémoire, le cumul du montant de lassurance-vie inférieur à celui annoncé par le service et du reste de la succession est inférieur au seuil de 300 000,00 F en deçà duquel il ny a ni récupération dallocation compensatrice ni droits de succession en ligne directe ; quenfin, on peut estimer que lexécution forcée dune décision dépourvue de base légale constitue une voie de fait, argument auquel la décision attaquée na pas répondu ; quil en est de même pour la référence à larticle 132 du code de la famille et de laide sociale qui a un objet différent ; quen fait, la décision contestée est dépourvue de base légale puisque lallocation compensatrice nest pas récupérable ;
Vu le mémoire en date du 28 juin 1999 du président du conseil général de lAllier tendant au rejet de la requête par les motifs que larticle 132 du code de la famille et de laide sociale nétait pas applicable à la demande du président du conseil général et que lappel na pas de caractère suspensif ; que sil est évident que lanalyse qui a été faite de la nature de lacte est erronée dans la mesure où il est indiscutable que lassurance-vie est une stipulation au profit dautrui et ne peut être assimilée à un legs puisque celui-ci fait partie intégrante de la succession alors que lassurance-vie est payée hors succession entre les mains du bénéficiaire désigné, dispositions dailleurs codifiées à larticle L. 132-12 du code des assurances, il ne semble pas nécessaire davoir recours à une question préjudicielle pour donner une nouvelle qualification juridique à un contrat dassurance-vie ; que la doctrine reconnaît en effet plusieurs types de donations notamment les donations indirectes, classables en trois catégories ; que les contrats actuels, cest-à-dire des contrats dépargne, présentent principalement une fonction de capitalisation et que lorsque le contrat se dénoue par le décès, le capital est délivré au bénéficiaire et il est incontestable que la désignation du bénéficiaire relève dune intention libérale ; que la Cour de cassation en assemblée plénière a reconnu lintention libérale au profit dun tiers et confirmé que le bénéficiaire qui a accepté est réputé avoir seul droit au capital à partir du jour du contrat ; que ces éléments ont été repris dans différentes décisions ; quen conséquence, il y a donation indirecte ; quen ce qui concerne les contrats souscrits par Mme Elisabeth L..., il sagit bien de contrats aléatoires dont lexécution est liée à la durée de la vie humaine ; que Mme Simone D... a accepté et a bénéficié du versement de la somme totale de 108 000,00 F et est donc réputée avoir bénéficié de la somme de 90 000,00 F, montant souscrit à la date du 20 mai 1994, soit dans les cinq ans qui ont précédé la demande daide sociale déposée par Mme Elisabeth L... le 10 avril 1995 ; que le recours contre donataire peut donc sexercer à hauteur de la créance de 89 286,90 F ;
Vu enregistré le 2 janvier 2001 le mémoire en réplique de Mme Simone D... persistant dans les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et les moyens quelle ignorait les contrats avant le décès de sa mère et na jamais eu du vivant de celle-ci la qualité de donataire acceptant ; quainsi le droit na pu naître avant le décès et a fortiori dans les cinq ans précédant la demande dallocation compensatrice ; que sil sagit dune libéralité, elle est, ainsi, à cause de mort ; quen sadressant par une véritable voie de fait au notaire chargé de la succession, le conseil général a appréhendé les deniers de la succession dont le montant était inférieur au seuil de récupération applicable ; quun contrat dassurance-vie nétait pas saisissable ;
Vu enregistré le 24 janvier 2001 le mémoire en duplique du président du conseil général de lAllier persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que cest bien le notaire qui a saisi le département lors du décès ; que lintérêt à agir de M. Léon dH... nest pas avéré ; quil a fait parvenir des courriers au notaire ; que Mme Simone D... méconnaît le sens des articles L. 132-9 et L. 132-12 du code des assurances dont il résulte que du fait de lacceptation, le droit du bénéficiaire est considéré comme rétroactivement entré dans son patrimoine, sans être passé par celui du stipulant ;
Vu enregistré le 5 mars 2001 le nouveau mémoire de Mme Simone D... persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et les moyens que Mme Simone D... est assistée par M. Léon dH... ; quelle demande communication des arrêts de la Cour de cassation cités ; quil résulte des articles L. 132-9 et L. 132-12 du code des assurances que le bénéficiaire dun contrat dassurance-vie est attributaire dun droit de créance conditionnel, quil ne peut exercer au plus tôt quau jour du décès de lassuré ; quainsi le contrat dassurance-vie, sil est une libéralité, nest en aucun cas une donation qui suppose un dépouillement actuel et irrévocable du donateur, accepté par le donataire ; quelle demande justification du montant ramené à 55 270,20 F ;
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le décret du 15 mai 1961 ;
Vu larticle 39 de la loi du 30 juin 1975 ;
Vu le décret no 90-1124 du 17 décembre 1990 ;
Après avoir entendu à laudience publique du 11 juin 2001 M. Goussot, rapporteur, et les observations orales de M. dH... et de M. V... et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que les décisions attaquées ne sont pas insusceptibles de se rattacher à lexercice dun pouvoir dont dispose ladministration et nont pas été mises en uvre dans des conditions telles quelles en aient dénaturé lexercice ; quainsi, Mme Simone D..., qui a dailleurs saisi le juge administratif de laide sociale, nest pas fondée à se prévaloir de la voie de fait quelle allègue ;
Considérant que le président du conseil général a réduit en cours dinstance, dans son mémoire en duplique, le montant de la somme, dont le recouvrement a été obtenu de la commission dadmission par erreur matérielle ; quen tout état de cause, la requérante ne serait pas fondée à sen plaindre ;
Sur la base légale ;
Considérant quainsi que le fait valoir ladministration elle-même en appel, la récupération sur le bénéficiaire des sommes correspondant à la souscription par le stipulant dun contrat dassurance-vie et décès, après le décès du stipulant et versement par le promettant du capital dû au bénéficiaire ne constitue pas une récupération sur le légataire, les sommes récupérées nétant pas susceptibles pour tout ou partie dêtre rapportées à la succession ; que dailleurs, sil y avait eu récupération sur un légataire, ceût été sur un légataire à titre universel et la récupération naurait pu être regardée comme recherchée sur le fondement du c de larticle 146 du code de la famille et de laide sociale mais de son a ; que cest par suite à tort que la commission départementale daide sociale de lAllier a confirmé la décision attaquée de la commission dadmission à laide sociale de Moulins décidant dune récupération sur légataire ;
Considérant que le juge de plein contentieux de laide sociale ne se borne pas à apprécier la légalité des décisions administratives mais doit, compte tenu de lensemble des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il statue, se prononcer sur le bien-fondé de la créance de ladministration ; qualors même que la récupération a été recherchée sur le fondement de larticle 146 c du code de la famille et de laide sociale, elle lest dorénavant sur celui du b du même article et le président du conseil général de lAllier est fondé à substituer devant la commission centrale daide sociale, le fondement précédemment évoqué ;
Considérant quun contrat de souscription dassurance-vie et décès, acte mixte, est susceptible dêtre requalifié par ladministration et le juge de laide sociale en donation indirecte si lintention libérale du stipulant à légard du bénéficiaire est établie par ladministration ; quen cas toutefois de difficultés sérieuses, il y a lieu à renvoi à lautorité judiciaire de la question préjudicielle de lexistence ou non dune donation indirecte dans les circonstances particulières de chaque espèce ;
Considérant que nonobstant le caractère rétroactif de lappropriation du capital revenant au bénéficiaire dès la souscription du contrat par le stipulant, lorsque le bénéficiaire accepte la stipulation pour autrui après le décès du stipulant et en admettant quun contrat dassurance vie et décès ne puisse être considéré comme une donation indirecte du seul fait que la prime a été versée sous forme dun capital et que le stipulant est décédé, contrairement à ce que soutient le président du conseil général de lAllier il résulte, en lespèce, clairement de linstruction que, compte tenu de lâge de la stipulante et de celui de la bénéficiaire comme de la composition du patrimoine mobilier de Mme Elisabeth L..., que la souscription, le 20 mai 1994, par Mme L..., stipulante âgée de 91 ans au profit de sa fille unique, Mme D... moyennant des primes dun montant de 90 000,00 F, est de nature à permettre de la requalifier comme une donation indirecte, ne procédant pas de la seule gestion du patrimoine mobilier de Mme L... « uniquement pour avoir des ressources », comme la soutenu en première instance Mme D... ; que dans ces conditions et sans quil soit besoin dune question préjudicielle à lautorité judiciaire pour déterminer si les contrats souscrits en 1994 par Mme L... au bénéfice de Mme D... constituent une donation indirecte, ladministration établit en lespèce devant la commission centrale daide sociale que lesdits contrats constituaient bien une telle libéralité et est fondée dès lors à rechercher dans la limite du montant des primes versées par la stipulante, la récupération des sommes, inférieures aux dites primes versées à Mme L... par laide sociale ;
Considérant que le présent recours nest pas un recours contre la succession de Mme L..., alors même que celle-ci est décédée mais que demeurant un recours contre Mme D..., donataire, celle-ci nest pas fondée à se prévaloir des dispositions de larticle 39 de la loi du 30 juin 1975, concernant le recours en récupération contre la succession du bénéficiaire lorsque ses héritiers sont ses enfants et que larticle 4-I du décret du 15 mai 1961 excluant les recours contre les successions inférieures à 300 000,00 F est également sans incidence ;
Considérant que la circonstance quun placement différent des liquidités de Mme L... aurait conduit à ne pas les prendre en compte dans le cadre dune récupération sur la succession est dès lors, sans incidence sur la possibilité pour le président du conseil général de lAllier de faire usage de la possibilité de récupération sur donation quil tient de larticle 146 b du code de la famille et de laide sociale ;
Considérant que Mme D... ne formule aucune demande de remise ou de modération ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme Simone D... ne peut être que rejetée et quainsi il ny a, en tout état de cause, lieu à loctroi dintérêts moratoires ;
Décide
Art. 1. - La requête de Mme Simone D... est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera transmise au ministre de lemploi et de la solidarité à qui il revient den assurer lexécution.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 11 juin 2001 où siégeaient M. Levy, président, M. Pages, assesseur, et M. Goussot, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 16 août 2001.
La République mande et ordonne au ministre de lemploi et de la solidarité en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le président | Le rapporteur |
Pour ampliation,
Le secrétaire général
de la commission centrale daide sociale,
M. Defer